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DUP assemblée aura reconnu sans reproche. C’est l’héritage de l’àme, surtout dans une nation aussi sensible à l’estime, et que cette sensibilité rend idolâtre de la justice. attendrai donc, dans la confiance la plus profonde, la décision que l’assembles va émettre sur moi. » Les opinions particulières exprimées par chacun des membres du conseil d’enquête furent généralement sévères. Il est à remarquer que les plus indulgents furent les militaires, Berthier, par exemple. Un des membres civils fut impitoyable ; c’était le prince de Bénévent. Il déclara que le général, coupable de l’acte honteux de Baylen, avait perdu a jamais le droit d’être obéi, et s’était rendu incapable de servir la France. Et deux ans plus tard, g ce même homme choisissait le général Dupont t pour ministre de la guerre de la monarchie restaurée. Sur l’avis de la commission d’en uéte, l’empereur rendit, le 1°* mars 1812, un décret où se trouvait l’article suivant : « Le général de division Pierre Dupont est destitné de ses grades militaires. Les décorations qui lui avaient été accordées lui sont retirées ; son nom sera rayé du catalogue de la Légion-d’Honneur. Il lui est fait expressément inhibition et défense de porter à l’avenir l’habit militaire, de prendre le titre de comte, et de faire usage des armoiries que nous avons attachées à cé’titre. Les dotations qu’il tenait de notre munificence seront mises sous le séquestre. Il sera transféré dans une prison d’état pour y être détenu jusqu’à nouvel ordre. » En même tem s, l’Empereur ordonnait qu’il fût fait triple expédition de la procédure et des pièces y relatives, pour être déposées cachetées, l’une aux archives du gouvernement, l’autre aux archives de l’empire, et la troisième aux archives du sénat, afin d’assurer la conservation de ces actes et d’y avoir recours selon les circonstances. Le décret ne fut pas imprimé parmi les autres décrets et ordonnances. Que reste-t-il aujourd’hui de cette flétrissure ? Sans doute une tache inefïaçable souillera dans l’histoire le nom du général qui ne sut pas mourir à Baylen ; mais enfin, ce général n’avait-il pas été le héros de Pozzolo, d’Albeck, d’Halle, de Friedland ? Celuilà même qui s’abandonna si tristement en Esgagne, n’avait-il pas déployé au premier degré, ans ces occasions décisives, cette intelligente audace càui fait les grands capitaines ? Que le Dupont e Ba len ne nous fasse pas oublier le Dnlpont de l’Al ?emagne etdel’Italie. Et d’ailleurs, la ante commise par lui ne fut-elle pas partagée par beaucoup d’autres, préparée par des fautes supérieures et fatales dont il ne peut être responsable ? Il a payé pour tous, et i a résumé en un seul homme, pu un seul lfait une fautâ Ersimense un n’est a sienne, ’ex ition’agne. gens aronlïîont dit, et les difficultés locales, et l’abse.nce d’informations, et l’isolement funeste, et les rigueurs d’un climat excessif, et l’état de cette armée, composée d’enfants malades : la

DL’P 51 postérité n’a pas encore prononcé en dernier ressort sur la capitulation e Baylen. Napoléon lui-même, éprouvé plus tard, lui aussi, par la mauvaise fortune, malheureux par ses fautes et par celles de ses officiers, a prononcé un mot qui est le premier acte d’une réhabilitation : « Dupont fut plus malheureux que coupable. » — La première chute de l’empereur rendit à Dupont sa liberté : jus ue-là, il avait été renfermé dans le fort de Joux ill.e gouvernement provisoire nomma Dupont commissaire du département de la guerre. C’était une faute, et il eût été à désirer pour le général qu’elle ne fût pas commise. Le nom de Dupont était associé à une honte nationale 2 l’armée, si mal disposée pour le gouvernement nouveau, vit dans ce choix une insulte. Dupont fut confirmé par le roi Louis XVIII dans ces fonctions, qui prirent le nom de ministère et secrétariat de la guerre (6 mai 181 li). «Vous avez, en Espagne, dit le roi à son ministre, cédé à des forces supérieures, mais je ne vous en estime pas moins. » Une ordonnance royale cassa le décret impérial et prescrivit la destruction des trois exemplaires de la procédure. Un seul ne put être retrouvé alors, celui qui avait été destiné aux archives de la haute-cour impériale qui ne fut jamais organisée. C’est cet exemplaire qui a fourni à l’histoire les corres onances militaires de Dupont et les ièces se la procédure instruite devant le conseil) d’enquête. Uadministration de Dupont donna lieu à de graves reproches. Il exagéra, comme à plaisir, les tendances du nouveau gouvernement. La curée des grades était commencée : tous les partisans anciens ou nouveaux du régime royal s’improvisaient officiers, ceux-ci comme échappés au désastre de Quiberon, ceux-là comme anciens soldats de l’armée de Condé. L’uniforme était à la mode, et la plupart des courtisans se déguisaient en officiers supérieurs. Dupont ne re usait personne. En même temps, il renvoyait avec la demi-solde’llt,000 jeunes officiers, braves, instruits, mais suspects : c’était créer à la royauté autant d’ennemis implacables. Pendant six mois, le ministre de la guerre épura ainsi les cadres d’une main, tandis que de l’autre il les inondait d’officiers improvisés et incapables. Il prodi nait la croix’honneur, comme pour l’avilir. îînfin, des plaintes graves furent portées contre son administration à propos du marché des vivres de la guerre. Dupont donna sa démission et fut remplacé, le 3 décembre, par le maréchal duc de Dalmatie. Il eut pour consolation la croix de commandent de l’ordre de St-Louis et le commandement de la 22° division militaire. C·’est dans ce nouveau poste qu’il apprit le débarquement du golfe Juan. Il adressa aussitôt au roi Louis XVIII la lettre suivante, en date du 15 mars 1815 : « Cet ambitieux, que la France a proscrit à jamais, et dont il a fait trop longtemps le malheur, vient pour