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stantinople comme un présent digne d’être offert au Grand Seigneur. Il fut enfermé dans le château des Sept-Tours, puis transféré à Andrinople, où Mahomet IV faisait sa résidence. Le sultan voulut le voir ; il lui demanda si c’était lui qui, avec son seul bâtiment, avait eu la témérité de se défendre contre cinquante de ses galères. Le chevalier ayant répondu avec assurance que c’était lui-même, le Grand Seigneur admira sa bravoure, désira l’attacher à son service et l’attirer a la foi musulmane. Il lui fit en vain les offres les plus magnifiques ; le commandement de ses vaisseaux, avec le titre de capitan-pacha, 100,000 piastres et une princesse du sang musulman, ne purent tenter un jeune homme de vingt-quatre ans, qui répondit avec fermeté qu’il était chrétien et gentilhomme. De la douceur et de la séduction Mahomet passa à la violence ; le chevalier fut mis à la torture et souffrit des tourments affreux. Le sultan, touché de sa jeunesse, allait lui faire grâce, lorsque, cédant aux prières d’un de ses favoris, il ordonna qu’on lui tranchât la tête. Cet ordre fut exécuté dans le parvis du sérail d’Andrinople, où le corps du chevalier, partagé en quatre, et sa tête fichée au bout d’une lance, restèrent exposés avec cette inscription : Le fléau des mers est mort. M-d j.


ABOU-BEKR, le 1er des quatre califes successeurs immédiats de Mahomet, se nommait Abou-Kaab avant l’islamisme, et reçut, après avoir embrassé cette religion, le nom d’Abadallah (serviteur de Dieu), et ensuite le surnom d’Abou-Bekr ou Abou-Bikr, c’est-à-dire, père de la pucelle, qui lui fut donné parce que Mahomet épousa sa fille Aïchah encore vierge, tandis que ses autres femmes avaient été déjà mariées. L’un des premiers partisans du prophète, et le compagnon de sa fuite, Abou-Bekr avait rendu témoignage de son ascension nocturne, et mérité par dette déclaration le titre de Siddye ou témoin. Le prophète, dans sa dernière maladie, avait désigné Abou-Bekr pour s’acquitter, en son nom, des fonctions sacerdotales sous le titre de calife ou vicaire. Mahomet étant mort sans avoir désigné son successeur, Abou-Bekr, son beau-perse, et Ali, son gendre, se disputaient son héritage, et la guerre civile, près de s’allumer, allait peut-être anéantir tout ce qu’avait fait le prophète, Lorsque Omar, se déclarant pour Abou-Bekr ; lui fit confirmer la dignité de calife, c’est-à-dire vicaire ou successeur, en réby 1er, an 11 de l’hégire (mai-juin 632). Parvenu à la suprême puissance dans des circonstances difficiles, Abou-Bekr prouva qu’il était digne de succéder à Mahomet. Les succès du prophète avaient exalté l’esprit d’une foule d’ambitieux qui, de son vivant même, s’étaient annoncés comme chargés d’une misssion divine, et qui crurent trouver dans sa mort une occasion pour renouveler leurs prétentions. Parmi ceux qui suivaient sa doctrine, les uns chancelaient dans leur foi, et les autres fatigués des impôts dont il les chargeait, quittèrent son parti. Abou-Bekr fut obligé d’envoyer contre eux des armées dans l’Arabie déserte, dans le Téhamahr, dans l’Oman, dans le Yémen ; et tandis que ses généraux, Omar, Khaled ben Wélyd et Abou-Obeidah, assuraient au loin par leurs armes le triomphe de l’islamisme, il s’appliquait au dedans à faire respecter et suivre le Coran, dont les feuilles, jusqu’alors éparses, furent rassemblées par ses ordres en corps d’ouvrage. Aussitôt que, par sa fermeté et par une adroite politique, il eut assuré la tranquillité de son empire, il s’occupa d’en reculer les bornes. Khaled ben Wélyd venait de pacifier l’Arabie et de triompher de l’imposteur Moçailah ; Abou-Bekr lui ordonna de se diriger vers l’Irac, tandis qu’Abou-Obéidah marcherait vers la Syrie. Le bruit de cette dernière invasion attira l’attention de l’empereur Héraclius, qui envoya Sergius, avec une armée nombreuse, pour arrêter les progrès de cette nouvelle secte. Mais Khaled, après avoir pris Hyrah, avait déjà fait sa jonction avec Abou-Obéidah, et ces deux généraux réunis battirent les troupes de l’empereur grec. Ce fut dans le même moment qu’Abou-lielir mourut, le 8 de djoumady 2e, ap 12 de l’hégire (9 août 634 de J.-C.), à l’âge de 63 ans, et après un règne de 2 ans et 4 mois. Ce fut lui qui contribua le plus à répandre la loi de Mahomet, par les voies de la douceur et de la persuasion plutôt que par la contrainte. « Invitez les peuples à la foi, disait-il à ses généraux, avant de leur déclarer la guerre ; respectez les envoyés de paix ; triomphez des ennemis par la bravoure, jamais par le poison ; fuyez la cruauté. Conservez les jours des vieillards, des femmes et des enfants. Ne coupez point les arbres fruitiers, ne dévastez point les champs en culture. » Il ne prit jamais dans le trésor que de quoi entretenir un chameau et un esclave, et, à sa mort, on lui trouva pour tout bien trois drachmes. Lorsque son successeur, Omar, eut reçu, d’après ses dernières volontés ; son chameau, son esclave et son habit, il dit, en versant des larmes : « Dieu fasse miséricorde à Abou-Bekr ; mais il a vécu de manière que ceux qui viendront après lui auront bien de la peine à l’imiter. » Les sunnytes, touchés de ses éminentes qualités, en ont fait un héros saint. Ils prononcent son nom dans les prières publiques après celui du prophète. Les chyïtes, au contraire, maudissent sa mémoire. ( Voy Ali.) J-n.


ABOU-HANYFEH-EL-NOMAN BEN TSABIT, chef des hanéfytes, l’une des quatre sectes orthodoxes de l’islamisme, naquit à Koufah, l’an 80 de l’hégire (699 de J.-C.), et exerça dans sa jeunesse le métier de tisserand. Il s’adonna ensuite au droit. Le calife al-Mansour instruit de son mérite, le fit venir à Bagdad, dont il voulut le faire juge (cadi) ; mais-Abou-Hanyféh effrayé des obligations de cette charge, la refusa. Les prières, les menaces et même la prison ne purent ébranler sa résolution. Ce ne fut pas en cette occasion seulement que sa fermeté lui couta le repos. Abou-Hanéfyh était un des partisans de la maison d’Ali, et déclarait hautement contre l’usurpation des Abbassides, qui le respectaient à, cause de ses vertus ; mais enfin Abdallah II, le sacrifia à son ressentiment. Les habitants de Moussoul, qui violèrent le traité fait avec ce calife ; s’étaient soumis à être punis de mort dans le cas où ils se soustrairaient à son obéissance. Abdallah II, ayant