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vants, mais simplement pour les gens du monde et les littérateurs. Il a le mérite de ne pas croire ù l’astrologie ; il s’élève même contre ceux qui prétendaient que les levers et les couchers des étoiles pouvaient avoir quelque influence sur les vents et la pluie. Il admet tout au plus qu’ils peuvent servir à des annonces purement locales, qui ne conviennent qu’à une seule position, et auxquelles on ne doit ajouter quelque foi qu’autant qu’une longue expérience en aurait démontré la certitude. Dans son tableau du ciel étoilé, c’est Callimaque, et nou le géomètre Conon, qu’il donne comme auteur de la constellation connue sous le nom de Chevelure de Bérénice. Il est vrai que le poële s’appuyait du` témoignage de l’astronome ; et des écrivains qui se souvenaient plus particulièrement des vers de Callimaque et de Catulle avaient cru les deux poëtes sur leur parole, et en avaient conclu que Gonon était un courtisan, un bas flatteur. Nous avons taché, à l’article Conon, de venger sa mémoire de cette inculpation si peu vraisemblable. Il semble que Geminus doit fixer nos idées sur cette fiction poétique, fort convenable à Callimaque, mais qui serait peu digne d’un géomètre tel que (Junon. D-L-a. GÊlllSTB (Gsoacs). surnommé Pléthon, philologue et philosophe platonicien, naquitàfionstantinople. Il vivait vers le milieu du 15e siècle, et rendit son nom célèbre par la diversité de ses connaissances et son attachement à la doctrine platonicienne. Il fut du nombre de ces Grecs malheureux et savants qui transplantèrent en Italie l’arbre impérissable de la science, que les efforts du barbare Mahomet ll venaient de déraciner dans la Grèce. Il s’était trouvé au concile de Florence, sous le pape Eugène IV, en 1-138, et s’y était fait admirer par son éloquence et son grand savoir dans la question relative au schisme qui divisait les Grecs et les Latins. Il fut admis à la cour du premier de ces lédicis dont l’un était le père du peuple. et l’autre le père des lettres. C’est la que prit naissance la dispute fameuse entre les partisans d’Aristote et ceux de Platon ; car ces deux grands hommes avaient alors chacun leurs sectateurs. La philosophie de Platon fut adoptée à la cour des princes, et, par cette raison, fut bientot en grand honneur parmi les hommes de lettres du temps. Gémiste ne suivit point l’impulsion, ce fut en quelque sorte lui qui la donna. Les scolastiques étaient décriés ; et l’on jugeait qu’il fallait à l’esprit humain, nouvellement régénéré, un aliment plus solide que de vaines disputes ; la véritable philosophie n’était pas encore connue ; on sentait seulement combien était défectueuse celle qu’on abandonnait. Gémiste se déclara le champion de Platon contre Aristote et ses défenseurs. George de Trébizonde ramassa le gant ; et, dans ce ridicule défi, ce philosophe, épousant la cause d’Aristote avec une sorte de fureur, rabaiasa beaucoup Platon. La victoke toutefois resta pour lors àce dernier. Le cardinal Bcssarion, 0001118i GEI

triote de Gémiste, mit aussi une extrême chaleur à soutenir la faction platonicienne ; et ce fut la première fois, depuis les beaux siècles de la Grèce, que l’admiration pour de si grands hommes prit le caractère d’une espèce de fanatisme. Gémiste vécut près d’un siècle ; peut-être quelques années plus tard aurait»-il vu renverser l’idole qu’il avait élevée il si grands frais, et bruler ce qu’il avait adoré. C’est le propre des meilleures choses d’être facilement altérées et détournées de leur vrai but par les insensés et les superstitieux ; le système des génies, la préexistence des ames, le culte exclusif des livres de Platon, que d’aveugles sectaires voulaient substituer au texte sacré[1], tous ces excès de la sublime doctrine de Platon, pervertie par ses plus ardents prosélytes, la tirent tomber dans le ridicule ; et dès lors elle fut généralement abandonnée. Au commencement du 16e siècle, elle avait perdu tout son crédit. Aristote avait pris la place accordée quelques années avant à Platon. Gémiste partages la disgrâce de son héros, et les écrits qu’il avait publiés à l’occasion de ces querelles ne lui sarvéeurent pas. Ce qu’il y a de plus remarquable dans ce délaissement, c’est que peu d’écrivains ont eu l’avantage d’une aussi grande quantité d’historiens ; beaucoup se sont occupés de nous transmettre le titre de ses nombreux ouvrages ; car, outre la philosophie, il écrivit sur la grammaire, les mathématiques, l’histoire, l’astrologie, la théologie, la géographie, la chorégraphie ; aucune partie de la science ne lui fut étrangère ; il s’adonna même à l’éloquence ; mais ses discours ne sont pas au-dessus du médiocre. Il nous sufllra d’indiquer les plus intéressants de ses ouvrages écrits en grec : 1“ De platonicœ atque arirtotelicae philosophiœ differentia. Bâle, 1574, in-l° ; id., Paris, 1541, in-8° ; 2° Oracula osagíca Zoroastris, Paris, 1538, in-4° ; id., ibid., 1599, in-8° ; opuscule de quatorze à quinze pages, et de peu if importance. 5° De gestis Gracorum post pugnans ad Mantineaas. tractation duobus libris digesta, Venise, 1505, in-fol. ; et réimprimé plusieurs fois dans le 16e siècle ; traduit en français par Saliat, Paris, 1556. Le manuscrit autographe est à Venise, dans la bibliothèque de St-Marc. Il existe de cet ouvrage une édition plus récente et bien préférable aux anciennes, Leipsick, 1770, par llenr.-God. lteichard. petit in-8°. Galderino a publié, en 1478, une édition latine dédiée à Sixte IV, de la Géographie de Pmlésude. revue d’après un ancien manuscrit grec, non-seulement écrit. comme on l’a dit a l’article Calderino, mais corrigé de la main de Gémiste. Laporte-Dutheil ; dans sa traduction de Strahon, a fait usage d’un extrait que Gémiste avait rédigé des livres sept, huit et neuf de l’ouvrage de ce géographe[2] ; le savant traducteur

  1. Sur le livre de Pléthon, où il voulait établir une nouvelle religion, et sur les suites de ce projet, voyez Boivin, Académie des belles-lettres, t. 2, p. 716.
  2. La bibliothèque de Paris possède quatre exemplalres manuscrits de cette espèce d’abrégé critique de la géographie de Strabon, composé, suivant Laporte-Dutheil, vers lãjtitl ; le troisième, nous le n° 4-5, écrit de la main d'Ange Vergèce, est surtout remarquable par une carte enluminée sur laquelle ce célèbre calligraphe a imaginé de représenter l’Amérique d’une manière reconnaissable, quoique très-informe. Ste-Croix donne un extrait intéressant de cet ouvrage de Gémiste, dans son Mémoire sur les puit : géographes anciens (Journal des Savants, avril 1789, p. 239). Siebenltres, dans ses Anecdota, 1 publié dous opuscules de Gémiste, l’un intitulé Correction de quelques erreurs de Strabon ; et l’autre : De la forme et de la grandeur de la terre.