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qu’il croyait être l’ancien Didatium. Les raisons dont il appuie ce sentiment adopté par tous les historiens d$olois (voy. Normand), mais combattu par ceux du reste de la province, mériteraient d’être examinées par les savants. W-s.


AMOUR (Guillaume de Saint-), fameux docteur de Sorbonne, et chanoine de Beauvais, naquit, au commencement du 13e siècle, dans le bourg de St-Amour en Franche-Comté. Le zèle souvent exagéré qu’il déploya en toute occasion contre les religieux mendiants, nouvellement institués, soit comme prédicateur, soit comme professeur de théologie, le fit choisir par l’université de Paris pour défendre ses intérêts contre les dominicains et les franciscains, auxquels elle disputait le droit d’ouvrir des chaires publiques de théologie et de philosophie. Ces religieux, outrés de l’animosité qu’il mettait ai les décrier, l’accusèrent d’avoir débité en chaire, dans ses leçons et dans des libelles, des choses peu honorables pour le pape Alexandre IV, et des propositions erronées contre l’esprit de mendicité dont ils faisaient profession ; mais il s’en justifia pleinement, et dans ses sermons, et dans ses défenses, présentées à Renaud de Corbeil, évêque de Paris, à qui St. Louis avait renvoyé la connaissance de cette affaire. Les plaintes se renouvelèrent plus fort que jamais en 1236, lorsque St-Amour publia son fameux livre des Périls des derniers temps, où, à travers beaucoup d’invectives contre ses adversaires, on trouve d’excellentes choses sur la subordination aux pasteurs, dont les nouveaux frères cherchaient partout à secouer le joug, à la faveur des bulles qu’ils obtenaient de Rome. L’université le mit alors à la tête d’une députation de sept de ses membres, chargés d’aller défendre à Anagni, ou résidait le pape, le livre des Périls, et demander la condamnation de l’Évangile éternel, attribué à un religieux mineur, qui y avait compilé les rêveries de l’abbé Joachim ; mais les religieux avaient prévenu la députation par l’envoi de leurs plus célèbres docteurs, Thomas d’Aquin, Albert le Grand, Bonaventure, et autres. Ils avaient obtenu la bulle Urbi et orbi, qui condamnait le livre des Périls, avec les qualifications les plus odieuses. Les collègues de St-Amour se laissèrent gagner et s’y soumirent ; lui seul resta ferme, et il se défendit avec tant de force, qu’il fut renvoyé absous ; mais à peine fut-il reparti, que le pape lui fit signifier la défense d’enseigner, de prêcher, et de rentrer en France. Alors il se retira dans son lieu natal, d’où il n’eut la liberté de revenir à Paris que sous le pontificat de Clément IV. C’est dans cette ville qu’il mourut, en 1632. St-Amour était savant, régulier dans sa conduite, mais d’une imagination exaltée, qui lui faisait souvent dépasser les bornes de la modération dans les choses qui contrariaient ses idées. Ses ouvrages ont été imprimés à Paris en 1632, 1 vol. in-4o ; ils ont tous pour objet de réfuter les prétentions des religieux mendiants, et renferment beaucoup de déclamations. T-d.


AMOUR (Louis Gorin de Saint-) Voyez Saint-Amour.


AMPÈRE (André-Marie), naquit à Lyon, sur la paroisse de St-Nizier, le 8 janvier 1775, de Jean-Jacques Ampère, négociant, et de Jeanne-Antoinette Sarcey de Sutières. Jean-Jacques Ampère était instruit et fort estimé. Sa femme avait, elle aussi, conquis l’affection générale, par une inaltérable douceur de caractère et une bienfaisance qui cherchait avec avidité les occasions de s’exercer. Peu de temps après la naissance de leur fils, M. et madame Ampère quittèrent le commerce et se retirèrent dans une petite propriété située à Poleymieux lez-Mont-d’or, près de Lyon. Ainsi, c’est dans un obscur village, sans les excitations d’aucun maître, que commencèrent à poindre, ou, pour mieux dire, que surgirent les trésors d’intelligence du futur membre de l’Institut. — La faculté qui, chez Ampère, se développa à première fut celle du calcul arithmétique. Avant de connaître les chiffres et de savoir les tracer, il faisait de longues opérations, à l’aide d’un nombre très-borné de petits cailloux ou de haricots. Peut-être était-il déjà sur la voie des ingénieuses méthodes des Indous ; peut-être disposait-il ses cailloux comme les grains enfilés sur plusieurs lignes parallèles que les brachmanes mathématiciens de Pondichéry, de Calcutta ou de Bénarès, manient avec tant de rapidité, de précision, de sûreté. Cette supposition perdra graduellement de sa hardiesse à mesure qu’on avancera dans la vie d’Ampère. Pour le moment, devons-nous montrer à quel point extraordinaire l’amour du calcul s’était emparé du jeune écolier ? Nous dirons que la tendresse maternelle l’ayant privé, pendant une grave maladie, de ses chers petits cailloux. il y suppléa avec les morceaux d’un biscuit qui lui avait été accordé après trois jours d’une dicte absolue. — le jeune Ampère sut bientôt lire, et dévora tous les livres qui lui tombaient sous la main. l’histoire, les voyages, la poésie, les romans, la philosophie l’intéressaient presque à un égal degré. S’il avait quelque prédilection, c’était pour Homère, Lucain, le Tasse, Fénelon, Corneille, Voltaire ; c’était enfin pour Thomas. qu’on sera peut-être étonné de trouver en si brillante compagnie, malgré l’incontestable talent dont cet écrivain a fait preuve dans plusieurs ouvrages. La principale lecture de l’écolier de Poleymieux fut l’Encyclopédie par ordre alphabétique, en 20 vol. in-fol. Chacun de ces volumes eut séparément son tour : le second après le premier, le troisième après le second, et ainsi de suite, sans jamais interrompre l’ordre arithmétique. La nature avait doué Ampère a un degré éminent de la faculté dont Platon n’a rien dit de trop en l’appelant une grande et puissante déesse. Aussi l’ouvrage colossal se grava-t-il tout entier et profondément dans l’esprit de l’adolescent ; aussi chacun a pu voir le membre de l’académie des sciences, déjà parvenu à un âge assez avancé, citer, avec une parfaite exactitude, jusqu’à de longues tirades de l’Encyclopédie, relatives au blason, à la fauconnerie, etc., des tirades qui, un demi-siècle auparavant, avaient passé sous ses yeux au milieu des rochers de Poleymieux. Ces mystères d’une prodigieuse mémoire doivent certainement