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lui fit faire de magnifiques obsèques, où il récita lui-même les prières funéraires ; mais il ne laissa pas de s’emparer de l’immense fortune que ce ministre avait amassée pendant les vingt-huit ans qu’il avait été à la tête des affaires. On assure qu’il fallut quarante jours et quarante nuits pour transporter les effets et trésors de toute espèce qui avaient appartenu à Afdal, de ses palais dans ceux du calife. Ainsi périt Afdal, l’au 515 (1121), à l’âge de 53 ans. Trois ans après, la ville de Tyr fut perdue pour l’Égypte. La garnison qui la défendait la rendit par capitulation aux chrétiens qui l’assiégeaient depuis cinq mois. Le calife Amer mourut l’an 521, de la même manière que son vizir. Dix Bathéniens apostés par les grands de la cour, parents ou amis d’Afdal, l’assassinèrent à Djizeh, au retour de la promenade. Il était âgé de 34 ans, et en avait régné 29 et demi. Amer ne fut ni plaint ni regretté de ses sujets. il était savant, il écrivait bien ; mais ces qualités, stériles et souvent dangereuses dans un despote, ne peuvent faire oublier la cruauté, la dissimulation, les débauches, l’orgueil et surtout l’ingratitude qu’on lui reproche. Plusieurs monuments illustrèrent son règne ; mais ils furent ordonnés, dirigés et payés en grande partie par le célèbre vizir Afdal. Tels sont un palais sur le mont Mocatta, une mosquée à Djizeh, une autre à Alexandrie, le bazar Mirdjousch au Caire, le canal qui porte le nom d’Aboul Mounedjah qui en fut l’entrepreneur. Amer ne laissant point d’enfants, mais seulement une de ses femmes enceinte, son cousin fut élu régent ; mais la veuve d’Amer étant accouchée d’une fille, il fut inauguré calife sous le nom d’Hafedh Ledin-Allahi. A-t.


AMERGIN, ou AMERGINIUS, archi-druide des anciens Scots-Irlandais, et l’un des chefs de la colonie scytho-silésienne, qui, selon les annales de ces peuples, vinrent, plusieurs siècles avant J.-C., fonder en Hibernie et la monarchie suprême, et les dynasties subordonnées que les Anglais y trouvèrent encore existantes dans les mêmes races. lors de leur première invasion en Irlande, l’an 1170. Amergin avait un grand nombre de frères, fils, ainsi que lui, d’un prince établi dans le nord de l’Espagne, nommé d’abord Gallamh, mais surnommé emphatiquement Milragh-Easpain, ou le Champion d’Espagne, surnom qui a fait oublier le nom primitif, parce qu’après les bardes, les historiens l’ont employé couramment, et que, selon les divers idiomes, on a écrit et dit : Mileagh, Miles, Milesius, Milesieus. Quoique prêtre, Amergin combattit aussi ardemment que ses frères, pour soumettre l’ile qu’ils étaient venus conquérir. C’était même pour lui un devoir, énoncé avec précision parmi les préceptes de sa doctrine.

Aria præpositas ait doctior, aptior armis,

a dit le savant O’Flaherty, en rendant par un vers latin les deux vers hiberno-celtiques qui avaient anciennement consacré cette maxime :

En science, en valeur, ministres des autels,
Songez à surpasser le reste des mortels.

Après la victoire acquise au prix du sang le plus précieux, Héber, Hérémon et Amregin, survivant aux autres fils de Mileagh, s’0œupèrent de fonder leur établissement politique. Les deux premiers prirent le titre de roi, en se partageant l’île, sur laquelle Herémon ne devait pas tarder à régner seul. Le troisième ne voulut d’autre caractère que celui de druide suprême ; Les bardes ont dit de lui, dans leurs vers : « La nature l’avait fait poëte et philosophe ; la loi le fit pontife et historien : il fléchissait devant les autels des genoux plus blancs que la neige. » C’est en répétant ces bardes et leurs successeurs immédiats, qu’O’Flaherty dans son Ogygia, sir James Ware et Harris dans leurs Antiquités, O’Connor dans ses dissertations, 0’Halloran dans son histoire, ont appelé Amergin le premier auteur au’ait eu l’Irlande.

Primus Amerginus genu-candidus author lernæ,
Vates, historicus lege, poëta, sophus.


Dans une tragédie inédite, dont le sujet est la restauration de la monarchie irlandaise, interrompue par une conspiration plébéienne au 1er siècle de notre ère, et dont la scène est à Cruacan, autrement la Montagne de l’Aigle, chef-lieu des druides en Irlande, un de ces druides, expliquant a un étranger dans quel séjour il a porte ses pas, lui dit :

Ici, tandis qu’Héber et l’heureux Herémon
De vingt peuples divers formaient la nation,
Leur frère Amerginus, héros, sage et druide,
De nos rites sacrés devint le premier guide,
Et, dédaignant le trône. aima mieux enseigner
Aux uns à se soumettre, aux autres à régner.


(Voy. les articles Mileagh, Hérémon.) L-T-l.


AMERIC VESPUCE (Amerigo Vespucci), né à Florence. le 9 mars 1451, d’une famille distinguée, fut élevé par son oncle George-Antoine Vespuce, qui présidait à l’instruction de la noblesse florentine, et jouissait d’une grande réputation de savoir. Le jeune Améric fit de grands progrès dans la physique, l’astronomie et la cosmographie : telle était alors l’éducation des nobles de Florence, qui, pour la plupart, se destinaient au commerce, et devaient être versés dans toutes les sciences qui ont quelque rapport avec la navigation. Comme le commerce avait contribué à la prospérité de la république, il devait se trouver dans chaque famille un citoyen qui servit sa patrie en suivant cette carrière. Améric fut choisi, dans la famille des Vespuce, pour marcher sur les traces de ses ancêtres. Il partit de Florence en 1490, et se rendit en Espagne pour y faire le commerce. Il se trouvait à Séville en 1493, lorsque Christophe Colomb se préparait à entreprendre un nouveau voyage, et que la passion des découvertes commençait à enflammer la plupart des navigateurs. Les succès de Colomb réveillèrent l’émulation d’Améric, qui résolut d’abandonner les intérêts de son commerce, pour aller reconnaître un monde dont l’Europe venait d’apprendre l’existence. Le 10 mai 1497, il commença son premier voyage, et partit de Cadix avec cinq vaisseaux, sous les ordres d’Ojéda. Cette petite flotte se dirigea vers les iles Fortunées,