Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 10.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DAM

se trouva au combat de Cheibreisse, à la bataille des Pyramides, à la prise du Caire, et poursuivit les mameloucks jusqu’à la limite de la haute Égypte. Après l’affaire de Génelié, dont l’honneur lui resta sans partage, le commandement de Rosette lui fut confié : il ne le quitta qu’en 1799 pour faire partie de la malheureuse expédition de Syrie. Pendant cette campagne, Damas, qui commandait une des brigades de Kléber, contribua à la prise du camp des Arabes devant le fort d’El-Arich, investit Jaffa, et reçut l'ordre d’aller reconnaître le débouché des montagnes de la Palestine. Dans le défilé de ces montagnes, il soutint pendant vingt-quatre heures un combat inégal ; et, atteint d’un coup de feu au bras gauche, il dut renoncer à terminer la campagne. Bonaparte, parti pour la France, avait laissé le commandement en chef de l’armée à Kléber, qui nomma Damas général de division. Quoique souffrant, celui-ci assista encore à la célèbre bataille d’Héliopolis, au combat de Koraïn, à la prise de Boulac, au siège du Caire, et continua ses fonctions de chef de l’état-major général jusqu’à la mort de Kléber. Menou, esprit inquiet et général inexpérimenté, succéda par ancienneté au commandement en chef, quand le salut de l’armée et la conservation de la conquête si importante de l’Égypte réclamaient le plus capable. Damas, après avoir commandé l’une des provinces de la haute Égypte, assista à la bataille livrée à l’armée anglaise près d’Aboukir, le 21 mars 1801. Sourd aux conseils d’officiers plus expérimentés que lui, Menou avait laissé aux Anglais le temps de se fortifier dans leur camp, délai qui causa la perte de la bataille. Cette mollesse fut vivement blâmée. Il s’en vengea sur les généraux Reynier et Damas, que la voix de l’armée proclamait plus dignes du commandement. Il les fit embarquer pour la France, ainsi que plusieurs autres officiers, et leur imputa un revers dû à sa seule impéritie. Damas trouva Bonaparte au faite du pouvoir. Sa grande intimité avec Kléber ne put être oubliée. Malgré l’éclat de ses services, la vigueur, la droiture de son caractère, il fut laissé plus de cinq ans en inactivité, et même un instant enfermé à l’Abbaye, lorsque Moreau allait être arrêté. Il dut son élargissement à Murat, alors gouverneur de Paris, qui, plus tard, devenu grand-duc de Berg, obtint de se l’attacher comme commandant militaire de son duché et conseiller d’État. Élevé au trône de Naples, Murat voulut l'emmener avec lui ; mais Damas reçut l'ordre de rester à son poste. Il organisa les troupes du duché et les commanda pendant la funeste campagne de Bussie, dans laquelle il développa l'activité, les talents et la valeur qui l’avaient distingué dès le début de sa carrière. Deux fois il passa la Bérésina pour soutenir l'arrière-garde de l’armée. Après l’évacuation par les armées françaises des pays situés sur la rive droite du Rhin, il alla prendre le commandement de la 1ère division, alors dans Mayence. À la reddition de cette place aux alliés, en mai

DAM 59


1814, il rentra à Metz avec sa division, qui fut disséminée dans diverses garnisons. Le roi Louis XVIII accueillit Damas avec distinction, et lui confia l’organisation et le commandement de la garde (depuis gendarmerie royale) de Paris. Pendant les cent jours, à l’aspect de la France menacée par la nouvelle coalition, Damas crut devoir prêter serment à Napoléon. Sa loyauté bien connue lui rendit sinon la faveur, du moins l’estime du gouvernement royal. Nommé inspecteur général de la gendarmerie en 1816, il ne cessa d’être utilement employé jusqu’au 23 décembre 1828, où il mourut à Paris. D’une taille élevée, d’une physionomie ouverte et imposante, Damas unissait à ces avantages physiques toutes les qualités morales et intellectuelles qu’exige le commandement.

CH-U.


DAMAS (AUGUSTE-ALEXANDRE-MARTIAL), acteur dela comédie française, né à Paris le 12 janvier 1772, obtint quelque réputation par le succès avec lequel il établit des rôles importants dans différents genres. Dès l'âge de treize ans, il s’exerçait avec d’autres enfants sur le théâtre de Beaujolais, au Palais-Royal. Peu d’années après il jouait à l’Anbigu-Comique, et réussissait dans les pièces à fracas qu’on appelait improprement alors des pantomimes dialoguées ; mais les leçons de l’école de déclamation lui apprirent bientôt à s’élever au-dessus d’un répertoire de mélodrames ; et, lorsque mademoiselle Montansier eut établi à Paris une troupe tragique et comique, où se trouvaient Grammont[1] et mademoiselle Sainval aînée, elle s’empressa d’y appeler le jeune Damas. Celui-ci eut d’heureux débuts. Il se fit avantageusement remarquer dans une tragédie de la mort d’Abel par (M. Chevalier), dont le succès balança un mo-ment celui de la pièce du même nom qu’on jouait au théâtre de la nation (voy. LEGOUVÉ). Enfin Damas entra au théâtre de la république, où se réunirent, quelques années après, tous les acteurs de l’ancienne comédie française. S’il ne s’éleva pas au rang des Molé, des Monvel et des Talma, il déploya du moins assez de zèle, d’intelligence et d’habileté pour se concilier la faveur du public. Il eut en cela d’autant plus de mérite que sa voix rauque, sa physionomie commune et sa taille dépourvue d’élégance ne prévenaient pas en sa faveur. Mais, en compensation, il était doué d’une sorte d’instinct dramatique, qui équivalait presque à un talent supérieur. La chaleur, vraie ou factice, de son jeu était quelquefois entraînante ; et, suivant l’expression métaphorique adoptée par les comédiens, on disait de lui qu’il brûlait les planches. Après la mort de Molé, dont il avait reçu quelques leçons, il se consacra exclusivement à ce qu’on appelle le haut comique, et eut des rôles principaux dans la plupart des pièces nouvelles. Parmi ceux où il a obtenu le plus d’applaudissements, on cite Bégearss de la Mère coupable ; St-Alme de l’abbé de l’Epée, et Frambourg de la Fille d’hon-

  1. Celui qui fut en 1793 général dans l’armée révolutionnaire et que Robespierre envoya à l'échafaud en 1794.