le Roux pour les bénéfices ecclésiastiques, il eut l’adresse d’en obtenir, pour lui et ses successeurs, les fiefs de Hædreha et de Lambeth. Appelé à la cour de Henri Ier, il plut tellement à ce monarque, qu’il fut choisi pour baptiser une princesse que la reine Mathilde mit au monde vers cette époque. Gondulfe ne se servit de la faveur dont il jouit sous ces différents règnes que pour se procurer les sommes nécessaires pour rebâtir la cathédrale de son diocèse, et fonder deux couvents. À une époque où le clergé était continuellement en butte aux persécutions de la cour, l’évêque de Rochester eut le bonheur de rester en paix avec les deux partis ; et ce calme, il ne le dut qu’à la modération de son caractère. La révolte d’Odon, évêque de Bayeux, l’exposa quelque temps à un assez grand danger ; mais, quoique les insurgés se fussent emparés de Rochester, et que l’armée royale les y eût assiégés, Gondulfe montra tant de délicatesse et de prudence dans la neutralité qu’il crut devoir observer en cette circonstance, que la cour et les rebelles ne cessèrent de lui témoigner la plus haute considération. Ce prélat faisait d’abondantes aumônes, mais sans anticiper sur ses revenus. Il disait régulièrement deux messes par jour, et priait habituellement avec tant de componction, que ses joues étaient toujours arrosées de larmes lorsqu’on le voyait au pied des autels. Il mourut en 1108, après une vieillesse languissante et accablée d’infirmités. Tous ces détails sont extraits d’une Vie de Gondulfe, écrite par un moine de Rochester, son contemporain, et que l’on trouve
insérée dans le tome 2, page 211, de l’Anglia sacra.
GONFREY (Michel), né à St-Lô, vers 1633, fit
ses études à Caen. Il annonça dans sa jeunesse de
grandes dispositions pour la littérature, et particulièrement
pour la poésie : ses vers latins sont
très-estimés ; on en trouve dans les recueils du Palinod
de Caen, institution littéraire semblable à
celle des jeux floraux, et qui contribua beaucoup
à développer ses talents, comme ceux de Malfilâtre
et d’une foule d’autres poëtes normands.
Mais, obligé de consulter plutôt la raison que son
gout, Gonfrey se porta vers l’étude des lois, dans
laquelle il eut également des succès. Le parlement
de Rouen, par un arrêt du 7 septembre 1658, lui
adjugea, sur de nombreux concurrents, une
chaire de droit dans l’université de Caen. Il en devint
recteur à l’âge de trente ans. La jurisprudence
ne lui fit jamais abandonner les belles-lettres,
qui avaient fait ses premières et ses plus
agréables occupations. Il était cousin germain de
l’abbé de St-Martin, homme singulier qui, dans
son temps, se rendit fameux par ses ridicules (voy.
St-Martin). Gonfrey fut un de ceux qui contribuèrent
le plus à le mystifier, il mourut le 26 février
1696, âgé de 63 ans.
GONGORA Y ARGOTE (Louis), poete espa-Bllfll.
naquit à Cordoue en 1561 d’une famille illustre,
mais pauvre. À l’âge de quinze ans il se
rendit à l’université de Salamanque. Ses parents
le destinaient au barreau, se flattant de trouver
dans son travail un soulagement a leur mauvaise
fortune ; mais Gongora était né poëte, et entraîne
par un penchant irrésistible, à peine eut-il fini
ses cours qu’il se consacra entièrement à l’étude
des belles-lettres. Ses premières compositions
furent reçues avec applaudissement ; elles le méritaient
en effet : doué de beaucoup d’esprit, d’érudition
et de goût, il ne s’était pas encore écarté
de la bonne route, et suivait fidèlement les traces
de Garcilaso et de Boscan. Cependant, malgré le
succès de ses études et de ses compositions, Gongora
ne put obtenir aucun emploi et vivait
presque dans la misère. Un voyage qu’il fit à
Madrid ne lui fut d’aucune utilité ; cette contrariété
du sort, en exaspérant son caractère, naturellement
affable et doux, lui prete cette âcreté,
ce mordant que l’on remarque dans ses satires,
la plupart dirigées contre les meilleurs écrivains
de son temps, tels que les deux Argensola, Villegas,
Lope de Vega et Quevedo ; et tandis que
ces beaux-esprits, justes appréciateurs du talent
les uns des autres, offraient le rare exemple de
l’harmonie la plus parfaite, Congora, les attaquant
tous ensemble, et chacun en particulier, ne se
contentait pas de critiquer amèrement leurs
écrits ; il les insultait même par des personnalités
offensantes. Cependant ces satires, ainsi que ses
sonnets et ses chansons (productions de sa jeunesse),
pourraient servir encore comme modèles
de correction et de hou goût. On y trouve de la
précision, de la facilité, de l’élégance ; et le sel
et le piquant qui y dominent partout ne donnaient
pas lieu de soupçonner que l’auteur, pour
acquérir le titre vain de novateur, adopterait un
jour un style aussi faux qu’inintelligible et affecté.
Parmi ces compositions appelées Burlescas et
Amatorias (galantes), on distingue un sonnet
assez piquant sur la vie de Madrid, et deux Romances
(chansons) assez étendues, où, en plaisantant
très-gaiement sur les amours de Léandre
et Héro, ainsi que sur ceux de Pyrame et Thisbé,
il tourne en ridicule le ton sentimental des anciens
romanciers espagnols. Vers ce temps Gongora
eut une maladie qui le mit à deux doigts du
tombeau. Pendant trois jours on le crut mort ; et
ce ne fut qu’au moment de le déposer dans la
bière qu’on s’aperçut qu’il respirait encore. Rétabli
de sa maladie, il crut améliorer son sort en
embrassant l’état ecclésiastique (il avait alors
quarante-cinq ans) ; mais n’ayant pu obtenir
qu’une mince prébende dans la cathédrale de
Cordoue, il passa pour la seconde fois a Madrid,
où, par la protection du duc de Lerme et du
marquis de Siete-Iglesias, il fut nommé aumônier
honoraire de Philippe III. Pour rendre justice à
la mémoire de Gongora, il faut avouer qu’aussitôt
qu’il eut changé d’état, il changea de sentiment
et de langage. Il désavoua plusieurs des compo-