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porté un nouvel avantage à Caceres, ses troupes s’y laissèrent surprendre, et furent complétement défaites, par suite du désordre qui accompagne les surprises. Ce malheur ne lui fit rien perdre de la confiance de Napoléon qui l’appela auprès de lui en Allemagne en 1815, et lui donna le commandement d’une division. « C’était, a-t-il dit « plus tard, un des plus intrépides soldats de « l’armée française ;* il avait éminemment le feu « sacré. » Ce fut surtout à Lutzen (2 mai 1815) que Girard justifie pleinement cette confiance. « C’est aujourd’hui que tout ce qui a le cœur « français doit vaincre ou mourir, » disait-il à ses soldats. Il y reçut deux blessures graves, et quitta néanmoins à peine le champ de bataille. Rétabli en peu de jours, il parut encore aux batailles de Dresde et de Leipsick, et il fit avec la même distinction la belle campagne d’hiver en 1814 dans les plaines de la Champagne. Il adhéra à la déchéance de l’empereur le 8 avril 1814, et bientôt après reçut du roi la croix de St-Louis. Lorsque Napoléon revint en 1815, Girard fut néanmoins un des premiers à se ranger sous ses drapeaux. Nommé pair de France et commandant de l’une des divisions de la grande armée, il alla combattre sous les ordres de son ancien chef, et fut tué d’un coup de feu la veille de la bataille de Waterloo (17 juin), à l’attaque meurtrière de St-Amand.
GIRARD (Philippe de), l’inventeur de la filature
du fin à la mécanique, naquit en 1775 au château
de Lourmarin (Vaucluse) sur les bords du Jabron,
mince atlluent de la Durance, dans cette région de
Cabrières et de Mérindol ravagée par le fanatisme
religieux lors de la naissance du calvinisme, mais
qui depuis longtemps relevée de ses ruines, comptait
nombre d’habitants aisés, éclairés et formant
une’véritable « gentry » à l’instar de celles qui
cultivent si fructueusement les comtés agricoles
de l’Angleterre. Sa famille, la première et la plus
vénérée de cette petite aristocratie territoriale,
était regardée comme la bienfaitrice du pays, et
préludait ainsi dans cette sphère étroite à ce que
plus tard le plus illustre de ses membres devait
être pour la France tout entière. Des recherches
récentes officielles en partie ont mis hors de doute
que la fortune de son père avant et même après
la révolution se montait à 700,000 francs. Philippe
était le plus jeune de quatre frères, tous dotés
d’aptitudes remarquables et qui le prouvèrent :
Joseph, Camille, Frédéric étaient les noms des trois
premiers. Leur père était lui-même un homme de
talent et d’une instruction très-variée. Il excellait
particulièrement dans la botanique : on a de lui
une monographie des Mousses ; il envoya au traducteur
de Darwin, le magnétiseur peu magnétique
Deleuze, des notes sur les amours des plantes très-précieuses
par la finesse des aperçus et la justesse des observations, et qui furent utilisées par le Sistéronais. Probablement s’il les eût lui-même données au public et dans leur entier, il se fût placé au nombre des dilettante les plus renommés de la science photographique. Mais on reconnaît là ce désintéressement, ce noble laisser-aller qui se bornent à signaler ou bien à ouvrir la mine et qui souffrent tranquillement que d’autres viennent les exploiter et en tirent gloire et marchandises, laisser-aller et désintéressement, traits essentiels du génie comme de la race, et qui furent aussi toujours un des caractères de Philippe. Ayant à remercier le ciel d’un tel père et d’une mère également douée, il ne faut pas demander si les quatre frères reçurent une éducation soignée et brillante-Les
auteurs de leurs jours auraient suffi à la leur
donner ; leur fortune les mettait à même d’avoir
un précepteur à la maison. C’est donc là, c’est
sous l’œil paternel et dans la placide atmosphère
du foyer domestique que se développèrent les
quatre jeunes tetes. Tous les condisciples se pénétrant
là des sentiments les plus purs et les plus
élevés, courage, amour du devoir, désintéressement,
culte de la famille et de la foi de leurs
pères ; tous adoraient leur maître comme un second
père, à tel point qu’un jour ce digne instituteur
ayant été obligé de s’aliter pendant un
voyage, il fallut le cacher aux deux plus jeunes
élèves de peur qu’ils ne tombassent malades de
même. Tous aussi faisaient de rapides progrès ;
tous reconnaissaient d’eux-mêmes, comme ils le
firent toute leur vie, leur maître en Philippe, qui
surprenait et charmait par sa précoce intelligence.
Dès cette époque de vacillation intellectuelle
où Pencéphale ne peut qu’à peine reçevoir
les impressions, il aspirait en quelque sorte
à créer, et les plus inattentifs remarquaient chez
lui la précoce vocation du mécanicien né. Ses camarades
faisaient couler dans Peau du plomb en
fusion : non content d’en suivre de l’œil, mais
d’un œil plus tenace et plus pénétrant que le leur,
les formes diverses imprimées par l’onde froide
au liquide métallique, il imaginait d’y mouler des
empreintes de médailles. Un ruisseau baignait le
bas du jardin paternel : tandis que ses petits amis
y pechaient des écrevisses ou s’aspergeaient mutuellement
en faisant jaillir des gouttes d’eau
claire qu’ils s’envoyaient au visage, il construisait
de petites roues qu’il installait sur le courant
et se familiarisait avec l’idée de la puissance
des forces motrices et de la possibilité de les
produire ; n’uyant encore que quatorze ans, il
conçut, il exécuta une ingénieuse machine pour
utiliser les vagues de la mer. Et qu’on n’aille pas
croire au reste que ce fût là sa seule aptitude !
il en réunissait bien d’autres et surtout de tout
opposées : il cultivait avec passion la botanique,
il s’exerçait et réussissait à la peinture, il sculptait,
il n’abhorrait pas le rudiment, il possédait son
Furgault et ses racines, ses verbes en roi et ses redoublements
attiques, et indubitablement, si* tel
eût été alors le système scolaire, il eût mordu
au thème grec ; il acheva vaillamment toutes ses
humanités, qu’il couronna, suivant l’usage, par