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la royauté, ils le conduisirent à Alexandre. Ce prince, qui distingua en lui un esprit digne de son origine, se retourna vers ceux de sa suite et dit ; « Je désirerais savoir comment il a supporté sa pauvreté. — Fasse le ciel, répondit le nouveau roi, que je puisse supporter aussi bien ma prospérité ! Ces mains ont fourni à tous mes besoins, et ne possédant rien, je ne manquais de rien. » Alexandre fut si charmé de cette réponse, qu’il confirma la nomination faite par Ephestion, donna à Abdolonyme le palais et les biens particuliers de Straton, son prédécesseur, et même augmenta ses possessions d’une partie du territoire voisin. C’est ainsi que Quinte-Curce et Justin rapportent cette histoire : mais Diodore, qui appelle ce personnage Balloninius, dit qu’il fut fait roi de Tyr ; et Plutarque, qui le nomme Alonyme, le fait roi de Paphos. Il est probable que ce récit est fondé sur quelque vérité, quoique Quinte-Curce paraisse l’avoir orné, selon son usage, de circonstances fabuleuses. L’histoire d’Abdolonyme a fourni à Fontenelle le sujet d’une comédie d’où Pleinchesne a tiré un opéra-comique, joué au Theàtre Italien en 1768. Delille en à fait aussi un bel épisode de son poëme des Jardin. C-r.


ABDON, 10e juge du peuple hébreu, de la tribu d’Éphraïm. succéda à Ahialon, l’an 1164 avant J.-C. ; jugea Israël pendant huit ans, et fut enterré Pharaton, dans la terre d’Éphrïm. Il laissa qqarante fils et trente petits-fils, que l’Écriture représente montés sur soixante-dix ânons : c’était, chez les anciens Israélites, la monture des personnages distingués. Il y eut encore trois autres Abdon. Le dernier dont il est parlé dans l’Écriture était fils de Micha, et vivait du temps de Josias, à l’époque où le livre de la loi fut trouvé dans le temple. Josias envoya le fils de Micha vers la prophétesse Holda, pour la consulter sur ce livre. C-T.


ABDOUL-KERYM, fils de Kliodjali, ou maître A’agib’en-Mahhmoud, et petit-fils de Mohhammed Bolaqy, était un personnage très-distingué, originaire du pays de Cachemir. Lorsque Nadir-Schah fit son invasion dans l’Inde, au commencement de l’année 1738, Abdoul-Kerym demeurait à Dehli, qui eut le bonheur d’échapper au carnage que les Persans firent dans cette ville. Ayant trouvé accès auprès du garde des archives de Nadir, celui-ci le présenta a son maître, et le fit recevoir au nombre des commensaux de la maison impériale. Il suivit donc l’armée victorieuse, à son retour en Perse, et visita, en passant par Kaboul, le tombeau de son aïeul maternel. Arrivé à Cazwyn, il obtint de Nadir la permission de faire le pèlerinage de la Mecque. C’était le principa motif qui l’avait déterminé à quitter l’Inde, et à suivre l’armée victorieuse. Il partit donc le 16 du mois de rebyi 2e, 1154 (4 juin 1741), avec A’louy, célèbre médecin, fit ses dévotions à Médine et à la Mecque, s’embarqua ensuite à Djeddah, aborda à Mascat, de là à Pondichéry, et arriva à Dehli le 21 juillet 1743, après plus de quatre années d’absence. Abdoul-Kérym a écrit ses Mémoires en persan, sous le titre de Beoyni Ouaq’i (Éclaircissement nécessaire) ; ils contiennent des détails très-circonstanciés sur les opérations militaires et la vie de Nadir-Schah, la relation de son pèlerinage, et un précis curieux des événements politiques de l’Indoustan vers la fin du règne de Mohammed-Schah, et au commencement de celui d’Ahmed-Schah. Ces Mémoires ont été traduits en anglais, Calcutta, 1788, 4 vol. in-8o, par Gladwin, qui a cru devoir supprimer tout ce qui concernait. Nadir-Schah avant son retour de l’Indoustan. En effet, cette portion de l’histoire du conquérant a été parfaitement décrite par le myrza Mehdy. On trouve au bas des pages de ce volume les noms orientaux de personnes et de lieux écrits en très-beaux caractères taalyc. J’ai extrait des Mémoires d’Abdoul-Kerym la relation de son pèlerinage à la Mecque ; elle forme le premier volume de ma Collection portative des Voyages, traduite de différentes langues orientales et européennes, Paris, 1797 et années suiv., in-18, 5 vol. et un atlas. L-s.


ABDOUL-RAHHYM, le Kham Khanan, était un des personnages les plus recommandables de l’empire mogol, tant par la distinction de sa naissance que par ses talents politiques et son immense érudition. Il rendit d’importants services à l’empereur Akbar dans différentes négociations. Le même souverain chargea ce savant de traduire en persan les Commentaires que l’empereur Babour avait composés en langue turque, c’est-à-dire tatare, et, proprement, oigoure. La bibliothèque royale possède un exemplaire de cette intéressante traduction persane, intitulée Ouaqa’ti Babour (Actions de Babour). J’y ai puisé d’excellents et nombreux matériaux pour mon ouvrage sur l’Indoustan. Abdoul-Rahhym était également très-versé dans les langues arabe et indoue, et passait, avec raison, pour un excellent poëte. Il mourut à Dehli en l’an de l’hégire 1036 (1627-8 de J.-C.), dans la 72e année de son âge. Voy. Babour. L-s.


ABDUL-HAMID, sultan, le dernier des cinq fils d’Achmet III, parvint à l’empire en 1774, après la mort de son frère aîné, Mustapha III. Il était né le 20 mai 1723. Tiré de prison pour monter sur le trône, dans un âge qui touchait à la vieillesse, il n’y porta ni courage ni activité. Âgé de cinquante ans, il en avait passé quarante-quatre dans le vieux sérail, où son occupation était de faire des arcs et des flèches. Il s’en fallait de beaucoup qu’un tel caractère convint aux circonstances difficiles ou le sort le faisait régner ; et jamais l’empire ottoman n’éprouva plus d’humiliations. Mustapha III avait commencé les préparatifs de la guerre contre la Russie ; son successeur, ami de la paix, mais jaloux de l’honneur de son trône, ordonna des préparatifs immenses : ses armées, sous les ordres du grand vizir Mussum-Oglou, furent portées à 400,000 combattants ; mais la discipline et la valeur des Russes triomphèrent partout du nombre et de l’ignorance de leurs ennemis. Les Turcs, déjà battus par les généraux Soltikow, Kamensky et Suwarow, furent enfermés dans leur camp de Schumla, par les manœuvres savantes du feld-maréchal Romanzow, et le vizir, séparé de