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Dans la première pièce, qui est la comédie, il est beaucoup parlé des centaures : on y apprend que la femme du centaure est fille d’un roi de l’île de Rhodes, à qui al reine a donné ce singulier enfant, pour des raisons qu’on nous dispensera d’expliquer. Cette centaure, dans la troisième pièce, qui est la tragédie, veut recouvrer ses droits au trône. Toute la famille des centaures ne transporte à Rhodes ; mais, par une suite d’accidents et d’événements aussi peu naturels que le reste, le père et la mère se tuent de désespoir, et c’est la petite centaure, leur fille, qui hérite de la couronne. Tout parait dit sur une pièce pareille quand on en a fait entrevoir l’extravagance et l’absurdité. Ce qu’il faut pourtant ajouter, c’est qu’elle est dédiée à la reine mère, Marie de Médicis, à laquelle l’auteur dit, sur ce titre de centaure, sur le rapport qu’il y a entre la partie supérieure et noble de ces monstres, et la dédicace qu’il fait à sa majesté, entre la partie basse et monstrueuse, et la pièce qu’il lui dédie, des choses non moins extravagantes que sa pièce même. Il faut dire encore que cette pièce est la suite d’une comédie du même auteur, un peu moins folle, sans être une bonne comédie, intitulée : li Duo Leli simili, imitée des Ménechmes de Plaute, mais bien moins heureusement que ne le furent, depuis, les Ménechmes de Regnard. Ces deux Lelio se retrouvent, parmi les ressorts de l’action, dans la Centaura, et l’un d’eux devient même roi de Chypre. Enfin, ce qui passe toute croyance et est au-dessus de toute expression, c’est que l’action des Duo Leli, qui est la première, se passe entre des personnages modernes et d’une condition commune, et que celle de la Centaura, qui en est la suite, nous reporte à Rhodes et en Crête, au temps du roi Minos. 7° On a encore du même auteur huit autres comédies et cinq pastorales, dont il serait inutile de citer les titres, aujourd’hui totalement inconnus. 8° il a laissé de plus trois poèmes : le premier, en 3 chants seulement, sur cette même Madeleine, qu’il mit depuis au théâtre, Venise, 1610, in-12 ; le second, en 7 chants, sur Ste. Thècle, vierge et martyre, Venise, 1623, in-12, et le troisième, d’un genre tout différent des deux autres, intitulé l’Olivastro (l’olivâtre) ou le Poëte infortuné, poème plaisant ou fantastique, en 25 chants, Bologne, 1642, in-4o. Ce poème contient la vie entière et les aventures, tantôt tristes et tantôt bouffonnes, d’un poëte malheureux. Tout ce qu’on peut dire, c’est que celles de ces aventures qui sont tristes n’intéressent pas, que celles qui ont des prétentions à la bouffonnerie ne font point rire, et que l’effet général de ce long poème est l’ennui. En dernier résultat, les amateurs de livres rares rechercheront toujours l’Adamo d’Andreini ; les hommes curieux d’observer dans l’art dramatique les déviations de l’esprit humain peuvent réunir à cette pièce la Maddalena et la Centaura : le reste ne peut être l’objet que d’une curiosité sans plaisir comme sans fruit, G-é.


ANDRELINI (Publio Fausto), en latin, Publius Faustus Andrelinus, poëte latin moderne, ne à Forli, dans la Romagne, vers le milieu du 15e siècle. Ayant composé à Rome, des sa première jeunesse, quatre livres de poésies, sous le titre d’Amours, il obtint, à vingt-deux ans, les honneurs de la couronne poétique. Après avoir été quelque temps attaché au cardinal de Gonzague, il vint s’établir à Paris en 1488, et fut reçu, l’année suivante, professeur à l’université. Il y enseigna pendant trentre années, dans des cours publics et particuliers, la rhétorique, la poésie et la connaissance de la sphère. Il doit donc être compté pour une part considérable parmi les causes qui contribuèrent alors en France à la renaissance des lettres. Il obtint successivement la protection de Charles VIII, de Louis XII, d’Anne de Bretagne et de François Ier ; il reçut de Charles VIII, et ensuite d’Anne de Bretagne, deux pensions qu’il conserva toujours, et les titres de poëte du roi et de la reine, poeta regius et regineus. Il eut de plus un bon canonicat, comme on le voit par quelques-uns de ses ouvrages, où il prend le titre de chanoine de Bayeux. On ajoute qu’outre toutes ces faveurs, il recevait encore des présents considérables, et l’on croit qu’il s’est mis lui-même en scène dans une de ses églogues, où un poëte raconte qu’ayant récité devant Charles VIII un poëme sur la conquête de Naples, le roi lui avait donné un sac d’or, fulvi œris, qu’il put à peine emporter sur ses épaules. Malgré des querelles littéraires vives et bruyantes, il jouit d’une grande considération parmi les gens de lettres ses contemporains. Plusieurs le célèbrent comme l’un des poëtes les plus sublimes et les plus élégants de ce siècle. Érasme, qui était son ami, et qui l’avait beaucoup loué pendant sa vie, changea de langage après sa mort, et alla jusqu’à s’étonner que l’université de Paris l’eût si longtemps souffert, et à l’accuser de pétulance envers les théologiens de son temps, de mœurs peu régulières, et de médiocre savoir. L’accusation de pétulance peut être justifiée par les querelles dont on vient de parler, et dans lesquelles, en effet, Andrelini et ses adversaires s’injuriaient avec la plus extrême violence. Ses mœurs peuvent paraitre suspectes, d’après la liberté qu’il se donnait d’expliquer, dans ses leçons, les morceaux les plus obscènes des poëtes grecs et latins. Son savoir ne s’élevait pas non plus au-dessus du médiocre, si l’on en juge par ce qui nous reste de lui : ses vers n’ont guère d’autre mérite qu’une certaine facilité de style, sans aucune des grandes qualités qu’on parait y avoir trouvées de son temps. Baillet a dit de lui, avec assez de justesse, dans ses Jugements des savants, « qu’il ne se souciait pas beaucoup de mettre du sens dans ses compositions, pourvu qu’il y mit des mots bien choisis et de riches expressions, comme si les choses étaient faites pour les mots, au lieu d’assujettir les mots aux choses. » Érasme allait plus loin ; il prétendait qu’il ne manquait à ses vers qu’une syllabe, νοῦς en grec, mens en latin, c’est-à-dire, en français, le sens commun. Andrelini mourut à Paris, presque subitement, le 25 février 1518. Ses principaux ouvrages sont : 1° Livia, seu Amorum libri 4, Paris, 1492, in-4o, et Venise, 1501, aussi in-4o : c’est ce recueil qui eut tant de succès à Rome, et qui fit décerner la couronne poétique à son jeune auteur. 2° Elegiarum libri 3, Paris, 1494, in-4o ;