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ABB

acquit promptement une si haute considération, que, deux ans après, en 1848, il fut nomme lord chef de justice à la cour du banc du roi. Il déploya dans ces fonctions des talents bien supérieurs a ceux qu’il avait montrés comme avocat. Peu de juges ont autant et aussi bien jugé, et l’on peut lui appliquer en toute justice ce que lui-même a dit de lord Ellemborough : « Il faut moins s’étonner qu’il ait eu quelquefois tort, qu’admirer combien de fois il eut raison. » Charles Abbot ne fit jamais partie de la chambre des communes : c’est le 30 avril 1827, qu’il fut nommé pair, avec le titre de baron de Tenterden. On lui doit l’introduction dans la chambre des lords de plusieurs bills importants. Quoiqu’il n’eût pas de prétention a ce qu’on nomme l’éloquence parlementaire ses discours furent écoutés avec beaucoup d’attention, et firent toujours une grande impression. Abbot avait publié, en 1802, un traité sur les lois relatives à la marine marchande. Cet ouvrage important a eu cinq éditions. Son zèle dans l’exercice de ses fonctions était tel que, quoique fort malade, il voulut encore présider la cour, notamment dans l’affaire des magistrats de Bristol ; mais le second jour il se trouva excessivement fatigué, et fut obligé de rentrer chez lui. Il mourut peu de jours après, le 4 novembre 1832. Au dernier moment, on le vit remuer sa main comme pour récrire ; il prononça ces paroles d’une voix ferme : « Messieurs les jurés, vous pouvez vous retirer ; » et il expira. Z.


ABBT (Thomas), naquit le 25 novembre 1738, à Ulm, où son père s’était retiré après avoir exercé le métier de perruquier. Son goût pour l’instruction commença à se développer dans sa ville natale ; et ce fut là qu’il fit paraitre, en 1754, sa première dissertation de Historia vitæ magistra. Il y soutint encore deux thèses, l’une sur les miroirs ardents, l’autre sur la rétrocession miraculeuse de l’ombre d’Achaz[1]. En 1750, il alla à l’université de Halle, où il fut distingué par le professeur Baumgarten, qui lui donna un logement dans sa maison. Abbt publia une thèse de Extasi ; il dirigea ses études vers la philosophie et les mathématiques, et dès 1758, où il reçut le grade de maître ès arts, il en fit son occupation principale, abandonnant la théologie, à laquelle il s’était d’abord destiné. En 1760, il fut nommé professeur extraordinaire de philosophie à l’université de Francfort-sur-l’Oder. Ce fut là qu’au milieu du tumulte de la guerre, il parvint à faire sortir ses concitoyens de leur découragement, en composant son ouvrage intitulé : de la Mort pour la patrie. L’année suivante, il passa six mois à Berlin, et alla occuper la chaire de professeur de mathématiques à l’université de Rinteln en Westphalie ; mais dégouté bientôt de la vie académique, il étudia le droit, afin de pouvoir occuper un emploi civil. En 1765, il voyagea dans l’Allemagne méridionale, la Suisse et une partie de la France ; il revint à Rinteln, et y publia, l’année suivante, l’ouvrage qui a le plus contribué a sa réputation : du Mérite. Ce livre, réimprimé trois fois dans la même ville, 1767, 1772, 1709, est rempli de sentiments élevés, d’observations fines ; on y trouve une bonne philosophie pratique ; il est très-différent du Traité du vrai mérite, de Lemaître de Claville, ouvrage médiocre et superficiel qu’Abbt ne connaissait pes. Celui d’Abbt a été traduit en français par Dubois, ancien préfet du Gard. Cette traduction porta le titre de Berlin, 1780, in-8o ; elle est peu estimée. Cet écrit valut a Abbt, en 1765, la place de conseiller de la cour, de la régence et du consistoire à Buchebourg, auprès du comte régnant de Schaumbourg-Lippe, qui l’honora d’une amitié particulière, dont il jouit peu de temps, car il mourut le 27 novembre 1766, âgé seulement de 28 ans. Le respectable prince fit enterrer son ami avec beaucoup de pompe dans sa propre chapelle, et plaça sur sa tombe une inscription touchante qu’il avait composée lui-même. Il était généralement aimé et estimé ; on trouve dans ses productions tant de pénétration, d’imagination et d’esprit, qu’il est aisé de juger que, s’il avait vécu plus longtemps, il serait devenu un des meilleurs écrivains de l’Allemagne. Quoiqu’il ait été enlevé très jeune aux sciences, il est un de ceux qui ont le plus contribué à faire renaître le goût de la langue allemande, alors tellement tombé, qu’avant lui, les Allemands, découragés par la désastreuse guerre de trente ans, n’écrivaient plus guère qu’en français et en latin. Il a composé, outre ces deux écrits, un assez grand nombre d’ouvrages en allemand ou en latin ; les premiers écrits sur des matières théologiques ; et d’abord cette question : Si Moïse a été inhumé par Dieu, Halle, 1757, in-4o ; il y soutient, contre l’opinion de plusieurs théologiens, que Moïse a été enterré par les hommes. Il publia ensuite une thèse pour prouver que la confusion des langues n’a pas été une peine infligée au genre humain, Halle, 1758, in-4o ; une autre sur la recherche de la vérité, Halle, 1759, in-4o. Lorsqu’il se livra plus spécialement à la philosophie, il publia une thèse sur la véritable manière d’étudier cette science, Halle, 1760, in-4o. Son Traité de l’influence du beau sur les sciences, Rinteln, 1762, in-4o, avait pour objet d’inviter a son cours de belles-lettres. Il fit paraitre ensuite son Programme sur la difficulté de mesurer les facultés de l’âme, Rinteln, 1762, in-4o ; et son Épitre consolatoire à M. le docteur Schwarz, surintendant d’église, et professeur à Rinteln, 1765, in-8o ; Son livre intitulé : Recherches sur les sentiments moraux, traduites de l’allemand, de M. Moses (Mendelssohn), Genève, 1765, in-12, fut revu par Bonnet ; il a été réimprimé à Berlin, en 1764, in-8o. C’est le seul ouvrage qu’Abbt ait écrit en français. Son Essai sur la vie et le caractère d’Alexandre Gottlieb Baumgarten, Halle, 1765, in-8o, a paru d’abord dans les Annonces littéraires de Rinteln, de l’année 1764. L’ouvrage,

  1. Le roi Ezèchias étant tombé malade, le prophète Isaïe vint l’avertit de se préparer à la mort ; ce prince paraissant frappé de cette sentence, le prophète pria Dieu pour lui, obtint que ses jours fussent prolongés de quinze ans, et vint lui annoncer cette nouvelle. Alors le monarque lui demanda un signe par lequel il pût être assure de la vérité de sa promesse. « Voulez-vous, lui dit le prophète que l’ombre de votre cadran solaire avance ou recule de dix degrés. — Il est facile de la faire avancer, dit le monarque je préférerais donc qu’elle reculât » Et l’ombre du gnomon rétrograda aussitôt de dix degrés. Or, ce gnomon avait été tracé par Achaz, père d’Ezéchias.