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berg. Il se lia étroitement dans cette dernière ville avec Thibaut et Hegel. C’est là sans doute, et sous la direction de ce dernier maître, qu’il prit couleur dans la question des deux écoles en jurisprudence, de l’école philosophique, qui avait pour chef Hegel, et de l’école historique, dont les principaux représentants étaient Hugo et Savigny. Après avoir soutenu sa thèse pour le doctorat en droit il rentra dans sa ville natale, mais pour la quitter bientôt, et compléter des connaissances déjà si vastes par l’instruction qu’il devait acquérir encore en voyageant dans plusieurs pays de l’Europe ; il resta même plusieurs années à Paris et à Londres. À son retour à Berlin en 1826, il y fut nommé professeur extraordinaire, puis ordinaire à la faculté de droit. Il y enseignait avec éclat, lorsqu’il fut enlevé à sa famille, à ses amis et à la science, le 5 mai 1859. M. St-Marc-Girardin en a fait un portrait fort avantageux dans la Revue des Deux-Mondes, décembre 1859 ; portrait qui a été reproduit en tête de la traduction de l’Histoire du droit de succession en France, au moyen âge, de Gans, par M. de Loménie, 1846, in-12. Cette traduction ne comprend qu’une partie de l’ouvrage total allemand, dont M. Lerminier avait déjà donné une analyse étendue dans son Introduction générale à l’histoire du droit. Les principaux ouvrages de Gans sont : 1o Des obligations en droit romain, Heidelberg, 1819 ; 2o Scolies sur Gaius. Berlin, 1820 ; 3o Le droit de succession dans le développement historique du monde. 1825-29, 5 vol. in-8o ; 4o Gans fut en 1826 l’un des principaux fondateurs des Annales berlinoises pour la critique scientifique ; 5o Système du droit civil romain ; 6o Coup d’œil rétrospectif sur des personnes et des circonstances, Berlin, 1856 ; 7o Gans a publié en outre les Leçons sur la philosophie du droit, de Hegel ; et 8o les Leçons sur la philosophie de l’histoire, par le même. On sait combien Gans était attaché à la philosophie de Hegel, avec quel soin religieux il en avait recueilli les doctrines. S’il était vrai, comme quelques-uns l’ont assuré, que la Philosophie de l’histoire qui figure aujourd’hui parmi les œuvres posthumes de ce maître illustre, fut en très-grande partie l’œuvre du disciple, Hegel n’en ayant laissé en manuscrit que l’introduction, il serait à présumer cependant qu’elle peut être regardée comme la doctrine de Hegel. Mais cette assertion est démentie par Gans lui-même, qui dit positivement dans la préface de l’ouvrage, qu’à la vérité la rédaction lui appartient, mais « qu’aucune pensée de l’éditeur n’est venue se mêler à celles de Hegel ; que le lecteur peut donc compter qu’il a sous les yeux un ouvrage parfaitement authentique et propre du grand philosophe, et que si l’éditeur avait fait autrement, il n’aurait eu que le choix, ou de donner comme un livre quelque chose de tout à fait insupportable (des notes décousues et sans rédaction), ou de mettre beaucoup trop du sien à la place de ce qu’il avait sous les yeux. » Il n’y a pas de doute en tout cas que ce livre ne soit d’une lecture plus facile, plus intelligible et plus attrayante, pour nous autres Français surtout, que si elle était sortie de la plume de Hegel. Gans joignait à l’érudition et aux pensées profondes qui sont dans le goût et les habitudes des esprits méditatifs et studieux de l’Allemagne, la vivacité, la finesse, la grâce et la clarté de l’esprit français.

Il avait pratiqué beaucoup notre littérature, et, malgré son patriotisme allemand, il dissimulait si peu ses sympathies pour la France, même dans sa chaire, que le gouvernement prussien eut le tort d’en concevoir de l’humeur et de le faire voir. Ce mécontentement lui fut particulièrement témoigné à l’occasion de son cours sur l’histoire de la révolution française et de Napoléon, qui fut suspendu. Ses leçons de droit naturel, de droit public et des gens, de droit criminel et de droit prussien étaient très-suivies. Mais le nombre de ses auditeurs était encore plus considérable lorsqu’il traitait de la philosophie de l’histoire, et en particulier de l’histoire de la France. On en a compté alors jusqu’à quinze cents.

J. T-t.


GANTEAUME (le comte Honoré), vice-amiral français, naquit à la Ciotat (Bouches-du-Rhône), le 15 avril 1755. Son père, qui commandait un bâtiment du commerce, l’embarqua avec lui des Page de quatorze ans, et de 1769 il 1777 il lit, sur divers bâtiments, cinq campagnes dans le Levant et deux dans les Antilles. Il était sur le vaisseau de la compagnie des Indes le Fier Rodrigue en 1778, lorsque la guerre ayant éclaté, ce bâtiment fut requis pour le service du roi, et chargé d’escorter un convoi destiné pour l’Amérique septentrionale. L’année suivante, le Fier Rodrigue se réunit à l’armée navale aux ordres du comte d’Estaing, et prit une part très-active au combat de la Grenade et au siège de Savannah. Nommé lieutenant de frégate auxiliaire en 1781, Ganteaume prit le commandement de la flûte le Marlborough, faisant partie du convoi à la suite de l’escadre du bailli de Suffren, destinée pour les Indes orientales. Embarqué successivement sur les frégates la Surveillante et l’Apollon pendant les années qui s’écoulèrent de 1781 à 1785, il participa aux divers combats qui illustrèrent la marine française dans ces mers. À son retour en France il obtint l’autorisation de commander pour la compagnie des Indes, et il fit successivement sur le Maréchal de Ségur, le Prince de Condé et la Constitution, une campagne en Chine et deux dans les Indes orientales. La guerre ayant été déclarée en 1795, Ganteaume, qui avait déjà obtenu, en 1784 et en 1786, les grades de capitaine de brûlot et de sous-lieutenant de vaisseau, fut appelé au service de l’État comme lieutenant de vaisseau, et embarqué en cette qualité sur le Jupiter, de 74, avec lequel il lit une campagne dans l’océan. L’année suivante ayant été nommé capitaine de vaisseau, il prit le commandement du Mont-Blanc, qui faisait partie de l’armée navale aux ordres de