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seul ouvrage qui ait paru sous son nom. On ignore où il fit ses premières études, mais elles furent soignées, et surtout dirigées vers la connaissance des langues anciennes ; en sorte que, se trouvant entrainé vers la botanique, il put facilement remonter aux sources : il chercha donc, suivant la manière d’envisager alors cette science, à reconnaître les plantes mentionnées dans les auteurs grecs et latins ; mais il sentit de bonne heure que, pour y parvenir, il fallait visiter les pays où ils avaient écrit. Ce fut dans ce dessein qu’il parcourut successivement toute l’Italie, l’Illyrie, la Turquie, les principales îles de la Méditerranée, Crète, Chypre, la Corse et la Sardaigne, enfin l’Helvétie transalpine, et les environs, de Marseille. De grandes connaissances restèrent de ces courses, et lui acquirent beaucoup de célébrité, en sorte qu’il se trouva en relation avec les savants les plus distingués, qui le consultèrent sur les difficultés que leur présentait l’histoire des plantes, et surtout sur la concordance des noms anciens avec les modernes. Anguillara répondit à cette confiance en exposant son opinion ou parere dans des lettres particulières. Marinello, qui était un de ses correspondants, réunit quatorze de ces lettres, et les publia du consentement de l’auteur, sous ce titre : Semplici dell’ eccelent M. Anguillara, li quali in più pareri a diversi nobili nomini scritti appajono et nuovamente da M. Giovanni Marinello manadti in luce, Venise, Vinc. Valgrisi, 1561, in-8o. Le même imprimeur en donna, la même année, une autre édition, que l’on préfère, parce qu’il y a deux figures de plantes qui ne sont pas dans la première. Quoique peu volumineux, ce livre a suffi pour établir la réputation d’Anguillara. Toutes les lettres qui le composent sont datées de Padoue, la première du 10 avril 1558, et la dernière du 20 mai 1560. On sent qu’un ouvrage de ce genre ne peut avoir de plan déterminé ; car ce n’est qu’à mesure que l’occasion se présente que l’auteur parle des plantes qu’il a observées dans ses voyages. Il se contente quelque fois de les designer par le nom vulgaire qu’elles portent dans leur pays natal ; et plus d’une fois, Anguillara a reconnu que ces noms étaient ceux des anciens, avec une légère altération, ce qui l’a beaucoup aidé dans ses recherches : plus souvent il ajoute une description, mais qui est si précise, que, malgré sa brièveté, elle suffit pour reconnaître presque toutes les espèces dont il fait mention. Il s’en trouve au moins une vingtaine qu’il a fait connaître le prmier : dans deux occasions seulement, il a ajouté des planches en bois passablement exécutées ; mais la manière dont il a éclairci les passages des anciens botanistes a encore été plus utile à la science. Il les connaissait tous parfaitcment, depuis Théphraste jusqu’à Cassianus Bassus : non content d’étudier ceux qui étaient imprimés, il avait recours aux manuscrits : c’est par leur moyen qu’il put connaître Cratævas ; il en cite plusieurs passages en grec, et ce sont les seuls de cet auteur qui aient été imprimés. En général, son style est facile et ne manque pas d’élégance ; il discute avec sagacité, modestie, et surtout beaucoup de modération, en sorte que, lorsqu’il attaque les opinions de ses contemporains, c’est avec tous les ménagements possibles ; mais ils lui furent inutiles vis-à-vis de Mathtiole ; c’est en tain qu’il lui prodigua les epithètes les plus flatteuses, et même celle d’eccelentissimo. Celui-ci ne put lui pardonner d’avoir relevé quelques-unes de ses méprises ; il répliqua à sa manière, c’est-à-dire avec des injures. Anguillara ne fut pas toujours de l’avis de Lucas Ghini, qui était alors regardé comme l’oracle de la botanique, et on a remarqué qu’il avait été le seul qui n’en eût pas parlé très-avantageusement ; mais on est parti, pour lui faire ce reproche de la supposition qu’il avait été le disciple de ce célèbre professeur. Dans ce cas, on pourrait accuser Anguillara d’avoir été peu respectueux envers son maître ; mais tout porte à croire que ces deux hommes n’ont été que contemporains. Haller dit qu’Anguillara fut le disciple de Constantin Rhodiota, speziale ou apothicaire en Crète. Il fonde cette opinion sur un passage d’Anguillara ; mais il paraît que cet écrivain, si exact ordinairement, s’est trompé dans l’interprétation du passage qu’il cite : il prend le mot maestro dans le sens de professeur, au lieu qu’il signifie, selon nous, maître un tel, terme si employé à cette époque. Tournefort fait mention, d’après la Bibliothèque iatrique de Scbenek, d’une traduction latine de cet ouvrage, avec des notes faites par Gapard Raubin, et Séguier l’indique sous ce titre : Aloysii Anguillaræ de simplicibus liber primus, cum notis Gaspari Bauhini, Bale, apud Henricum Petrum, 1593. Haller la cite, mais d’après Séguier, sans l’avoir vue. Après avoir fait plusieurs recherches infructueuses pour constater l’existence de ce livre, recourant à Schenck lui-même, nous avons appris qu’il n’avait jamais été imprimé. L’ouvrage original est devenu très-rare. Il paraît qu’Anguillara s’attira de puissants ennemis ; Matthiole, dans la vie d’Aldrovande, en parle avec le plus profond mépris, et Aldrovani lui-même en faisait peu de cas. Guilandinus le nommait par dérision olitor patavinus. Peut-être que ce médecin, connu par sa causticité, lui suscita des désagréments par l’amertume de ses critiques, à tel point qu’Anguilara, se trouvant discrédité, abandonna sa place. Elle fut occupée tout de suite par cet antagoniste. Anguillara, retiré à Ferrare, se rendit célèbre par la composition de la thériaque, et il alla jusque dans la Pouille chercher les plantes nécessaires, accompagne d’un religieux augustin nommé Evangelista Quadramio, qui fut, par la suite, botaniste du duc de Ferrare. Anguillara survécut peu de temps à ses expériences sur cette composition, et mourut en octobre 1570, sans avoir rien publié par lui-même. On ne sait ce que devinrent, après sa mort, ses nombreux matériaux : on doit les regretter, car, d’après l’échantillon donné par Marinello, on peut juger qu’ils étaient très-importants ; ce seul essai a suffi pour placer Anguillara au nombre de ceux qui ont le mieux réussi à rattacher les connaissances botaniques modernes aux anciennes ; c’est le témoignage que lui rend un des juges les plus compétents sur ce point, M. Sprengel,