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sait en parlant de Frenicle : « Son arithmétique doit être excellente, puisqu’elle conduit à une chose où l’analyse a bien de la peine à parvenir.» Cette méthode arithmétique fut longtemps très-enviée des géomètres, et surtout de Fermat, qui sentait plus que personne tout l’avantage que peut donner au génie un seul aperçu nouveau en mathématiques. Ce grand géomètre écrivit plusieurs fois au P. Mersenne de tenter tous les moyens auprès de Frenicle pour lui arracher son secret, s’engageant à reconnaître publiquement cet habile arithméticien pour l’auteur d’une si précieuse méthode, et promettant de le dédommager en lui faisant part de quelque autre invention nouvelle. Frenicle, toujours glacé, ne répondait que par son silence à toutes ces propositions et semblait n’être né que pour faire le tourment des géomètres. Son refus leur était d’autant plus cruel qu’il les exposait à l’humiliation de se voir vaincus par un adversaire qui le plus souvent n’avait sur eux que l’avantage d’une méthode arithmétique. Enfin ce secret si désiré se trouva, à la mort de l’auteur, dans ses papiers. La méthode de Frenicle, qui ne consiste que dans une espèce de tâtonnement, fut appelée par ce géomètre méthode d’exclusion. parce qu’en effet ce n’est qu’en rejetant les nombres qui ne jouissent pas des propriétés requises qu’on parvient au résultat demandé. Leibnitz parle d’un procédé à peu près semblable imaginé par Pell, géomètre anglais, et qui présentait des conséquences remarquables. Au reste, depuis que l’algèbre indéterminée s’est perfectionnée, cette méthode ingénieuse n’est devenue qu’un objet de curiosité. Frenicle en rendit l’application plus facile par des propositions auxiliaires, dont les plus relevées, trouvées d’abord par induction, ont été ensuite démontrées par Lagrange et Euler. Nous avons encore de Frenicle un Traité des triangles rectangles en nombres, dont la première édition parut en 1676, in-12, et la seconde en 1677, à la suite des problèmes d’architecture de Blondel. On trouve dans ce traité un grand nombre de propositions curieuses sur les propriétés constitutives des triangles. Par exemple, Frenicle a démontré qu’il n’y a aucun triangle rectangle en nombres entiers dont l’aire soit un carré ou un double carré. Ce traité des triangles rectangles est précédé d’un autre sur les combinaisons ; mais là où Frenicle a fait preuve encore de beaucoup de sagacité, c’est dans son Traité des carrés magiques. On appelle ainsi des carrés composés d’une certaine quantité de nombres, disposés de telle manière que tous ceux qui sont dans une même bande, parallèle à l’un des côtés, fassent toujours la même somme. L’invention des carrés magiques remonte au 14e siècle, où les empiriques, confondus avec les savants, profitèrent de l’ignorance des peuples pour composer des talismans d’après des vertus secrètes que l’on attribuait aux nombres. Frenicle, dans son ouvrage, apprend à construire ces carrés et surpasse dans cet art tous ses prédécesseurs. Quelques mathématiciens, cherchant combien on pourrait former de carrés magiques avec les seize premiers nombres de notre échelle arithmétique, n’avaient pu trouver tout au plus que seize arrangements différents : Frenicle démontre qu’on en pourrait donner huit cent quatre-vingts, et eut la patience de les tous calculer. Peu satisfait encore, il ajouta une nouvelle difficulté au problème par cette condition, que si l’on ôte les bandes extrêmes qui entourent le carré, celui qui restera soit aussi un carré magique : c’est ce que certains mathématiciens, dans leur admiration, appelaient des carrés magiquement magiques. On ne doit pas juger des mathématiques par ces questions futiles, qui sont à l’analyse de nos grands géomètres ce que pourraient être des acrostiches ou des bouts-rimés à de la belle poésie. Les ouvrages de Frenicle que nous avons cités ont été réunis par Lahire dans le cinquième volume des Mémoires de l'Académie des sciences. On regrette seulement de ne pas trouver dans ce recueil le Traité des nombres premiers de Frenicle, ouvrage inédit qui, après son décès, tomba entre les mains de l’abbé Picard, ainsi qu’un Traité des nombres polygones du même auteur. Picard les conserva longtemps à l’observatoire, avec les autres pièces dont nous avons fait mention, et les remit à Lahire lorsque celui-ci obtint un ordre du roi pour faire imprimer, aux frais du gouvernement, les pièces les plus originales des académiciens. Frenicle s’occupa aussi de la botanique. Il a laissé sur les insectes des observations qui n’ont jamais été imprimées. Il est un de ceux qui, lorsque le système de Newton était dans sa nouveauté, s’occupèrent le plus de la cause de l’attraction : il regardait ce phénomène comme provenant d’un instinct particulier à chaque particule matérielle, qui la faisait chercher à rejoindre le corps dont elle était séparée. Frenicle fut reçu à l’Académie des sciences en 1666 et mourut en 1675. Condorcet a écrit son éloge. B-L-T.


FRENZEL (Joachim) naquit en 1611 à Camentz, dans la haute Lusace. Obligé Par les troubles de la guerre d’abandonner le gymnase de Görlitz, il se rendit en 1652 à l’université de Franeker, où il étudia la médecine. Peu favorisé des dons de la fortune, il accepta l’emploi de précepteur de Guillaume et Ernest van Haren, jeunes gentilshommes, avec l’un desquels il voyagea pendant deux années en France. Il alla ensuite terminer son éducation médicale à Padoue ; et après y avoir obtenu le doctorat, il revint en Hollande et fut nommé médecin-physicien de Grave-sur-Meuse. Son ancien élève, Guillaume van Haren, alors curateur de l’université de Franeker, fit donner en 1651 la chaire de médecine et d’anatomie à Frenzel, qui l’occupa jusqu’à sa mort, arrivée le 27 mars 1669, à Groningue, où il avait été appelé pour administrer les secours de son art à la femme d’un