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et, mettant à la voile, il traversa le détroit, débarqua en Espagne, et s’établit d’abord à Cadix, capitale de la partie de l’Espagne alors au pouvoir de Carthage. Amilcar amenait avec lui son fils Annibal, âgé de neuf ans, et ce fut à son arrivée en Espagne qu’il lui fit jurer une haine éternelle aux Romains. Selon Appien et Polybe, Amilcar se proposait deux vues dans cette guerre : la première, de mettre Carthage en état de se venger des outrages qu’elle avait reçus ; et la seconde de, s’absenter de sa patrie, qui était alors divisée par deux partis puissants, dont l’un avait pour chef, dans le sénat, Hannon, son ennemi, et dont l’autre, qui avait épousé ses intérêts, s’appelait la faction Barcine. Amilcar commanda neuf ans en Espagne, subjugua plusieurs nations, fonda Barcelone, et soutint son crédit à Carthage, non-seulement par les heureux succès de ses armes, mais encore par les grandes richesses qu’il y fit passer. L’histoire ne nous a pas conservé le détail de ses conquêtes dans cette contrée ; elle ne fait mention que de la bataille qu’il livra aux Vectonnes, peuples de Lusitanie, et dans laquelle il fut tué, l’an 228 avant J.-C. Polybe dit qu’Amilcar eut une fin digne de son mérite, en mourant sur le champ de bataille, à la tête de ses troupes. L’armée élut à sa place son gendre Asdrubal. B-p.


AMIN-BEN-HAROUN, 6e calife des abbassides. Voyez Amyn.


AMIOT (le Père), jésuite français, de la mission de Pékin, né à Toulon, en 1718. Les trente dernières années du siècle qui vient de s’écouler ont été celles où nos connaissances sur la Chine ont fait le plus de progrès. Les missionnaires, dans cet intervalle de temps, se sont empressés de répondre à une foule de questions qui leur ont été adressées d’Europe. Parmi eux, se distingua le P. Amiot, et c’est à lui surtout que nous devons les renseignements les plus exacts et les plus étendus sur les antiquités, l’histoire, la langue et les arts des Chinois. Ce jésuite arriva à Macao en 1750, et à Pékin, où il fut bientôt appelé par les ordres de l’empereur, le 22 août 1751 : il ne quitta plus cette capitale jusqu’à sa mort ; et outre le zèle qui l’avait conduit à la Chine, il y porta des connaissances sur toutes les parties de la physique et des mathématiques, des talents pour la musique, un esprit juste, une mémoire heureuse, et une infatigable ardeur pour le travail. Une étude opiniâtre lui rendit bientôt familières les langues chinoises et tatare, et, muni de cette double clef, il puisa dans les livres anciens et modernes des notions saines et vraies de l’histoire, des sciences, et de toute la littérature de la Chine. Les fruits de tant d’études et de travaux ont été recueillis par la France, où le P. Amiot n’a pas cessé de faire passer, soit par des ouvrages, soit un grand nombre de mémoires. Nous lui devons : 1o Éloge de la ville de Moukden, poëme chinois composé par l’empereur Kien-long, traduit en français, Paris, veuve Tilliard, 1770, in-8o, fig. ; le traducteur a joint à sa version un grand nombre de notes historiques et géographiques sur la ville et la contrée de Moukden, ancienne patrie des Tatars-Mantchoux, aujourd’hui maîtres de la Chine. 2o Art militaire des Chinois, Paris, Didot, 1772, in-4o, fig. Comme l’édition de cet ouvrage était épuisés depuis longtemps, on l’a fait réimprimer dans le tome 7 des Mémoires sur les Chinois, et l’on trouve, dans le tome 8 de ces mêmes Mémoires, un supplément avec figures, envoyé postérieurement de la Chine par le P. Amiot. Les Chinois comptes six ouvrages classiques ou king sur l’art de la guerre, et tout militaire qui aspire aux grades doit subir un examen sur chacun de ces livres. Le P. Amiot n’a traduit que les trois premiers, avec quelques fragments du quatrième, parce qu’ils contiennent toute la doctrine des Chinois sur la guerre. 3o Lettre sur les Caractères chinois, adressé à la société royale de Londres, et insérée dans le tome 1er des Mémoires sur les Chinois. Le célèbre Needham crut trouver, sur un buste d’Isis conserve à Turin dans le cabinet du roi, des caractères égyptiens, qu’il disait être très-ressemblants à ceux des Chinois. Cette découverte prétendue fut publiée dans toute l’Europe et divisa les savants. La société royale de Londres prit le parti d’envoyer les mémoires de Needham aux jésuites de la Chine, en les priant de juger la question. Ceux-ci confièrent au P. Amiot le soin de rédiger la réponse, et ce savant missionnaire décida que les caractères gravés sur l’Isis de Turin n’avaient aucun trait de ressemblance avec ceux de la Chine. Cette lettre, qui est une analyse savante de la langue et des caractères chinois, obtint tous les suffrages, même celui de Needham. 4o De la Musique des Chinois, tant anciens que modernes, ouvrage considérable, qui occupe la plus grande partie du tome 6 des Mémoires. Feu M. l’abbé Roussier, si connu par sa profondes connaissances en musique, a non-seulement suivi l’impression de cet écrit, mais il en a vérifié les calculs, et y a joint des notes et des observations étendues. 5o Vie de Confucius, histoire la plus exacte de ce célèbre philosophe, et dont tous les matériaux ont été puisés dans les sources chinoises les plus authentiques. L’auteur y a joint la longue suite des ancêtres de Confucius, et celle de ses descendants qui subsistent encore à la Chine ; généalogie unique dans le monde. puisqu’elle embrasse plus de quarante siècles. Cette vie, ornée de figures gravées d’après les dessins chinois, occupe presque la totalité du tome 12 des Mémoires sur les Chinois. 6o Dictionnaire tatar-mantchou-français, Paris, Didot aîné, 1789, 5 vol. in-4o ; ouvrage précieux et qui manquait l’Europe, où cette langue était totalement ignorés. On doit la publication de ce dictionnaire au ministre Bertin, amateur zélé des arts et des sciences de la Chine. Il fit graver les poinçons, fondre à ses frais les caractères nécessaires pour l’impression, et, par un choix éclairé que le succès a pleinement justifié, il en confia l’édition à M. Langlès, savant distingué, et connu surtout par une profonde connaissance des langues orientales. La P. Amiot avait aussi envoyé une grammaire abrégée de la langue tatare-mantchou ; en la trouve imprimée dans le tome 13 des Mémoires. Les ouvrages dont nous venons de parler ne sont encore qu’une partie des intéressants