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reçu des mains du pape Libère le voile des vierges. Ambroise quitta Rome lorsque ses études furent terminées, et vint à Milan, avec son frère Satyrus. Ils suivirent l’un et l’autre la carrière du barreau. Ambroise s’y montra avec tant de réputation, que Petronins Probus, préfet d’Italie et d’Illyrie, le mit au nombre de ses assesseurs, et l’établit, peu de temps après, gouverneur des provinces consulaires de la Ligurie et de l’Émilie, qui comprenaient tout le pays qui s’étend depuis les Alpes jusqu’à la Méditerranée, la Toscane, l’Adige et l’Adriatique. Lorsque l’empereur Valentinien eut confirmé ce choix, et qu’il y eut ajouté la dignité du consulat, le préfet Probus dit à Ambroise, comme il partait pour son gouvernement : « Allez, et agissez, non en juge, mais en évêque. » Le vertueux Probus avait vu avec peine la sévérité dont usaient la plupart des gouverneurs, à l’exemple de Valentinien. Ambroise retint cette belle leçon, qui convenait si bien à son caractère. Sa douceur et sa sagesse lui gagnèrent l’estime et l’attachement des peuples, dans un temps ou l’Italie et le pays de Milan surtout étaient déchires par les troubles et les faveurs de l’arianisme. Auxence, que les ariens avaient placé sur le siége de Milan, après en avoir éloigné St. Denis, venait de mourir. Les évêques de la province s’étaient assemblés, et délibéraient sur le choix d’un successeur. Les catholiques et les ariens demandaient, les uns et les autres, un évêque de leur croyance ; une sédition violente s’était élevée ; on était sur le point d’en venir aux mains, lorsque Ambroise se rendit à l’église pour faire cesser le tumulte ; son éloquence émut tous les cœurs. On dit qu’un enfant s’étant écrié : Ambroise évêque ! un cri unanime se fit entendre, et que tous, ariens et catholiques, le demandèrent pour pasteur. Ambroise, étonné et interdit, sort de l’église, et ne songe qu’aux moyens d’éloigner le fardeau redoutable qu’on veut lui imposer ; contre sa coutume, il fait donner la question à quelques accusés, espérant qu’on le taxera de cruauté et de barbarie ; il mène une vie retirée ; mais le peuple continue de l’appeler à grands cris ; il pousse l’indiscrétion de son zèle jusqu’à faire venir chez lui des femmes publiques, et cependant on demeure toujours convaincu et de la pureté de ses mœurs et, de la sublimité de sa vocation. Il s’enfuit pendant la nuit, et croit prendre le chemin de Pavie : mais, le lendemain, il se trouve aux portes de Milan. Il va chercher un asile dans la terre de l’illustre Léonce, son ami, et Léonce le découvre lui-même. Enfin, on l’arrête par ordre de l’empereur, qui était ravi qu’on trouvât dans celui qu’il avait nommé gouverneur toutes les qualité d’un évêque. Valentinien envoya l’ordre au vicaire d’Italie de faire ordonner Ambroise, qui fut baptisé ; car il n’était encore que catéchumène, et reçut la consécration des évêques, huit jours après son baptême. C’est cette ordination que les Grecs et les Latins célèbrent encore aujourd’hui le 7 décembre. Ambroise, élevé à l’épiscopat d’une manière aussi extraordinaire, ne tarda pas à répandre au loin l’éclat des plus sublimes vertus. St. Basile, du fond de l’Orient, s’estimait heureux de correspondre avec lui, et les deux jeunes empereurs Gratien et Valentinien, qui avaient succède à Valentinien Ier, le regardaient leur père ; Justine elle-même, malgré son attachement à l’arianisme, révérait Ambroise, et eut soulent recours à lui dans des conjonctures difficiles. On vit venir de différentes villes d’Italie, et même de la Mauritanie, une foule de vierges qui demandaient à recevoir le voile de sa main, et ce fut à cette occasion.qu’il composa ses trois livres des Vierges, et son traité de la Virginité. Les Goths, vainqueurs de Valens, qui avait péri malheureusement, ravageaient la Thrace et l’Illyrie, et poussaient leurs courses jusqu’aux Alpes. Ambroise prodigua des secours aux peuples qui fuyaient les contrées ravagées par les barbares, et vendit jusqu’aux vases sacres pour racheter les captifs. Le jeune Gratien, qui était, par ses vertus, l’espoir de l’empire et de l’Église, fut cruellement massacré à Lyon, le 25 août 383, abandonne de ses gens, qui se rangèrent du pari du tyran Maxime, et celui-ci, à la tête de forces redoutables, menaçait à la fois l’Italie, le jeune Valentinien, frère de Gratien et justine leur mère. Justine eut recours à Ambroise. Le saint évêque part aussitôt pour Trèves, ou résidait Maxime, et, sans vouloir communiquer avec lui dans les choses spirituelles, parce qu’il était coupable du meurtre de Gratien, il conclut, après une année de séjour, un traité qui assurait la paix à l’Italie. Justine, méconnaissant les services dont elle était redevable à St. Ambroise, profita de cette paix pour lui susciter mille traverses, en exigeant de lui qu’il permit aux ariens d’avoir une église à Milan. Il eut à lutter pendant plusieurs années contre l’audace et les intrigues des sectaires, contre les menaces et les persécutions de tout genre ; mais le ciel, qui se montra toujours favorable aux pieux desseins de cet intrépide défenseur de la loi. lui accorda enfin un triomphe que promettait sa fermeté, et que faisaient désirer ses vertus. Ambroise ne fut plus inquiété au sujet de l’arianisme. Ce fut à cette occasion qu’il composa dit-on, ce beau cantique d’actions de grâces, ce Te Deum, que toutes les sectes chrétiennes ont retenu ; mais une sage critique nous porte à croire que cet hymne, si justement admiré, est d’un auteur plus récent, dont le nom ne nous a point été conservé. Ambroise profita du repos dont il jouissait pour travailler à plusieurs ouvrages utiles. Il eut la consolation de donner alors le baptême à Augustin, qui fut admis au sacrement des chrétiens, avec son fils, le jeune Adeodat, et son ami Alypius. Cependant Maxime menaça encore une fois l’Italie. et Ambroise, député vers lui par l’impératrice Justine, ne put, pour cette fois, garantir cette contrée. Maxime passa les Alpes. Théodose, successeur de Valens, après plusieurs avantages remportés sur Maxime, qui fut tué 388 rétablit Valentinien dans ses États, et dans ceux que Gratien avait occupés. Il vint à Milan, et fut reçu, par le peuple et par l’évêque, comme un libérateur Deux ans s’étaient à peine écoulés depuis ces heureux événements, que le cœur du saint évêque fut déchiré par la nouvelle du massacre de Thessalonique, ordonné par Théodose. (Voy. ce nom.) Ambroise, qui avait obtenu autrefois la grâce des habitants de cette