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gouverner le royaume à Anne de Beaujeu, sa fille aînée, le duc d’Orléans, premier prince du sang, humilié d’un choix qui l’excluait des affaires, forma un parti, prit les armes, et fut vaincu et enfermé. D’Amboise, qui s’était déclaré pour lui, partagea son sort. Lorsque Charles VIII commença à régner par lui-même, il rendit la liberté au duc d’Orléans, qui acquit bientôt un grand crédit ; d’Amboise suivit la nouvelle fortune du duc, et obtint l’archevêché de Narbonne, qu’il échangea, en 1493, pour celui de Rouen, afin de se rapprocher de la cour. Le ministère de ce prélat pourrait dater de cette époque, puisque le duc d’Orléans, qui était gouverneur général de la Normandie, lui confia toute l’autorité, et que les heureuses réformes qu’il fit dans cette province annoncèrent celles qu’il devait bientôt opérer pour le bonheur du royaume. Charles VIII étant mort en l’année 1498, sans laisser de fils, le duc d’Orléans monta sur le trône, sous le nom de Louis XII, et le pouvoir que d’Amboise exerçait sur la Normandie s’étendit sur la France entière. Le crédit qu’il avait sur l’esprit du roi fut d’abord partagé par le maréchal de Gié ; mais la reine et madame d’Angoulême l’ayant fait disgracier, d’Amboise devint premier ministre, et conserva ce titre et l’amitié du monarque jusqu’à sa mort. On trouverait difficilement, dans l’histoire, un second exemple d’une faveur aussi longtemps conservée : mais il y avait tant de rapports entre le caractère du prince et celui du ministre, qu’il serait difficile de dire lequel des deux avait sur l’autre le plus d’influence. Aimant tous deux sincèrement le peuple, également économes, jaloux d’obtenir de la gloire. l’ambition de Louis XII fut toujours subordonnée à l’honneur ; celle du cardinal d’Amboise. toujours excitée par l’espérance de faire plus de bien. Les historiens qui lui ont reproché d’avoir montré peu de capacité pour les affaires d’État ont oublié que la conquête d’ItaIie était alors la prétention générale des puissances de l’Europe, et qu’il n’était pas au pouvoir du cardinal, quand bien même il en aurait eu la volonté, de retenir Louis XII, qui réclamait à juste titre, le duché de Milan, et d’arrêter la fougue de la noblesse française, qui ne voyait qu’en Italie un théâtre digne de ses exploits. Pour juger les grands hommes, il ne faut pas les séparer de l’esprit de leur temps ; d’ailleurs, il est probable que Louis XII, entouré d’illustres guerriers, consultait peu d’Amboise sur les opérations militaires. Il lui abandonnait l’administration du royaume, et il est remarquable que, malgré tant de campagnes, dont le commencement fut toujours brillant et la fin désastreuse, la France ne cessa pas de jouir du plus grand repos, et que les impôts, diminués à l’avènement de Louis XII, ne furent jamais augmentés pendant son règne : c’est en cela que consiste réellement la gloire du ministre. Il fit de grandes réformes dans la législation pour abréger les procès et prévenir la corruption des juges ; il mit de l’ordre dans les finances, et donna un grand exemple de modération, en se contentant de l’archevêché de Rouen, dont il employait en grande partie les revenus au soulagement des pauvres et à l’entretien des églises. On peut croire qu’un homme qui ne se démentit pas un instant dans la plus haute prospérité ne souhaitait, en effet, d’être pape, que pour travailler à améliorer les mœurs de la chrétienté ; mais il fallait, pour parvenir au saint-siége, moins de bonhomie que n’en avait le cardinal d’Amboise. Il consentit à retirer les troupes françaises de Rome, pour ne pas paraitre gêner les suffrages, et le cardinal Julien de la Rovère, qui lui donna ce conseil, se fit élire à sa place, sous le nom de Jules II. Le cardinal d’Amboise avait été nommé légat du pape en France ; et c’est une chose vraiment extraordinaire que le même homme ait réuni les fonctions de premier ministre et de légat, sans que la France et la cour de Rome aient jamais eu à lui faire le moindre reproche. Il mourut à Lyon, le 25 mai 1510, dans le couvent des célestins, à l’âge de 50 ans. Son corps fut transporté a Rouen, où l’on voit encore le mausolée qui lui fut élevé dans la cathédrale On dit qu’il répétait souvent au frère infirmier qui le servait dans sa maladie : « Frère Jean, que n’ai-je été toute ma vie frère Jean ! » Il ne faut, au reste, rien conclure de ces paroles contre la mémoire de ce ministre. À l’article de la mort, les grandeurs sont jugées plus sévèrement par les hommes modérés que par les ambitieux. Le cardinal d’Amboise a été adoré des Français, qui l’appelaient le Père du peuple, titre qu’ils donnaient également à Louis XII. On peut aujourd’hui condamner la politique de ce ministre, surtout à l’égard du traité de Blois, conclu en 1504, et qu’il ne signa peut-être qu’avec la conviction que les états du royaume s’opposeraient à ce qu’il fût exécuté ; mais que peut-on opposer à la reconnaissance de ses contemporains, et aux larmes d’un roi dont il fut vingt-sept ans l’ami, surtout quand ce roi est compté par la postérité au nombre des meilleurs qui aient gouverne la France ? — Le cardinal d’Amboise eut deux frères aînés, également recommandables par leurs talents et par leurs vertus ; le premier était Charles d’Amboise, sieur de Chaumont (voy. ce nom) ; le second était Aimery d’Amboise, grand maître de Rhodes en 1503, célèbre par la victoire navale qu’il remporta en 1510, près de Monténégro, sur le soudan d’Égypte, et à laquelle il ne survécut que deux ans. C’était un prince sage, habile dans le gouvernement, et heureux dans toutes ses entreprises. F-e.


AMBOISE (François d’), fils de Jean d’Amboise, qui fut chirurgien des rois François Ier, Henri II, François II, Charles IX et Henri III, naquit à Paris en 1550. Charles IX fit élever à ses frais le jeune d’Amboise, qui, après avoir terminé ses études dans les belles-lettres, et les avoir même professées, les abandonna pour se livrer au barreau, où il se fit, comme avocat, une grande réputation. Henri III, appelé au trône de Pologne, le choisit pour l’accompagner dans ses nouveaux États, et, à la demande de ce prince, d’Amboise en fit la description. De retour en France, il occupa successivement différentes places dans la haute magistrature : il fut nommé conseiller d’État en 1601, et mourut en 1620. Les