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la Morée, et obligea l’empereur grec à lui payer tribut : il prit ensuite Thessalonique, et força les Vénitiens à la paix. La rébellion de Karaman-Ogli fut étouffée, en 1434, par le sulhan en personne. Vers ce temps, la guerre eut lieu entre l’empire ottoman et le roi de Hongrie : le fameux général hongrois, Jean Huniade, remporta plusieurs victoires ; cependant Amurath passa le Danube, ravagea le pays, et assiégea Belgrade ; mais il ne put s’en emparer. Il envahit et subjugua la Servie ; mais il rendit cette province lorsqu’il conclut la paix avec la Hongrie et la Pologne. En 1442, Karaman-Ogli reprit les armes, et fit une irruption dans plusieurs provinces d’Asie. Amurath marcha contre lui ; mais sa sœur, femme de Karaman, vint au-devant de lui, et parvint à les réconcilier. Voyant alors son empire dans un repos parfait, Amurath. qui s’était toujours montré très-attaché aux pratiques de sa religion, renouvela un exemple de modération et de mépris des grandeurs que, jusqu’alors, le seul Dioclétien avait donné au monde ; il abdiqua, et, laissant le trône au jeune Mahomet II, son fils, il se retira à Magnésie, dans la société des derviches, dont il partagea les austérités. Il n’avait pas encore quarante, et fut bientôt tiré de sa retraite par les dangers qui assiégèrent le trône des sultans. Ladislas, roi de Hongrie. et ses auxiliaires, envahirent le territoire musulman, à l’instigation du parjure Karaman-Ogli. Le nouveau sultan n’était alors qu’un enfant, et tous les Ottomans eurent recours à Amurath, qui consentit à les guider encore aux combats. Il attaqua les chrétiens à Varna, et, dans la chaleur de l’action, il fit porter dans ses rangs, au bout d’une lance, le dernier traité conclu entre lui et les chrétiens, en s’écriant : « Que les infidèles marchent contre leur dieu et leurs serments ; et permets, juste Dieu, qu’ils se punissent eux-mêmes de leur perfidie ! » Tandis que la victoire était encore douteuse, le jeune roi de Hongrie, pénétra jusqu’au sultan, lui livra un combat singulier. Amurath perça son cheval le roi tomba, et périt sous les coup des janissaires. Sa tête, coupée, fut montrée, au bout d’une lance, à ses soldats, dont la plupart périrent ou furent faits prisonniers. Le cardinal Julien, qui avait obtenu du pape pour le roi de Hongrie, la dispense de son serment, fut une des victimes de cette juste vengeance. Après cette victoire, Amurath se dévoua de nouveau à une vie pieuse et retirée ; mais, en 1446, il fut rappelé au souverain pouvoir par une terrible sédition des janissaires, qui, sentant que les rênes de l’empire étaient tenues par de faibles mains, se révoltèrent pour la première fois, et dévastèrent Andrinople. À peine Amurath reparut-il, qu’il vit la milice à ses pieds ; il tourna aussitôt ses armes contre le célèbre Scanderbeg, priuce d’Épire, qui s’était révolté, le chassa de ce pays, et le poursuivit en Albanie. Il fit deux tentatives pour prendre Kroya, capitale de cette province ; mais il fut obligé d’abandonner son dessein, après avoir éprouvé des pertes considérables. Amurath, cependant, convertit tous les Épirotes au Coran, en les menaçant de la mort. Les Hongrois ayant fait une nouvelle invasion sur les bords du Danube, le sultan marcha contre eux, et les joignit à Cassovie, où Amurath Ieravait été victorieux. Il s’ensuivit plusieurs actions sanglantes, mais partielles, qui se terminèrent par la déroute des chrétiens, et Jean Huniade, dans sa retraite, fut fait prisonnier par le despote de Servie. Amurath revint à Andrinople, et ne songea plus à résigner le pouvoir ; car, après avoir marié son fils Mahomet à la fille du prince d’Elbistan, il lui donna le gouvernement de l’Asie Mineure. En 1451, il fut attaqué d’une maladie de cerveau, qui bientôt l’enleva dans la 47e année de son âge, après 29 ans de règne. Les Ottomans regardent Amurath II comme un de leurs plus illustres souverains ; ils louent ses vertus civiles et militaires, sa piété, et la munificence qu’il montra en faisant bâtir des mosquées, des caravanserais, des collèges et de« hôpitaux. Mais il participait trop au caractère des conquérants de sa nation, qui regardent la cruauté et la violence comme légitimes, lorsqu’il s’agit de la propagation de la foi. Cependant, on reconnaît que rarement il tira l’épée avant d’y avoir été provoqué, et qu’il observait les traités avec une fidélité inviolable. S-y.


AMURATH III, fils de Sélim II, monta sur le trône à trente et un ans, l’an de l’hégire 982 (1575). Le premier acte de sa puissance fut le meurtre de cinq de ses frères, dont le plus âgé n’avait pas huit ans. Cette barbarie, que la politique ottomane motive et n’excuse pas, dut faire craindre aux sujets d’Amurath un règne sanguinaire. Cependant, ces victimes furent les seules que ce sultan immola ; il ne fit tomber la tête d’aucun des grands vizirs qu’il disgracia, presque chaque année. Il recommença la guerre contre les Persans, dès l’an 1578 ; et cette longue calamité, également funeste aux deux peuples, affligea presque tout son règne. La paix fut enfin conclue, en 1590, et elle mit Amurath en possession de Tauris, et de trois provinces persannes. Du côté de l’Europe, ce sultan fit obtenir le trône de Pologne à Étienne Battori, vaivode de Transylvanie, son vassal, au préjudice de l’empereur Maximilien. En 1585, il demanda un tribut à Rodolphe, successeur de ce dernier prince, et, sur son refus, fit entrer en Hongrie le grand vizir Sians-Pacha, qui, en 1592, fit lever le siége de Grun à l’archiduc Mathias, et prit l’importante place de Raab, au nom du sultan. Cet exploit, auquel Amurath n’eut aucune part, ne l’a pas moins fait placer au rang des princes qui ont reculé les bornes de l’empire ottoman. Sous son règne, la Crimée se souleva ; mais l’orage fut bientôt dissipé. Les janissaires se révoltèrent, et cette sédition, que la faiblesse d’Amurath ne sut ni prévenir, ni arrêter, ni punir, coûta la tête au defterdar de l’empire, que son maître abandonna lâchement, et causa, dans Constantinople, le terrible incendie de 1581, qui consuma 15,00 maisons. Amurath III mourut l’an de l’hégire 1002 (1594) à l’âge de 50 ans, après en avoir régné 20. Il aima la guerre, mais ne parut jamais à la tête de ses armées. Timide, irrésolu, triste au milieu même des plaisirs, avare jusqu’à vendre les fleurs qui ornaient ses jardins ; dur avec ses ministres, il se montra toujours plus