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d’aventures imaginaires attribuées à des personnages réels. C’était le goût du siècle ; et ceux de Gomberville eurent un succès tel, qu’à la formation de l’Académie, le cardinal de Richelieu l’en désigna un des premiers membres. Il y prononça un discours dans lequel il établit que tout héros a trouvé des personnes capables de le louer. Lorsque l’Académie eut décidé qu’elle s’occuperait de la critique des odes de Malherbe, il en témoigne son mécontentement, et prit la défense de plusieurs expressions qu’elle avait censurées. Dans cette circonstance il fut inspiré plutôt par le respect pour la mémoire de ce grand poëte que par aucune espèce d’attachement pour les expressions condamnées. Il s’était au contraire prononcé pour expulser de la langue tous les mots surannés ; il portait même à cet égard le zèle trop loin, puisqu’il en voulut bannir la particule car. qui n’y a point d’équivalent. Gomberville passait une partie de l’année dans sa terre, située dans le voisinage de Port-Royal ; et il avait de fréquents entretiens avec les pieux et savants solitaires qui habitaient alors cette abbaye. Leurs conseils le déterminèrent à renoncer au genre de littérature qu’il avait cultivé avec le plus de succès. Il résolut d’écrire l’histoire des rois de France de la maison de Valois, et il en composa effectivement quelques fragments ; mais son penchant naturel l’emporta a la fin, et il abandonna l’histoire pour revenir à ces fictions romanesques qui avaient pour lui tant de charmes. Il mourut à Paris le 11 juin 1671. On croit que c’est pour lui qu’il avait fait l’épitaphe modeste, mais pleine de sens qu’on trouve dans ses poésies, et. qui finit ainsi :

Ma naissance fut fort obscure,
Et ma mort l’est encore plus.

Il joignait a une raison droite et éclairée un esprit noble et élevé ; la douceur de ses mœurs, ses vertus chrétiennes et morales, le rendaient cher a la société de ses amis. Ses principaux ouvrages sont : 1° Discours des vertus et des vices de l’histoire, et de la manière de la bien écrire, avec un traité de l'origine des François, Paris, 1620, in-4°, très-rare. Je n’ai pas vu, dit Lenglet Dufresnoy, de livre où il y ait plus à profiter que dans celui-ci, qui est plein de réflexions judicieuses et de traits curieux. 2° La Caritie, roman contenant, sous des temps, des provinces et des noms supposée, plusieurs rares et véritables histoires de notre temps. ibid., 1622, in-8° ; 3° Polezandre, ibid., 1652 et 1659, 1 vol.in-4° ; 1658 et 1641, tivol. in-8°. Ce roman, qu’on ne lit presque plus, est le plus intrigué que nous ayons en notre langue ; mais les intrigues en sont si abondantes, si liées les unes aux autres, qu’il est très-difficile de suivre ce fil tortueux. L’auteur, profitent de toute la liberté accordée à la fiction, semble avoir pris plaisir à affecter de l’inconstance dans les différentes éditions ; car la conduite du roman, les épisodes, et surtout le dénouement, offrent une variété constante d’une édition à l’autre : l’ouvrage est cependant estimable par l’invention et par la texture. Comme l’auteur n’aimait pas à se servir du mot car, il se vanta un jour de ne l’avoir jamais employé dans cet immense roman. On eut la patience de l’y chercher, et on le trouva en trois endroits. Cette puérilité fut le sujet d’une des plus agréables lettres de Voiture, qui commence ainsi : « Mademoiselle, car étant d’une si grande considération dans notre langue, etc. » 3° La jeune Alcidiane, 1651, in-8°, est une continuation non finie de Polexandre (voy. Madel. Ang. Gomez). 4° La Cythérée. en 1 volumes dans la première édition (1610-1612), en eut jusqu’à neuf dans les suivantes, selon l’abbé Lenglet ; ce qu’on a de la peine à croire, parce que la fiction parait terminée au 1° volume ; 5° la Doctrine des mœurs, tirée de la philosophie des stoïques, représentée en cent tableaux et expliquée en cent discours. ibid., 16-16, in-fol. ; 1688, in-12. Les gravures, qui sont d’après Otho Vœnius, font tout le prix de cet ouvrage, dont l’édition in-foi. est encore recherchée. 6° Des Poésies éparses dans les recueils du temps. On y remarque des sonnets qui ont reçu de grands éloges ; quelques auteurs ont même voulu donner comme le chef-d’œuvre de ce genre de composition celui qu’il composa sur le Saint-Sacrement, et commençant par ce vers,

Tel qu’aux jours de ta chair tu parus sur la terre ;

il n’est pas besoin d’en citer davantage pour savoir à quoi s’en tenir. C’est Gomberville qui a publié : 1° les Poésies de Maynard, avec une préface ; 2° les Poésies latines attribuées mal à propos au comte de Brienne, puisque l’auteur s’y désigne sous le nom de Thalassius Basilides (traduction grecque des mots Marin le Roi) ; 5° les Mémoires du duc de Nevers. Ces mémoires vont depuis 1514 jusqu’en 1595. Il y a ajouté des pièces qui les continuent jusqu’en 1610, et un abrégé de la vie du duc d’Alençon, rempli de particularités curieuses. La préface de tout l’ouvrage est écrite avec feu, quoique longue ; on y remarque du goût, du jugement et une bonne critique. Il y a inséré le plan de son Histoire de la maison de Valois. 1° La Relation de la rivière des Amazones, par Chr. d’Acunha, traduite de l’espagnol (voy. Acunha). Il y à joint une Dissertation sur cette rivière, qui a été réimprimée à la suite des Voyages de Woods Rogers,

Amsterdam, 1716. On peut consulter l’Histoire de l’Académie françoise, les Mémoires de Niceron, t. 58, l’Histoire critique des journaux par Camusat, et le Parnasse français de Titou du Tillet.

W—s.


GOMERSAL (Robert), ecclésiastique et poete anglais, né à Londres en 1600, mort en 1616, a laissé des sermons estimés de son temps, Londres, 1631 ; une tragédie intitulée Ludovic Sforca, duc de Milan. in-12, 1632, et quelques ouvrages de poésie, particulièrement la Vengeance de Lévite, ou Méditations en vers sur les 19e et 20e chapi-