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chacun dans le sein de son antagoniste, et périrent tous sur le coup : le lieu où ils s’étaient battus fut appelé le champ des embûches. Ce combat singulier engagea le même jour une affaire générale, dans laquelle Abner, mis en fuite et poursuivi par Azaël, le plus jeune des frères de Joab, ne put s’en délivrer qu’en le perçant de sa lance ; puis profitant du retard que cet événement mit dans la poursuite, il rallia les débris de son armée, repasse le Jourdain et revint à Manaim, après avoir perdu trois cents hommes. La guerre ayant continué, Isboseth, à qui les talents et le crédit d’Abner étaient si nécessaires, eut l’imprudence de se brouiller avec lui, en lui reprochant d’avoir admis dans son lit Rasplia, concubine de Saül. Les suites de cette querelle portèrent Abner à proposer à David de mettre tout Israël sous son obéissance. La proposition fut acceptée avec de grands témoignages de reconnaissance, et la réconciliation solennelle se fit à Hébron. Aimer admis, par une distinction singulière, a la table de David, parcourut toutes les tribus pour faire reconnaître l’autorité de son nouveau roi. Joab, jaloux des honneurs prodigués à son rival, et nourrissant dans son cœur des projets de vengeance contre celui qui avait tué son frère Azaël, en fit de vifs reproches à David, et chercha à lui inspirer des soupçons sur la sincérité d’Abner. Ces insinuations n’ayant pas réussi, Joab alla au-devant d’Abner pour le recevoir à la porte d’Hébron, au retour de sa mission ; et l’ayant pris à part, sous prétexte de lui communiquer un secret, il le tua en trahison. David, affligé d’un tel attentat, ne se crut pas assez puissant pour en punir le coupable ; il se borna à lui lancer de funestes malédictions, laissant à son fils Salomon le soin d’en tirer une vengeance plus éclatante. Ne voulant pas moins qu’on pût le soupçonner d’y avoir participé, il ordonna à tous les grands de sa cour et à Joab lui-même de déchirer leurs habits, de se revêtir de sacs, et de marcher en pleurant devant le convoi d’Abner. Il l’accompagnait en personne, suivi de tout le peuple d’Hébron en deuil ; et lorsqu’on fut arrivé au lieu de la sépulture, il prononça ces paroles sur son tombeau, en l’arrosant de ses larmes : « Malheureux guerrier ! vos mains n’ont point été flétries par des liens déshonorants ; vos pieds n’ont point été charges de fers ; mais vous êtes mort victime d’une trahison, comme meurent ceux qui ont affaire à des hommes méchants. » À ces mots, le peuple redoubla ses pleurs ; et après la cérémonie, il reconduisit le roi à son palais, croyant qu’il donnerait un repas funèbre, comme c’était la coutume. Mais ce prince protesta qu’il ne prendrait aucune nourriture jusqu’après le coucher du soleil. Il arrosa de ses larmes le tombeau magnifique qu’il avait fait élever à Abner, et sur lequel on grave une épitaphe que David lui-même avait composé. (quelques auteurs ont même cru que ce fut dans cette occasion qu’il composa le psaume 38 : Seigneur, vous m’avez éprouvé et vous m’avez connu. T-d.


ABNER, rabbin, né à Burgos, vers l’an 1270, professa la médecine à Valladolid, et embrassa le christianisme dans cette vile en 1295. Depuis cette époque, il prit le nom d’Alphonse de Burgos (Alfonso el Burgales), et obtint la charge de sacristain dans la cathédrale de Valladolid. Étant encore juif, il avait composé un ouvrage sur la concordance des lois et accompagné de gloses le commentaire d’Aben-Hezra sur les dix préceptes de la loi ; après sa conversion, il écrivit en hébreu une rèfutation de l’ouvrage que le rabbin Quinchi avait dirigé contre les chrétiens, sous le titre de Milchamoth-Hasem, c’est-à-dire, guerres du Seigneur. Sur la demande de l’infante Blanche, il en fit dans la suite une traduction espagnole. Alphonse de Spina traite longuement de cet ouvrage dans le troisième livre de son Fortalitium fidei. Abner mourut vers l’an 1346, après s’être signalé par son zèle pour la religion chrétienne. On a de lui un Traité sur la peste (en espagnol), imprimé à Cordou en 1551, in-4o. D-g.


ABOS (Maximilien-François et Gabriel d’), deux frères nés dans le Béarn, vers la fin du 17e siècle, d’une ancienne famille, étaient chevaliers de Malte, et avaient déjà fait plusieurs campagnes contre les Turcs, lorsque, étant entrés, en 1698, dans le port de Nio (l’ancienne Ios) avec quatre vaisseaux qu’ils s’apprêtaient à radouber, ils furent attaqués par cinquante galères que le capitan-pacha conduisait au siége de la Cannée. Ces intrépides marins, malgré l’infériorité de leurs forces, prennent la résolution de se défendre jusqu’à la dernière extrémité. Ils amarrent ensemble deux bâtiments et les conduisent à l’entrée du port pour le boucher : ils s’encouragent réciproquement, s’embrassent avec transport et jurent de mettre le feu aux poudres plutôt que de tomber en la puissance des ottomans. À peine avaient-ils fait leurs dispositions, qu’une décharge de toute leur artillerie annonce au capitan-pacha leur audace et leur résolution. Celui-ci, contraint d’en venir, à un combat régulier pour les réduire, débarque 5,000 hommes afin de les attaquer par terre et en flanc, et envoie en même temps huit galères contre chacun des deux vaisseaux chrétiens. Le combat devient terribles. Au bout de quelques minutes, le feu se ralentit du côté de la mer, et les seize galères se retirent en désordre ; mais elles sont au même instant remplacées par seize autres que conduit le capitan-pacha lui-même. Bientôt ce dernier est blessé et se voit contraint de prendre la fuite ; alors il ordonne au reste de ses galères d’avancer et de venger l’échec qu’il vient d’essuyer. Le combat recommence avec violence et dure toute la journée. À la fin tous les feux ont cessé ; les braves chevaliers sont à leur poste qu’ils ont su conserver ; le rivage est nettoyé des Turcs qui l’occupaient ; trois galères ottomanes on tété coulées à fond, et toutes les autres, endommagées et dégarnies, se sont hâtées de prendre le large. Le lendemain, les frères d’Abos ne craignirent pas de gagner la haute mer pour se mettre a leur poursuite Maximilien d’Abos survécut peu de temps à cet exploit glorieux. Son frère, le chevalier de Thémericourt conduisant à Malte une prise de 50,000 écus, fut attaqué par cinq vaisseaux barbaresques, obligé d’abandonner sa prise, et jeté par la tempête sur les côtes de Tunis. Les tunisiens l’envoyèrent à Con-