Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/645

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
629
ANA

cependant Anastase, dont on proclamait la sagesse et les vertus rencontra un obstacle à son élévation dans le zèle d’Euphémius, patriarche de Constantinople, qui lui avait plus d’une fois reproché son attachement aux erreurs d’Eutychès. Anastase leva la difficulté, en signant une profession de foi conforme aux décisions du concile de Chalcédoine ; il prouva, par le reste de sa vie, qu’une pareille promesse n’avait aucune importance à ses yeux ; et la même versalité, la même faiblesse se firent remarquer dans ses opinions, dans ses projets, dans ses vices et même dans ses vertus ; cependant le début de son règne lui fit honneur. Le peuple, enchanté de la justice et de la modération du nouveau prince, l’accueillit au cirque avec les plus vifs applaudissements. « Régnez, s’écriait-on de toutes parts, régnez, prince, comme vous avez vécu. » Anastase, quarante jours après la mort de Zénon, épousa Ariadne ; Longin, écarté du trône, conjura avec plusieurs chefs des Isauriens, dont quelques-uns portaient le même nom que lui ; mais l’empereur le fit arrêter et conduire à Alexandrie, où on le força de recevoir le sacerdoce, dont ses mœurs infâmes auraient plutôt dû le faire éloigner. Les conjurés, suivis de tous les Isaures qu’en chassa de Constantinople, se réfugièrent en Isaurie, prirent les armes, et saccagèrent la Phrygie ; ils y furent battus complétement en 492, par trois généraux d’Anastase, nommés Jean le Scythe, Jean le Bossu et Diogène ; cependant cette guerre ne finit qu’en 497. L’année précédente, le patriarche Euphémius, que d’anciennes liaisons avec les chefs des rebelles, et plus encore ses principes orthodoxes, rendaient odieux à Anastase, vit deux fois ses jours menacés par des assassins, et fut enfin déposé et exilé. En 498, les factions du cirque, connues sous les noms de verte et de rouge, et dont l’acharnement désola longtemps Constantinople, eurent une querelle si vive, qu’Anastase, qui s’était rangé du côté des rouges, fut sur le point d’être détrôné, et eut la faiblesse de donner une satisfaction publique à ses adversaires. Un prince de ce caractère ne pouvait intimider ses nombreux ennemis, et les barbares désolaient toutes les provinces. Anastase, menacé au dehors, ne s’occupait que de questions théologiques, et portait le trouble dans la capitale et dans l’empire, en favorisant les hérésies, et en versant à grands flots le sang des orthodoxes. Le pape Symmaque, pressé par le clergé catholique, lança, en 500, contre l’empereur, la première excommunication dont un souverain ait été frappé. Cependant Anastase, ému par les malheurs dont l’empire était accablé, et dont son impéritie et ses caprices étaient les premières causes, s’attira tout à coup des applaudissements universels, en supprimant le chrysargire, impôt odieux qui se levait de cinq en cinq ans, et dont la misère, les immondices et la prostitution fournissaient une part. Il fallait que cet impôt fût bien détesté, puisque les historiens disent que sa suppression, en couvrant de gloire le prince qui l’avait prononcée, suffit pour faire pardonner ses plus grands crimes. Anastase fit cesser aussi l’usage barbare de livrer les coupables aux bêtes, et de faire de ce supplice horrible un spectacle pour le peuple. Cependant de nouvelles disgrâces allaient fondre sur l’empire. Cabader, roi de Perse, indigne du refus qu’Anastase lui avait fait de quelques secours dont il avait besoin pour soumettre les Nephtalites, entra en Mésopotamie, à la tête d’une puissante armée, prit et saccagea Amide, en 502, et, l’année suivante, battit, l’un après l’autre, quatre généraux romains. Ils furent remplacés par Céler, qui força les Perses à la retraite, et tenta de reprendre Amide ; ennuyé de la longueur du siége, il la racheta à prix d’argent. C’était avec ses trésors qu’Anastase défendait ses États, moyen honteux qui ne faisait qu’exciter l’avidité des barbares, et qui accroissait de jour en jour l’avarice du prince, en augmentant ses besoins. Il imagina aussi de faire fermer, par une muraille longue de 18 lieues, la pointe de terre sur laquelle Constantinople est bâtie, de sorte que les fertiles campagnes qui environnaient la capitale se trouvaient du moins à l’abri des incursions. Anastase forma, en 509, quelques projets sur l’Italie, et rechercha à cette occasion l’alliance de Clovis, roi des Francs, auquel il envoya le titre de consul. L’empire se vit encore plongé dans de nouvelles agitations, par l’imprudence d’Anastase, qui reprit, avec une ardeur plus violente, les discussions religieuses ; il persécuta avec acharnement Macédonius, patriarche de Constantinople, et le fit remplacer par Timothée, eutychéen. Une sédition terrible épouvanta l’empereur, qui promit de favoriser les orthodoxes ; mais, le danger passé, il recommença ses poursuites contre eux. Vitalien, petit-fils du fameux Aspar, rassembla les catholiq1ies, et s’avança, suivi d’une puissante armée ; le sang avait déjà coulé dans plus d’une sédition occasionnée par les querelles religieuses ; mais ce fut la première guerre dans les règles que la fureur humaine entreprit au nom d’un Dieu de paix. Vitalien, triomphant, parut sous les murs de Constantinople. En vain un physicien, nommé Proclus, brûla, dit-on, ses vaisseaux, au moyen d’un miroir ardent ; déjà le peuple, las d’Anastase, demandait à reconnaître Vitalien ; l’empereur, tremblant, fit promptement la paix, et promit au vainqueur de suivre ses volontés, pourvu qu’il s’éloignât. Vitalien y consentit, après avoir exigé le rétablissement de Macédonius, et la convocation d’un concile ; mais, quand il eut posé les armes, Anastase viola encore une fois sa parole, et continua la persécution. Enfin, en 518, la mort vint terminer ce long et déplorable règne. Anastase, âgé de 88 ans, fut trouvé sans vie dans un souterrain de son palais, ou la crainte d’un orage l’avait conduit. On crut que la foudre l’avait frappé ; mais, dans un si grand âge, une mort naturelle a pu l’atteindre avec non moins de rapidité. Justin lui succéda. L-S-e.


ANASTASE II, empereur d’Orient, n’eut point une naissance assez remarquable pour que l’histoire en fit mention. L’extinction de la famille d’Héraclius dans la personne du second Justinien, et la déposition de Philippique Bardanes, laissaient l’empire d’Orient, sans maître. Artémius, secrétaire d’État, homme généralement estimé, réunit les suffrages, et