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qu’un homme doué d’un véritable talent, peu commun alors, ait pu se laisser entraîner par un zèle mal entendu. Ce fut le trop fameux Torquemada qui le premier mit en pratique les horribles principes d’Eymeric, lors de l’établissement de l’inquisition en Espagne, en 1480, sous le règne de Ferdinand et d’Isabelle. Heureusement les successeurs de Torquemada se désistèrent insensiblement de son système de rigueur. Cependant, quelque redoutable que ce tribunal ait été dans son origine, il faut aussi convenir que l’Espagne lui est peut-être redevable de la tranquilltié dont elle a joui pendant que les guerres de religion ensanglantaient le reste de l’Europe. On a souvent accusé ce tribunal d’avoir nui au progrès des sciences et des arts, de même qu’on le représentait partout comme injuste, cruel et arbitraire ; cette accusation n’était peut-être pas alors dénuée de fondement. Ne voulant point passer les bornes que nous nous sommes prescrites, pour éclaircir ces points, nous engageons nos lecteurs à consulter M. Alex. de la Borde dans son Itinér. descr. de l’Espagne, t. 5, p. 1 et 22 ; et, sans entrer dans une discussion étrangère à cet article, plaignons ces temps de barbarie où la superstition et le fanatisme tenaient souvent lieu de religion, et réjouissons-nous de ce que, par le progrès des lumières, nous n’avons plus à redouter les bûchers de Torquemada, ni à frémir sur les terribles maximes d’Eymeric. B—s.


EYNDE (Jacob Van den), seigneur de Haemstede, né à Delft, vers l’an 1575, d’une famille distinguée, après avoir fait de bonnes études, suivit la carrière militaire, et fut capitaine d’un régiment d’infanterie au service du stadhouder Maurice. On croit qu’il quitta les armes à l’occasion de la trêve conclue en 1609. Rendu à ses premiers goûts, il cultiva avec succès les belles-lettres ainsi que la poésie latine, et mourut dans son château de Haemstede, le 11 septembre 1614. Il a laissé : 1° Jac. Eyndii poemata, Leyde, 1611, in-4°. On distingue dans ce recueil ses deux livres sur la guerre de Flandre. 2° Une Chronique de Zélande, en 5 livres et en latin, Middelbourg, 1634, in-4° ; elle ne va que jusqu’à l’année 1305. Il avait encore écrit, et s’était proposé de dédier à Joseph Scaliger, un traité en langue latine sur les danses des anciens ; mais cet ouvrage est resté inédit. On croit que l’auteur était petit-fils de Jacob Van den Eynde, avocat (ou conseiller pensionnaire) de Hollande, en 1560, et qui périt en prison à Vilvorden, victime de son dévouement à la cause de la liberté, le 12 mars 1569 ; il fut acquitté après sa mort, et sa famille obtint mainlevée de la saisie de ses biens. M—on.


EYNDEN (Roland Van), né à Dordrecht en 1748, et mort en 1819, a publié en hollandais : 1° Réponse à la question proposée par la Société teylérienne à Harlem sur le caractère de l’école hollandaise dans le dessin et la peinture, mémoire qui a remporté le prix, Harlem, 1787, in-4° de 215 pages. Cette dissertation, bien écrite et judicieuse, se trouve aussi dans le 5e volume des Verhandelingenuitgegeven door Teyler’s tweede genootschap. 2° Histoire des peintres des Pays-Bas depuis le milieu du 18e siècle, par Roland Van Eynden et Adrien Van der Villigen, correspondant de l’Institut national (à Amsterdam), avec portraits, Harlem, 1er vol., 1816, 462 pages in-8° ; 2e vol., 1817, 513 pages. Cette histoire de la peinture doit être considérée comme le supplément indispensable des ouvrages de Van Mander, Houbraken, Campo, Weyerman, Van Gool et Descamps. La première partie contient la vie et l’indication des travaux des peintres, sculpteurs, graveurs et architectes dont il n’est pas parlé ou dont il n’est dit que peu de chose dans les ouvrages précédents. La seconde partie comprend les artistes dont Van Gool avait commencé la biographie, sans l’achever. Enfin, la troisième division traite de la vie des peintres et autres artistes qui fleurirent depuis le commencement du siècle passé. Van Eynden a aussi traduit la biographie du Corrège. R—f—g.


EYNHOUEDTS (Remoldus ou Rombaut), né à Anvers, vers 1605, s’établit dans cette ville ; il a gravé à l’eau-forte avec beaucoup d’esprit. On a de lui, entre autres morceaux, le sujet (d’après Claissens) de Cambyse, roi de Perse, qui ayant fait étendre sur un siége la peau d’un juge prévaricateur qu’il avait fait écorcher, y fait asseoir son fils qu’il avait nommé à sa place ; le Tombeau de Rubens, même sujet que Pontius avait gravé, mais bien supérieurement ; une allégorie représentant la Paix et la Félicité d’un État ; une Adoration des rois, un St-Paul, Jésus-Christ sortant du tombeau ; tous ces sujets d’après Rubens. On a encore d’autres estampes de lui, d’après le même maître, ainsi que d’après Corneille Schût. P—e.


EYRIÈS (Jean-Baptiste-Benoit), savant géographe français, l’un des fondateurs de la société de géographie et membre de l’Institut, né à Marseille le 25 juin 1767, était fils de Jacques-Joseph Eyriès, officier de la marine royale et directeur de port du Havre[1], et de Jeanne-Françoise De-

  1. Jacques-Joseph Eyriès, né à Marseille le 12 novembre 1733, entra de bonne heure dans la marine militaire. Il était en 1756 pilotin sur le vaisseau de guerre le Guerrier de l’escadre commandée par M. de la Galissonière. Après avoir servi de 1757 à 1759 sous divers aventuriers, il se fit distinguer et reçut plusieurs blessures en commandant, de 1760 à 1763, les navires armés en guerre et en marchandises le Romain, l’Espérance et le St-Jean. Sa brillante conduite le fit nommer, le 26 février de cette dernière année, lieutenant de frégate des vaisseaux du roi. En lui annonçant sa promotion, le duc de Choiseul, à cette époque ministre de la marine, lui écrivait : « Le roi, auquel j’ai représenté le nombre des campagnes que vous avez faites, les actions dans lesquelles vous vous êtes trouvé et les blessures que vous y avez reçues, a bien voulu vous accorder le grade de lieutenant de frégate, dont je joins ici le brevet... » Le 2 février de l’année suivante, le duc de Praslin, chargé du département des affaires étrangères, annonçait au même ministre qu’en retournant de la Martinique à Marseille avec la frégate du roi la Fortune, le capitaine Eyriès, après avoir sauvé et mis en sûreté deux bâtiments français chassés par un corsaire, Saltin, s’était montré devant Tanger pour imposer à trois autres corsaires, qui y étaient. « Sa bonne conduite a produit un tel effet sur la place de Marseille, ajoutait M. de Praslin, que la chambre de commerce de cette ville le lui a recommandé en ne tarissant pas d’éloges. » Toujours prêt à se rendre utile, Eyriès était en 1769