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puissance, était dispose à faire tous les sacrifices pour que les Turcs continuassent la guerre ; il avait dit à son ambassadeur : « Que le sultan Mahmoud se mette à la tête de 100,000 hommes ; je lui promets la Moldavie, la Valachie et même la Crimée. » Mais des circonstances imprévues ayant retardé son départ, Andréossi n’arriva à Constantinople qu’après la paix de Buckarest. Pendant le séjour qu’il fit dans cet capitale, il protégea constamment les Français établis en Turquie, et ceux qui faisaient le commerce dans le Levant. Le ministère ottoman eut aussi beaucoup à se louer de sa loyauté[1] ; enfin il emporta les regrets de tout le monde, lorsque, en 1814, remplacé par le marquis de Rivière qui lui apporta la croix de St-Louis, il quitta Constantinople. À son retour en France, il communiqua a l’Institut des mémoires que l’hydrostatique compte parmi ses plus précieuses acquisitions, et qui reçurent d’un homme habile en cette matière (Barbié du Bocage) les éloges les plus flatteurs. L’un de ces mémoires où il traite de l’irruption de la mer Noire dans la Méditerranée, et dans lequel il cherche à fixer la lithologie de l’embouchure de la première de ces mers, est un essai qui n’avait été fait par personne avant lui. Les autres mémoires, relatifs au système des eaux qui abreuvent Constantinople, et à l’ensemble des nombreux conduits employés en Turquie pour la distribution de l’eau, renfermaient des notions curieuses sur la science hydraulique chez les Turcs, et sur l’application que l’Europe en pourrait faire. Tous ces matériaux servirent à la composition d’un grand ouvrage qu’Andréossi publia quelques années plus tard. Se trouvant à Paris à l’époque de la révolution du 20 mars 1815, il y adhéra complètement, et signa la fameuse délibération du conseil d’État, du 25 de ce mois, Il accepta la pairie et la présidence de la section de la guerre ; mais il refusa le titre d’ambassadeur à Constantinople que Napoléon voulut lui rendre, et il lui annonça que le gouvernement ottoman ne le reconnaitrait pas. C’est en qualité de président de la section de la guerre qu’il fit partie de cette commission du conseil d’État que Bonaparte avait chargée de faire un rapport sur la déclaration du congrès de Vienne. donnée le 13 mars. C’est au général Andréossi et à trois autres de ses collègues que fut dû l’amendement à cet article du fameux décret contre la maison du roi, qui devait mettre hors de la protection des lois ceux de cette maison qui refuseraient de prêter serment. Quoique dans les comités secrets de la chambre des pairs il ne parlât jamais, il votait toujours avec les plus modérés. Après le désastre de Waterloo, il fut élu membre de la commission chargée de présenter un rapport sur les mesures de sûreté générale, et la commission de gouvernement lui confia le commandement de la première division militaire. Nommé l’un des cinq commissaires envoyés auprès des généraux alliés pour négocier un armistice, il partit le 27 juin, et arriva le même jour à Pont-Ste-Maxence, où il trouva les premières colonnes prussiennes qui marchaient sur la capitale. On ne lui permit pas d’arriver jusqu’au général Blücher. Mais ses collègues et lui furent admis en présence du duc de Wellington. Dès la première entrevue, Andréossi et l’un de ses collègues se prononcèrent pour le rappel immédiat des Bourbons. Un autre membre de la députation (M. Flaugergues) ayant dit qu’il croyait ce vœu contraire à celui des chambres et de la France, le général anglais répondit que la force en déciderait. Le 4 juillet suivant, Andréossi et ses collègues revinrent à Paris. Aussitôt après le retour du roi, il lui envoya son acte de soumission. À partir de cette époque, rentré dans la vie privée, et habitant sa belle maison de Ris ; Andréossi s’occupa exclusivement de travaux scientifiques. Quelque temps après la publication de son Voyage à l’embouchure de la mer Noire (1819), il entra dans la société royale fondée pour l’amélioration des prisons ; et deux ans plus tard, il devint directeur des subsistances militaires[2]. Tandis qu’il occupait cette haute place, les journaux attaqueront vivement une opération de son ministère, l’adjudication de la fourniture des vivres pour la garnison de Paris. Le comte Andréossi repoussa cette attaque avec beaucoup de force. En 1824, il concourut avec M. Héricart de Thury pour une place d’académicien libre à l’académie des sciences ; celui-ci l’emporta de quelques voix. Deux ans plus tard, il fut plus heureux. Lorsque les collèges électoraux furent convoqués en 1827 pour procéder au remplacement de la première chambre septennale, Andréossi fut député par le département de l’Aude à la nouvelle chambre, et il y siégea avec l’opposition. À son début dans la carrière législative, il fut crée membre de la commission d’examen pour le projet de loi qui allouait au ministre de la guerre un crédit extraordinaire de 500,000 fr. Lors de la discussion générale de l’emprunt de 4 millions de rentes, motivé par les circonstances extraordinaires où se trouvait l’Europe, il fit une exposition savante de l’état respectif de la Russie et de la Turquie, et vota l’ajournement de l’emprunt. Il se fondait sur ce que, les événements se développant avec une grande rapidité, l’intervention de la France ne lui semblait pouvoir être d’aucune efficacité pour ou contre ces événements. Enfin il fit plusieurs rapports sur des pétitions. Parti, après cette session, pour retourner dans sa ville natale, il tomba malade à Montauban, et y mourut le 10 septembre 1828. Cette nouvelle inattendue

  1. Il m’écrivait le 16 juin 1813 : « Ce pays-ci n’offre pas de grandes ressources, mais il fournit beaucoup d’observations. Je recueille tout ce que je puis, tant sur la géographie que sur le gouvernement et les antiquités. J’ai plusieurs jeunes gens que j’emploie à faire des reconnaissances, des recherches et des extraits. J’ai aussi des dessinateurs : j’étudie, je médite, et je pense que, si l’on avait le temps, ou pourrait écrire sur ce pays-ci tout différemment et d’une manière plus exacte qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour. V-VE
  2. Il m’avait communiqué, quelque temps auparavant. un mémoire Important sur les moyens d’affaiblir la puissance russe, et de préserver l’Europe de l’invasion. Il présenta au duc d’Angoulême ce mémoire, qui fut bien reçu à la cour de Louis XVIII, et dont l’auteur disait spirituellement : C’est mon baptême des cent jours. V-ve.