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presque aussitôt d’abandonner cette ville au mois de schawal 730 (janvier 1349). À peine Aboul-Haçan avait-il quitté le rivage de Tunis, qu’une horrible tentpète dispersa sa flotte et fit échouer, sur la côte de Budjie, le vaisseau qui le portait. Il échappe au naufrage en gagnant à la nage un rocher peu distant de la rive, et s’y cramponna avec ses mains. Nu, incessamment exposé a une mort imminente, il voyait flotter les cadavres de ses fidèles compagnons, et entendait les menaces et les imprécations des sentinelles qui étaient sur la côte. Enfin, le hasard ayant amené un de ses vaisseaux échappé à la tempête, le roi, sauvé d’un trépas certain, revint à Alger, où il jouit de quelque repos et retrouva son fils Naser. Encourage par la fidélité des habitants et par la soumission des tribus arabes voisines, il crut pouvoir tenter encore la fortune. Il marcha pour recouvrer le royaume de Tlemsen qui, depuis les disgrâces du roi de Maroc, était rentré sous la domination de ses anciens maîtres ; mais le frère du nouveau roi de Tlemsen vint à sa rencontre, et, après une action très-meurtrière, le défit entièrement. Aboui-Haçan eut la douleur d’y voir périr son fils Naser, qu’il fit enterrer secrètement. Atteint lui-même d’une grave blessure à la cuisse, il gagna avec peine les frontières de Maroc, et parvint à rentrer dans sa capitale pendant l’absence du perfide Abou-Anan-Farès. Il ne put s’y maintenir longtemps. Assailli par les émeutes de la populace et par les incursions des tribus arabes, il apprit bientôt, que le prince rebelle s’avançait contre lui avec ses meilleures troupes. L’infortuné monarque, aimant mieux risquer le sort des armes que de s’exposer aux dangers d’un siége dans une ville où il ne comptait que des ennemis, alla camper sur les bords de l’Ommi-Rabi. Il y essuya une dernière défaite la même année, 750 (1350) ; et il aurait été pris, si les compagnons de sa fuite ne l’eussent aidé à traverser le fleuve et à se réfugier sur la montagne Hentata. Il y rassembla de nouvelles forces ; et il était peut-être à la veille de recouvrer sa puissance, lorsque la mort arrêta ses projets, le 23 rabi 2e, 752 (20 juin 1351), après un règne de 21 ans. C’était un prince orgueilleux et cruel dans la prospérité, mais doué d’une force d’âme et d’une constance admirables dans l’adversité, incapable de se laisser amollir par les plaisirs ou abattre par les revers. Il eut pour successeur son fils Abou-Anan-Farès. A-t.


ABOUL-HACAN-KAN (Mirza), diplomate et voyageur persan, naquit à Chiraz, vers 1774, dans la tribu de Zend. Mohammed-Ali, son père, savant distingué et l’un des secrétaires du fameux Nadir-Schah, était à la veille d’être brûlé vif, suivant l’ordre de son barbare maître, lorsque ce tyran fut assassiné en 1747. Mohammed-Ali, parvenu à un grand crédit, sous le règne de son oncle Kérim-Kan, régent de Perse, mourut vers 1778, peu de temps avant ce prince. Son frère Hadji-Ibrahim-Kan, premier ministre de Louthf-Ali-Kan, le dernier des successeurs de Kérim, trahit son maître en 1792,. Il livra Chiraz à l’eunuque Agha-Méhémed, oncle et prédécesseur du roi, Feth-Ali-Schah, et conserva sous ces deux princes sa charge de premier vizir ; mais il fut mis à mort en 1801, pour avoir trempé dans une conspiration, et sa famille fut enveloppée dans sa disgrâce. L’un de ses neveux eut les yeux arrachés ; le plus jeune périt par la bastonnade. Le second, Mirza Aboul-Haçan, qui avait épousé une fille de Hadji-Ibrahim, était alors gouverneur de Chouster, où la douceur de son administration lui avait gagné tous les cœurs. Il se cacha d’abord à Koum, dans le sanctuaire du tombeau de Fathimah, et y fut nourri quelque temps par des femmes charitables qui venaient y faire leurs dévotions. Découvert, dans cet asile et trainé en prison, il allait subir la sort de ses frères, lorsque sa grâce, sollicitée par un iman puissant, lui arriva au moment où il attendait à genoux le coup qui devait abattre sa tête. Exila à Chiraz, et craignant que le roi ne se repentit de sa clémence, il se retira à Chouster, où, dans son dénûment absolu, il trouva l’hospitalité et un secours de 7,000 piastres. Alors il quitta la Perse, bien résolu de n’y rentrer que lorsque sa famille aurait recouvré les bonnes grâces du roi. Il se rendit à Bassora, traversa le désert d’Arabie, voyageant souvent à pied ; visita Déreyeh, résidence du prince des Wahabis, et accomplit le pèlerinage de la Mecque de Médine. De retour à Bassora, et sa position n’ayant pas changé, il s’embarqua sur un navire anglais qui le transporta à Calcutta. Après avoir séjourné à Mourschedabad, à Hayderabad, à Pouhah, Bombay, et parcouru l’Inde pendant deux ans et demi, il reçut un firman de Feth-Ali-Schah qui lui permit de revoir sa patrie et lui accorda un pardon entier. Il dut sa rentrée en grâce aux deux sœurs de sa femme, dont l’une avait épousé le grand trésorier l’autre un des fils du roi. Aboul-Haçan revint donc Perse, où, sans occuper de poste bien déterminé, il fut employé par son beau-frère le grand trésorier, jusqu’au moment ou le roi le chargea, à la fin de 1808, de porter à sir Harford Jones, envoyé du gouvernement anglais, la nouvelle d’une victoire remportée par ses troupes sur les Russes. Ce monarque, comptant peu sur l’alliance de la France, dès que Napoléon eut fait la paix avec l’empereur Alexandre, resserra ses liaisons avec les Anglais, qui lui avaient envoyé des sous-officiers pour achever l’instruction des soldats persans dans les manœuvres européennes, commencée par les officiers français qu’avait amenés le général Gardane. Mirza Aboul-Haçan, nommé, en janvier 1809, envoyé extraordinaire de Perse auprès du Grand Seigneur et du roi d’Angleterre, quitta Téhéran le 7 mai avec M. Morier, secrétaire de l’ambassade anglaise, se rendit par terre à Constantinople, à la fin de juillet, et fut admis à l’audience du sultan Mahmoud II. Il en partit le 7 septembre pour Smyrne, où il monta sur un vaisseau anglais qui le débarqua à Plimouth, au mois de novembre. Charmé de la vitesse de la voiture qui le conduisit à Londres, il demanda pourtant qu’on levait les glaces, ne concevant pas, dit-il, une entrée qui ressemblait plus à l’arrivée d’un ballot de marchandises qu’à la réception d’un ambassadeur. Si la richesse et l’abondance du mobilier des hôtels garnis où il descendit exci-