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femmes, quarante-cinq fils et quarante et une filles. Mahammed, l’aîné de ses fils, lui succéda. B-p.


ABDERAME III (Abdoul-Rahaman), 8e calife ommiades d’Espagne, surnommé Al-Nassir-Lidyn-Alla (protégeant le culte du vrai Dieu), était neveu d’Abdoullah, calife de Cordoue. À la mort de ce prince, les Arabes de la capitale intervertirent l’ordre de la succession, et écartèrent les fils d’Abdoullah, en faveur d’Abdérame, qu’ils placèrent sur le trône, l’an 912. Tout était dans le trouble ; des provinces entières avaient secoué le joug. Abdérame justifia le choix des musulmans, et dissipa les rebelles que ses prédécesseurs n’avaient pu soumettre. Il prit le titre pompeux d’Emyr-el-Moumenyn (prince des croyants), que les chrétiens d’Espagne ont altéré et traduit par le mot miramolin. Tandis qu’il s’efforçait de rendre quelque éclat au trône de Cordoue, les chrétiens, devenus redoutables, sortirent de leurs montagnes et vinrent l’attaquer. Il fut battu successivement prés de Talaveyra et de St-Étienne-de-Gormaz par Ordogno II, roi de Léon. Cette guerre, après avoir été suspendue plusieurs années, se ralluma avec une nouvelle fureur. Déjà amollis par les arts et le luxe, les musulmans n’étaient plus en état de soutenir seuls les efforts réitérés d’un ennemi qu’ils avaient presque anéanti deux siècles auparavant. Abdérame implora le secours des Maures d’Afrique ; secondé par eux, il rassembla une armée de 150,000 hommes, et s’avança au centre de la Castille, portant le fer et le feu sur son passage. Ramire II, roi de Léon, le joignit, le 6 août 938, dans la plaine de Simancas. La bataille dura une journée entière, et ce ne fut qu’après huit heures de carnage que la victoire se déclara en faveur des chrétiens. 80,000 musulmans périrent par l’épée et dans les eaux de la Pisuergua et du Duero. Abdérame voulut rallier les débris de ses troupes près de Salamanque ; mais attaqué une seconde fois par les chrétiens, et blessé dans l’action, il se vit obligé de fuir avec les restes de son armée. Il sut cependant réparer ses pertes, et profita habilement de quelques légers avantages. Battu souvent, quelquefois vainqueur, toujours grand et redouté, il soutint longtemps la guerre contre les rois de Léon et les comtes de Castille, qui lui enlevèrent la ville de Madrid, alors peu considérable. Il fut assez habile pour fomenter la division parmi les princes chrétiens, et porta vingt-deux fois ses armes dans le centre de leurs États. Créateur d’une marine, il s’empara de Ceuta, sur les côtes d’Afrique. Mouça, roi de Mauritanie, le reconnut pour souverain, et fit faire la prière en son nom dans toutes les mosquées de son empire. Abdérame fit aussi une alliance avec l’empereur de Constantinople, et reçut à sa cour des ambassadeurs grecs. Malgré les guerres continuelles qu’il eut à soutenir, et les secours qu’il acheta en Afrique, il fit briller à sa cour un luxe dont les détails paraîtraient fabuleux, s’ils n’étaient attestés par tous les historiens de son siècle. Sous son règne les arts et les sciences furent cultivés. Il fonda une école de médecine, la seule qui fût alors en Europe ; et fit construire, à trois lieues de Cordoue, une ville et un palais magnifique, auxquels il donna le nom de Zhéra, que portait une de ses plus belles favorites. Ennemi généreux, il accueillit don Sanche, roi de Léon, qui, chassé de ses États et malade d’une hydropisie, était venu se faire traiter à Cordoue par des médecins arabes. Il lui donna un corps d’armée, et l’aida, en 960, à remonter sur son trône. Abdérame mourut l’année suivante, à l’âge de 73 ans, après avoir porté le sceptre pendant un demi-siècle, avec plus de gloire encore que de bonheur, si l’on en juge par l’écrit suivant, tracé de sa main, et trouve dans ses papiers : « Cinquante ans se sont écoulés depuis que je suis calife. Richesses, honneurs, plaisirs, j’ai joui de tout, j’ai tout épuise. Les rois, mes rivaux, m’estiment, me redoutent et m’envient. Tout ce que les hommes désirent m’a été prodigué par le ciel. Dans ce long espace d’apparente félicité, j’ai calculé le nombre de jours ou je me suis trouve heureux : ce nombre se monte à quatorze. Mortels tels, appréciez la grandeur, le monde et la vie » Abdérame eut pour successeur son fils aîné, Al-Hakem II, qui prit aussi le titre d’Emyr-el-Moumenyn B-p.


ABD-ERRAHMAN ibn Mohammed, ibn Al-Aschat, capitaine arabe du 7e siècle, était de race royale, car son aïeul Al-Aschat, l’un des amis de Mahomet, le législateur des musulmans, avait été le chef de la tribu de Kenda dans l’Yemen, et ses ancêtres avaient régné sur toutes les tribus arabes issues d’Ismaël, fils d’Abraham. Abd-Errahman se distingua dans toutes les guerres de l’islamisme sous les califats de Moawiah Ier et de Yézid Ier ; et quoique après la mort de ce dernier, loin de s’opposer au rebelle Schebid, il se fût retiré à son approche et l’eût laissé entrer dans Koufah, l’an de l’hégire 75 (de J.-C. 694), il était regardé comme un des plus habiles généraux de l’empire musulman. Hedjadj ayant été nommé, par le calife Abd-el-Mélek, gouverneur de Koufah, de Bassora et de toute la Perse, ne tarda pas à se montrer jaloux d’Abd-Errahman, et il saisit la première occasion de le perdre. Oubéidah, gouverneur du Séistan, réclamait des renforts pour continuer la guerre contre le roi de Kaboul. Abd-Errahman fut envoyé avec 20,000 hommes pour remplacer ce gouverneur et poursuivre une entreprise périlleuse dans laquelle son ennemi espérait le voir succomber ; mais il s’avança vers le Kaboulistan, sans se laisser arrêter par les menaces du roi, ni par ses offres de paix et de tribut. Comme les villes et les châteaux se rendaient sans coup férir, et que l’armée ennemie n’opposait aucune résistance, Abd-Errahman jugea qu’on ne le laissait pénétrer que pour lui couper plus facilement la retraite. Il prit donc ses quartiers d’hiver, tint garnison dans les places fortes, fit occuper les défilés les plus importants, et bornant là ses conquêtes, avec l’intention de les poursuivre l’année suivante, il adressa la relation de sa campagne à Hedjadj. « Vous êtes un lâche, lui répondit cet émir ; je ne vous à point envoyé pour vous reposer. Hâtez-vous donc d’achever la conquête du Kaboulistan. » Indigné d’un outrage aussi sanglant, Abd-