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et, l’année suivante, son cousin Al-Mélik Al-Modhaffer, prince régnant à Hamah ; voulant reconnaître ses services, le nomma émir du Thabelkhanéh. Les Tatars menaçaient alors la Syrie d’une nouvelle invasion. Al-Melek Al-Modhaffer marcha contre eux en 698 (1298-9 de J.-C.), et laissa le pouvoir suprême entre les mains d’Aboul-Féda, à qui il était lié par une étroite amitié. Ce prince, chéri des siens, périt la même année. Cette mort, qui semblait devoir assurer la principauté de Hamah à Aboul-Féda, suscita dans le cœur de ses deux frères des prétentions illégitimes. Les démêles qu’elles occasionnèrent entre eux les privèrent d’un domaine, dont la concorde et la bonne intelligence leur auraient assuré la possession. Le sultan alors régnant, instruit de leur désunion, envoya à Hamah un gouverneur, nommé Cara Sanqr, qui y exerça l’autorité en son nom. C’est ainsi que la maison des Aïoubites fut privée de la possession de Hamah. En 701 (1301-2 de J.-C. ), Aboul-Féda, qui avait déjà mérité la bienveillance du Sultan, fit partie de l’expédition contre Sys. À son retour, Ketbogha, ce mameluk élevé au trône par ses partisans et déposé par Ladjyn, mourut à Hamah, dont il était gouverneur. Aboul-Féda crut avoir trouvé l’occasion de rentrer dans le domaine de ses père. Il écrivit au sultan Al-Mélik El-Nassir, fils du célèbre Kélaoun (voy. ce nom), pour lui demander d’être investi de la principauté de Hamah. Ses lettres arrivèrent trop tard : un nouveau gouverneur était déjà en route pour cette ville. Mais le sultan lui répondit d’une manière affectueuse et promit de remplir ses vœux aussitôt que les circonstances le lui permettraient. Ce nouveau gouverneur, nommé Capdjac, passa au gouvernement d’Alep en 709 (1309-10 de J.-C.). Le sultan, à peine échappé à la catastrophe qui semblait devoir le priver pour toujours d’un trône chancelant, fut forcé, par politique, de donner le gouvernement de Hamah au mameluk Asandemor. Celui-ci, devenu l’ennemi d’Aboul-Féda, cherchait avec ardeur les occasions de le perdre, et sa vie fut même en danger. Rester à Hamah, c’était se livrer à son ennemi. Aboul-Féda écrivit au sultan pour en obtenir la permission de se retirer à Damas. Al-Mélik El-Nassir la lui accorda, le confirma dans la possession de ses domaines à Hamah, et lui assigna des revenus sur ceux de Damas ; Enfin, en 710 (1310-1 de J.-C.), Asandemor ayant été élevé en dignité, Hamah fut rendu à Aboul-Féda, non à titre de principauté, mais comme un gouvernement. Ainsi, cette ville rentra sous la domination de sa famille, qui en fut privée onze ans cinq mois et vingt-sept jours. Depuis l’époque de son élévation jusqu’en 712 (1312 de J.-C.), il fut occupé à poursuivre le rebelle Cara Sanqr. Cette même année, il se rendit en Égypte, où le sultan lui fit expédier le diplôme de prince de Hamah, de Baryn et de Moarrah, avec un pouvoir absolu. Ce diplôme, qui nous donne la date précise de son élévation à la puissance souveraine, fut délivré le 13 de réby 2e, 712 de l’hégire. (20 août 1312 de J.-C.). La reconnaissance d’Aboul-Féda envers le sultan fut proportionnée aux bienfaits signalés qu’il en recevait. Chaque année, il envoyait des présents considérables au sultan, et souvent il se rendait lui-même en Égypte pour les lui offrir. Al-Mélik El-Nassir, qui l’affectionnait particulièrement, faisait les dépenses du voyage, le comblait d’honneurs, ainsi que ceux de sa suite, et le renvoyait chargé de tout ce que l’Égypte produisait de plus précieux. En 719 (1319 de J.-C.), quoique Aboul-Féda eut déjà fait trois fois le pèlerinage de la Mecque, Al-Mélik El-Nassir voulut en être accompagné dans cet acte de piété. Ce fut au retour de ce voyage qu’il le décora du titre de sultan. Aboul-Féda, qui nous a fourni dans son histoire les détails ou nous sommes entrés sur sa personne, jouit paisiblement de la principauté de Hamah jusqu’à sa mort, arrivée le 23 de moharrem, 732 de l’hégire (26 octobre 1551 de J.-C.), à l’âge de 60 ans. Il remarque, dans un de ses ouvrages, que personne dans sa famille n’était encore parvenu à cet âge. Tous les écrivains postérieurs à Aboul-Féda s’accordent à le représenter comme un prince doué des plus éminentes qualités, également propre à la guerre et au conseil. Au milieu des troubles qui agitaient sa patrie, et des incursions fréquentes des Tatars, il cultiva les lettres avec ardeur, protégea et rassemble près de lui les savants, et n’employa son pouvoir et ses richesses qu’au progrès des sciences. Il partageait son temps entre l’étude de l’histoire et celle du droit, de la médecine, de la botanique, des mathématiques et de l’astronomie : plusieurs ouvrages ont été les fruits de ses longs travaux. Deux d’entre eux ont suffi pour lui assurer, dans l’Orient et même en Europe, une grande célébrité. Son histoire porte le titre de Al-Mokhtassar al Akhbar Albachar, c’est-à-dire, Histoire abrégée du genre humain. Elle se divise en cinq parties. La 1re traite des patriarches, des prophètes, des juges et des rois d’Israël ; la 2e, des quatre dynasties des anciens rois de Perse ; la 3e, des Pharaons ou rois d’Égypte, des rois de la Grèce, des empereurs romains ; la 4e, des rois de l’Arabie avant Mahomet ; la 5e traite de l’histoire des différentes nations, des Syriens, des Sabéens, des Cophtes, des Persans, etc., et enfin des événements arrivés depuis la naissance de Mahomet jusqu’en 720 de l’hégire (1328 de J.-C.), que finit son histoire. En composant cet ouvrage d’une grande érudition, Aboul-Féda a suivi le goût de son siècle, ou plutôt des Arabes, c’est-à-dire qu’il n’en a fait qu’une chronique exacte, mais souvent trop concise, aride et dénuée des réflexions, des aperçus et du style qui constituent le mérite de l’histoire. Cependant, tout imparfaite qu’elle est, cette chronique abonde en faits tellement curieux et importants pour l’histoire politique et littéraire de l’islamisme, pour celle même des empereurs grecs des 8e, 9e et 10e siècles, qu’elle sera toujours lue avec intérêt et consultée avec fruit. Plusieurs parties en ont été traduites et publiées avec ou sans le texte. Dobélius, professeur d’arabe, traduisit, vers le commencement du 17e siècle, pour Antonin de Amico, son ami, la partie qui à rapport à l’histoire de Sicile sous les Arabes. De Amico avait intention de faire imprimer cette traduction, mais la mort l’en empêcha. Il publia seulement