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de la patrie et de ses lois. Sire, Votre Majesté se rappellera, dans les intérêts de la France, et du trône, que la paix qui termina la guerre civile de la minorité de Louis XIV tint à l’entier et oubli du passé, et que du parti de la Fronde sortirent les Turenne, Condé, et des personnages qui illustrèrent le règne de ce grand roi. Je porte au pied du trône de Votre Majesté les assurances du plus respectueux dévouement. » Ces assurances ne furent point accueillies ; et le général Ameil, compris dans l’ordonnance du 24 juillet, dut être arrêté et traduit devant un conseil de guerre ; mais il réussit à s’échapper, et, traversant les armées de la coalition, parvint en Angleterre, après avoir été dépouillé par les troupes bavaroises de tout ce qu’il possédait. Il se rendit ensuite dans l’électorat de Hanovre, et fut mis en prison à Hildesheim, malgré les réclamations qu’il adressa au gouvernement anglais. Placé dans l’alternative de rester prisonnier, ou d’être livré à la France pour y subir un jugement, cet infortune général tomba dans un état complet d’aliénation mentale. Il fut néanmoins jugé par contumace à Paris, et condamné à mort le 15 novembre 1816. Sa maladie ne fit que s’aggraver, et il y succomba le 16 septembre 1822. M-d j.


AMEILHON (Hubert-Pascal), de l’académie des belles-lettres et bibliothécaire à Paris pendant plus d’un demi-siècle (de la ville, trente-huit ans, de l’Arsenal, quatorze), naquit à Paris le 5 août 1730, et mourut dans la même ville le 23 novembre 1811. La longue carrière qu’il a parcourue a été remplie par d’immenses travaux, en général utiles ; mais plusieurs sont anonymes, et les autres s’attachent à des sujets qui font des noms plus connus que célèbres. Il avait pris, dès sa jeunesse, l’habit ecclésiastique : c’était plutôt une position qu’un état qu’on se donnait ; le manteau court introduisait dans le monde et dispensait de tout autre titre pour y être reçu. Ameilhon se fit bientôt connaître par divers ouvrages, surtout par son Histoire du commerce et de la navigation des Égyptiens. Il était depuis longtemps collaborateur du journal de Verdun, qui avait pour premier titre, un peu ambitieux, celui de Clef du cabinet des Souverains, lorsqu’il prit, en 1770, la rédaction entière de cette feuille qu’il continua jusqu’en 1776, époque où elle cessa de paraitre[1]. Il fonda, avec Roubaud, en 1779, le Journal d’Agriculture, Commerce, Arts et Finances, et concourut activement à la rédaction de ce recueil périodique jusqu’aux derniers temps de son existence (1783). Il fut un des principaux rédacteurs du Journal des Savants, depuis 1790 jusqu’à la fin de 1792. Il était entré à l’académie des belles-lettres en 1766, après avoir remporté trois prix proposés par cette compagnie. Il était membre de la société royale d’agriculture, continuait l’Histoire du Bas-Empire, et poursuivait des recherches savantes sur les arts mécaniques des anciens, lorsque la révolution vint changer la direction de ses travaux. Ameilhon fût nommé député suppléants l’hôtel de ville par le district de St-Louis-la-Culture, et c’est un des titres qu’il prend dans la lettre suivante qu’il écrivit, le 22 août 1789, au président de l’assemblée nationale : « S’il est un dépôt où ceux qui écrivent l’histoire des grandes révolutions qui s’opèrent dans cette capitale doivent trouver tous les matériaux et renseignements nécessaires pour remplir cette glorieuse tâche, c’est sans doute la bibliothèque de la ville, au service de laquelle j’ai l’honneur d’être attaché depuis sa fondation[2]. En conséquence, messieurs, j’ose vous prier de me faire adresser, pour être déposé dans cette bibliothèque, qui est celle de la commune, et pour y être conservé à la postérité, un exemplaire de toutes les pièces imprimées qui sont émanées ou émaneront de la sagesse de votre illustre assemblée. » Ameilhon eut le malheur d’entrer, avec un abandon déplorable, dans l’esprit révolutionnaire de 1795. Il était membre de la commission dite des monuments, et commissaire à l’examen des titres de la noblesse. La convention avait décrété, le 4 juillet 1795, qu’avant la fin de ce mois la municipalité de Paris aurait à faire effacer ou changer « tous les objets sculptés ou peints sur les monuments publics, soit civils, soit religieux, qui présentaient des attributs de royauté ou des éloges prodigués à des rois. » Ce même décret ordonnait la formation d’une commission exécutive dont Ameilhon fut un des membres les plus actifs. Un autre décret, du 1er août, était énergiquement concis dans cet article unique : « Dans huitaine, à dater de la publication du présent décret, toutes les maisons, édifices, parcs, jardins, enclos, qui porteraient des armoiries, seront confisqués au profit de la nation. » Un troisième décret, du 14 septembre, ordonnait « la suppression des armoiries et signes de la royauté dans les églises et tous autres monuments publics dans le courant du mois. » Un quatrième décret, du 3 brumaire an 2, ordonnait (art. 5) « à tous les propriétaires de meubles ou ustensiles d’un usage journalier, d’en faire disparaître tous les signes proscrits, sous peine de confiscation. » L’art. 9 prescrivait « d’examiner les médailles des rois de France, déposées dans la bibliothèque nationale et dans les autres dépôts publics de Paris, afin de séparer et conserver celles qui intéressent les arts et l’histoire, et livrer toutes autres au creuset. » Telle était la législation sauvage de cette terrible époque. Voici quelques uns des actes d’Ameilhon en sa qualité de commissaire à l’examen des titres de la noblesse[3]. Il écrivait, le 24 janvier 1793, au procureur général syndic du département de Paris : « Je suis chargé de vous prévenir que les commissaires nommés pour l’examen des titres du cabinet des ordres du ci-devant roi, déposés à la bibliothèque

  1. Ce journal, établit par Claude Jordan, en 1704, forme 120 volumes in-8o. Dreux du Radier en a donné une bonne table qui ne s’étend que jusqu’à 1756 inclusivement ; 9 vol. in-8o
  2. Cette bibliothèque était alors placée rue des Prêtres St-Paul, maison de St. Louis.
  3. Les pièces citées sont autographes et signées : elles font partie de la collection historique de l’auteur de cet article.