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ans après sa réception, le bannit de son sein, où elle ne le remplaça point de son vivant. Il plaida contre elle, fit des factums et des libelles en vers et en prose, où plusieurs de ses membres étaient personnellement maltraités. Ces divers écrits, réunis en 1694, 2 vol. in-12, eurent beaucoup de vogue dans le temps, et sont aujourd’hui dans l’oubli. Furetière ne vit point la fin de son procès et il n’eut point la satisfaction de voir paraître son Dictionnaire, qui ne fut publié en Hollande que deux ans après sa mort, arrivée le 14 mai dans sa 68e année. Cet ouvrage, singulièrement augmenté depuis par Basnage et quelques autres savants, jouit encore de quelque estime. La dernière édition est en 4 volumes in-fol., Amsterdam, Les autres ouvrages de Furetière sont :

1e Le Roman bourgeois, Paris, 1666, in-8o, fig. ; Amsterdam, 1704,. in-12 ; Nancy, 1715 ; in-12 ; les mœurs de la classe inférieure de son temps y sont peintes avec une vérité assez plaisante mais il y a beaucoup d’allusions et de traits satiriques qui ne sont plus compris aujourd’hui. ;

2e un Recueil de Poésies, Paris, 1666, in-8o ; l’on y distingue cinq satires contre les marchands, les procureurs, les poètes, etc., lesquelles sont très médiocrement versifiées ;

3e des Fables morales et nouvelles, dont les sujets sont tous de son invention, mais dont le style est sans grâce et sans force ;

4e une Nouvelle allégorique, ou Histoire des derniers troubles arrivés au royaume d’Eloquence, Amsterdam, 1702, in-12 ; plaisanterie qui a perdu presque tout son sel ;

5e le Voyage de Mercure, satire en cinq livres, et en vers, qui est une censure des diverses conditions, et particulièrement du charlatanisme des gens de lettres et des savants, Paris, 1675, in-12 ;

6e le Furetiriana, 1696, in-12 (1)[1]; l’un des plus mauvais recueils de ce genre, et tout à fait indigne de paraître sous le nom d’un homme d’esprit. Furetière en avait beaucoup ; mais sa malignité lui en a fait faire un fâcheux usage, il était très lie avec Boileau, Racine et la Fontaine. Un jour que le premier lui lisait une de ses satires : Voilà qui est bon, disait-il avec un rire amer et moqueur ; mais cela fera du bruit. Boileau fut frappé de ces paroles, et surtout de l’air qui les accompagnait. La Fontaine s’étant trompé sur la différence du bois de grume au bois de marmenteau, il l’en railla si impitoyablement, que le fabuliste, perdant patience, fit contre lui une épigramme où, parlant de coups de bâton que Furetière avait reçus pour ses malins propos, il lui disait :

Le bâton, dis-le-nous, étoit-ce bois de grume,
Ou bien du bois de marmenteau !


Furetière répliqua par une autre épigramme dont voici la fin :

FUR

Il est des bois de plus d’une manière ;
Je n’ai jamais senti celui que vous citez :
Notre ressemblance est entière,
Car vous ne sentez point celui que vous portez.


La parodie de Chapelain décoiffé, imprimée dans les œuvres de Boileau, est presque entièrement de lui, et il eut quelque part à la comédie des Plaideurs.

A-G-R.


FURGAULT (Nicolas) naquit, le 20 octobre 1705 à St-Urbain, à une lieue de Joinville, diocèse de Châlons-sur-Marne. Après avoir fait ses études avec succès à l’abbaye de St-Urbain, près de Joinville, sous la direction des bénédictins, il vint à Paris, où il perfectionna le goût qu’il avait pour les langues latine et grecque. Il occupa d’abord au collège Mazarin la chaire de sixième, et bientôt après, celle de troisième, qu’il conserva jusqu’au temps où il devint professeur émérite de l’université. Très-zélé pour les progrès de ses élèves, il enseigna avec distinction, et s’acquit l’estime générale. Malgré son air sévère, il ne manquait pas d’une certaine aménité qui souvent tempère l’amertume de l’enseignement, tant pour le maître que pour la jeunesse. Sur la fin de sa vie, les troubles révolutionnaires ayant éclaté, l’université fut détruite et les biens qu’elle possédait furent dissipés. Furgault, ainsi que la plupart de ses collègues, se vit donc obligé de quitter Paris : il se retira dans le lieu de sa naissance, où il passa le reste de ses jours avec une de ses nièces, qui lui prodigua tous les soins que demandait son grand âge. Il l’avait priée de lui faire tous les jours, après son dîner, une lecture de quelques morceaux de Sénèque, en lui recommandant de l’éveiller si elle voyait qu’il se fût endormi. Elle eut cette complaisance pendant un assez long temps. Mais un jour qu’elle lui lisait un passage du traité de ce philosophe sur la brièveté de la vie, elle crut s’apercevoir qu’il dormait un peu plus qu’à l’ordinaire, et s’approcha de lui pour le tirer de son sommeil : il avait cessé d’exister. Ainsi s’éteignit ce vieillard respectable, le 5 nivôse an 5 (23 décembre 1794), après avoir parcouru une longue et honorable carrière. Les ouvrages qu’il a donnés au public pour l’instruction de la jeunesse sont :

1e Nouvel abrégé de la grammaire grecque, Paris, 1746, in-8o ; réimprimé plusieurs fois depuis jusqu’en 1789, et depuis cette époque réimprimé après avoir été retouché par M. Janet. L’université en fit constamment usage, parce qu’elle en trouva les principes très clairs et très méthodiques.

2e Abrégé de la quantité ou mesure des syllabes latines, ibid., 1769, in-8o. Quoique l’auteur ait donné à cet ouvrage le titre modeste d’Abrégé, il n’en est pas moins vrai qu’il renferme tout ce qui est indispensable, non-seulement pour connaître la structure d’un vers, mais encore pour sentir toute l’énergie et tous les différents genres de beautés de la poésie latine. Les autres prosodies qui ont paru depuis sont plus qu’insuffisantes, et très souvent fautives. Cet ouvrage eut beaucoup

  1. (1) Il y a des exemplaires dont le titre est F***ana. L’éditeur fut Guy-Marais. Le Furetiriana a été réimprimé dans le premier volume de la collection intitulée Ana, 1789 et années suivantes, vol ; in-8o. On a réimprimé à la suite les Couches de L’Académie.