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se rendre à la cour. Cet éclatant témoignage de confiance fut la cause de sa perte. Sélym, craignant que ce ministre n’abusât de son crédit pour épaissir le nuage qui s’était élevé entre lui et son père, pria un rajah ou prince indou, de ses amis, sur le territoire duquel Aboul-Fazl devait passer, de le traiter en rebelle et de l’exterminer. Cette invitation était appuyée de promesses magnifiques. Aboul-Fazl fut en effet assassiné, l’an 1015 de l’hégire (1004), non par des brigands qui voulaient le dépouiller, comme l’écrit officieusement le courtisan Férichtah, mais par les émissaires de Sélym, comme celui-ci le raconte lui-même dans ses Commentaires (Voy. Djihan-Guyr). Akbar fut profondément affligé de la perte d’un ministre dont les conseils, lui étaient extrêmement utiles, et dont les travaux littéraires répandaient le plus grand éclat sur son règne. Aboul-Fazl a composé, d’après l’ordre exprès de son souverain, une histoire intitulée : Akbar-Naméh (livre d’Akbar), en 3 vol. in-fol. Le 1er renferme un précis des ancêtres d’Akbar ; le 2e, les événements du régne d’Akbar, depuis son avènement jusqu’à la 47° année de son règne, époque de la mort de l’auteur. Ce volume est divisé en deux parties, l’une contient les trente premières années ; l’autre, les suivantes jusqu’à la 47e. L’Ayïn-Akbéry, ou Institutes d’Akbar, forme l’autre partie ou 3e vol. C’est un ouvrage indépendant du précédent, et composé par une société de savants, présidée par Aboul-Fazl, d’après l’ordre d’Akbar, qui voulait avoir une description géographique, physique, historique de l’Indoustan, ainsi que la statistique la plus circonstanciée de ses États. En effet, chacun des seize soubah, ou gouvernements de l’Indoustan, y est décrit avec une minutieuse exactitude ; la situation géographique et relative des villes, des bourgs, y est indiquée ; l’énumération des produits naturels et industriels de ces soubah y est soigneusement tracée, ainsi que la nomenclature des princes auxquels ils ont été soumis avant d’être enclavés dans l’empire des Grands Mogols. Le lecteur trouve ensuite l’état militaire de l’Indoustan, et l’énumération la plus détaillée de tout ce qui compose la maison du souverain, l’état de sa garde-robe, de celle de ses femmes, les recettes des parfums, la description des chasses, le menu de sa table, etc. L’ouvrage est terminé par un précis très-bien fait de la religion brahamanique, des nombreux systèmes de la philosophie indoue, et par des extraits de plusieurs écrits sanscrits, traduits en persan. Ce rapide aperçu suffit pour donner une idée de toute l’importance de cet ouvrage, dont-on ne connaissait qu’un exemplaire exact et complet dans toute l’Inde ; c’est celui qu’Aboul-Fazl présenta à son souverain, et que l’on conservait soigneusement dans la bibliothèque impériale de Déihy. De cette bibliothèque, il a passé dans la mienne, par une suite d’événements que j’ai racontes dans plusieurs de mes ouvrages. Le sable d’or répandu sur chacune des pages de cet inestimable volume atteste son origine impériale. L’écriture en est d’une beauté étonnante, surtout, dans les immenses tableaux qu’il renferme. Il est fâcheux que, par une recherche d’érudition fort déplacée, l’auteur ait affecté d’imiter le style des anciens auteurs persans, des premiers siècles de l’hégire. Ce style est non seulement très-dur, mais souvent inintelligible. On peut se convaincre de la justesse de cette observation, due à un excellent écrivain persan (Mohhammed-Chérif-Mo’tamed-Kan), par les extraits que j’ai insérés et traduits dans mes notes sur les deux premiers volumes des Recherches Asiatiques, traduction française. Gladwrin a publié en anglais un autre extrait très-long et, très-bien fait de cet ouvrage, sous le titre de Ayeen-Akbery or the Institure of emperor Akbar, etc. ; Calcutta, 1783-86, 3 vol. in-4o. Cette édition est extrêmement rare et chère ; les réimpressions faites à Londres, in-4o et in-8o, sont très-incorrectes. Aboul-Fazl traduisit aussi du sanscrit en persan l’Hitodesa de Vichnou-Sarma, qui parait être le prototype des fables attribuées à Pidpaï. Il profita du séjour de deux missionnaires qu’Abkar avait fait venir de Goa à Agrah, pour acquérir quelques notions de la religion chrétienne Son érudition était immense, et sa réputation dans l’Inde avait donné lieu à ce proverbe : « Les monarques de la-terre redoutent encore plus la plume d’Aboul-Fazl, que l’épée d’Akbar. » (Voy. Akbar) L-s.


ABOUL-FEDA (Ismael, connu sous le nom d’). prince de Hamah, surnommé Al-Mélik Al-Mouwayyed et Imad Eddyn (le roi victorieux et la colonne de la religion), célèbre historien et géographe arabe, naquit au mois de djoumady 1er 672 de l’hégire (novembre-décembre 1273 de J.-C.), à Damas, où l’approche des Tatars avait forcé sa famille de se retirer. Issu d’Aïoub-Ben-Chady (voy. ce nom ), chef des Aïoubites, de cette famille illustrée par Saladin et la gloire des armes, il ne démentit point la noblesse de son origine. Il signale sa valeur dans plusieurs guerres des croisades, et les récits qu’il nous en a laissés forment le complément indispensable de nos chroniques d’Occident. Dès 684 de l’hégire (1285-6 de J.-C.), il assista au siége de la forteresse de Marcab, appartenant aux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, et depuis il se passa peu d’années sans qu’il fit la guerre. En 688 (1289 de J.-C.), il se trouva au siége de Tripoli, et en 690 (1292 de J.-C.), à celui de Saint-Jean-d’Acre. Obligé de transporter de Hasn-el-Akrad à Saint-Jean-d’Acre les machines de siége, il eut à combattre les rigueurs de la saison et les difficultés des chemins, et ses troupes, souffrirent beaucoup. Par une prérogative particulière, elles formaient toujours front de l’aile droite des armées impériales. En marchant sur la ville assiégée, leur situation était très-périlleuse, à cause du voisinage de la mer, d’où les vaisseaux, ennemis les assaillaient à coups de flèches : elles avaient en outre devant elles les assiégés qui les attaquaient vivement. Ces obstacles furent, pour les troupes de Hamah, le sujet d’une nouvelle gloire. Les assiégés furent repoussés, et plusieurs de leurs principaux chefs tomberont au pouvoir des vainqueurs. En 691, (1291 de J.-C.) Aboul-Feda accompagna son père Ali dans l’expédition contre le château de Roum (Calaat el-Boum), situé sur le bord de l’Euphrate ;