Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/546

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
530
ALP

villes, qu’il réunit à la couronne ; mais il échoua dans ses projets de réformer le clergé, et, à sa première tentative, on vit se renouveler tous les désordres qui avaient troublé le règne de son frère. Le clergé porta de nouveau ses plaintes au saint-siége, par l’organe de l’archevêque de Brague, qui jeta l’interdit sur le royaume. Les troubles s’apaisèrent à l’arrivée d’un légat du pape ; mais ils recommencèrent peu de temps après. Menacé d’un nouvel interdit, Alphonse voulut restituer au clergé les biens dont il l’avait dépouillé ; mais ses ordres furent mal exécutés. Affaibli par l’âge, il ne montra plus la même fermeté, et, pour se réconcilier avec l’Église, il fit, dans sa dernière maladie, un legs au pope, auquel il donna le titre de Seigneur de son corps et de son âme ; il reçut l’absolution, et mourut, le 16 février 1279, à 69 ans, après en avoir règne 39, laissant à Denis, son fils et son successeur, le Portugal tel à peu près qu’on l’a vu de nos jours pour l’étendue. B-p.


ALPHONSE IV, roi de Portugal, surnommé Le Brave, ou le fier, et non le Justicier, comme l’ont dit quelques biographes, était fils de Denis le Libéral, et naquit à Coimbre en 1290. Son ambition précoce troubla les dernières années de son père, contre lequel il s’arma plusieurs fois. Alphonse vaincu obtint son pardon ; mais, dévoré de la passion de régner, il finit par faire mourir son père de chagrin, et lui succéda, en 1325. Frère aussi injuste que fils dénaturé, il persécuta l’infant Alphonse Sanche, qui était digne d’un meilleur sort. L’amour de la chasse lui fit d’abord négliger ses devoirs de souverain ; mais, un jour qu’il racontait à son conseil les détails d’une partie de chasse qui avait duré un mois, les seigneurs présents se levèrent pour se retirer. et l’un d’eux lui dit : « Sire, nous sommes chargés d’aider le roi de Portugal de nos conseils, et non pas d’entendre raconter des parties de chasse. » Les autres conseillers lui représentèrent très-librement le tort qu’il faisait à son peuple, en abusant ainsi de son temps, et ajoutèrent même que, s’il ne faisait pas droit à leurs plaintes, ils chercheraient un meilleur roi. Alphonse quitta la chambre du conseil dans un transport de rage ; mais, y retournant bientôt calme et composé, il déclara qu’il était convaincu de la justice du reproche, et qu’il était décidé à ne plus être Alphonse le chasseur, mais Alphonse le monarque. Il donna, en effet, dès lors, plus d’attention au gouvernement. Outré de ce que le roi de Castille, son gendre, manquait d’égard pour Marie de Portugal, il lui envoya un défi, arma contre lui, en 1336, et soutint la révolte de quelques seigneurs castillans. Le sang des Portugais et des Castillans coula pendant douze ans pour les querelles domestiques de leurs souverains : cette longue guerre fut remarquable par des incursions, des ravages et des incendies. Enfin, la nécessité obligea les deux rois de s’allier contre l’ennemi commun, les musulmans de l’Andalousie et d’Afrique. Uni sincèrement à son gendre, le roi de Portugal se signala à la célèbre bataille de Salado ou de Tarifa, le 30 octobre 1340 : l’escadre portugaise, combiné avec les flottes de Castille et d’Aragon, remporta aussi plusieurs avantages sur les forces maritimes des Maures, et assura pour quelques temps le repos de la péninsule ; mais la défiance d’Alphonse vint encore troubler son règne : cédant aux suggestions de quelques courtisans, il leur livra Inès de Castro, que son fils avait épousé en secret, et cette infortuné fut poignardée sous ses yeux. Cette coupable faiblesse empoisonna les dernières années d’Alphonse, et il n’apaisa qu’avec peine la révolte de son fils, qui avait pris les armes pour se venger. Alphonse ne survécut pas longtemps à sa réconciliation avec son fils, et mourut en 1356, dans sa 77e année. après avoir règne 31 ans. Selon les historiens portugais ce fut un prince brave, libéral et habile guerrier ; mais l’inexorable histoire doit la signaler comme fils ingrat, frère injuste et père cruel. Sous son règne (1344). Lisbonne éprouve un tremblement de terre désastreux. Son fils lui succéda, sous le nom de Pierre Ier. B-p.


ALPHONSE V, roi de Portugal. surnommé l’Africain, né en 1432, était fils d’Édouard Ier, auquel il succéda, à l’âge de six ans, sous la tutelle d’Éléonore, sa mère, à qui Édouard avait laissé la régence ; mais les états du royaume en dépouillèrent cette princesse, et confièrent le gouvernement à don Pédro, oncle du jeune roi. et qui peu de temps après, devint aussi son beau-père. Parvenu, en 1446, à sa majorité, Alphonse, poussé par les ennemis de don Pedro, l’éloigna du conseil, quoiqu’il eût gouverné avec sagesse, et finit même par le déclarer rebelle. Don Pédro se vit forcé. malgré lui, de prendre les armes pour mettre sa vie en sûreté. Le roi marcha contre lui, le tua dans une rencontre, et ordonna qu’un privât son corps de sépulture. Revenu, peu de temps après, à des sentiments plus équitables, il réhabilita le mémoire de son oncle, et punit ceux qui l’avaient accuse faussement de conspiration. Ce fut au commencement du règne de ce prince que les Portugais découvriront la côte de Guinée, et y firent leurs premiers établissements. Alphonse passa lui-même en Afrique, en 1471, avec une flotte de trois cents voiles, et une armée de 50,000 hommes. Il s’empara d’Arzile et de Tanger, et revint en Portugal couvert de gloire, avec le surnom d’Africain Sur la foi d’une prédiction populaire. qui annonçait « qu’un prince chrétien devait conquérir une épée que les Maures conservaient, avec une sorte de vénération, dans la ville de Fes, » Alphonse imagina que cette gloire lui était réservée, et institua l’ordre des chevaliers de l’Épée, dont il fixa le notaire a vingt-sept, parce qu’il avait alors vingt-sept ans. Son ambition ne connaissait déjà plus de bornes. Au lie de finir dans le sein de la paix un règne glorieux, il se laissa éblouir de l’éclat de la double couronne qu’Henri IV, roi de Castille, laissait à Jeanne, son héritière. Appelé par un parti puissant qui s’était déclaré contre Isabelle, en faveur, de Jeanne, le roi de Portugal pénétra en Castille, en 1475, à la tête de 20,000 hommes, et se fit proclamer roi de Castille et de Léon ; mais, au lieu d’attaquer sur le champ l’armée de Ferdinand d’Aragon,