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fut envoyé, en 1484, contre les Vénitiens. Il devait, dans cette guerre, agir de concert avec Louis Sforza, dit le Maure, tuteur de Jean Galeas, duc de Milan. Ce dernier était gendre d’Alphonse, et le duc de Calabre voyait avec inquiétude Louis Sforza dépouiller le jeune duc, son neveu, de toute autorité dans ses États. De là commença leur inimitié, funeste à tous les deux, et plus encore à l’Italie. Louis le Maure, se détachent de ses anciennes alliances, demanda des secours aux ennemis de son pays ; et ce fut lui qui ouvrit aux Français l’entrée de l’Italie, précisément à l’époque où Alphonse II montait sur le trône. Ferdinand, roi de Naples, mourut le 25 janvier 1494, et Alphonse II fut proclamé son successeur ; mais, la même année, Charles VIII, roi de France, entrait à Naples, et Alphonse, qui succédait à un père odieux, s’était déjà rendu un objet d’aversion, par son avarice, ses débauches et sa cruauté. Tous ses alliés l’abandonnaient, la noblesse s’éloignait de sa cour ; le peuple soupirait après l’arrivée des Français. Alphonse s’aperçut bientôt qu’il ne pourrait se maintenir sur un tronc aussi chancelant. Dès le 25 janvier 1493, il abdiqua la couronne en faveur de son fils, Ferdinand II, qui méritait mieux que lui l’amour des peuples et de la noblesse. Il partit ensuite de Naples, avant que les Français eussent atteint les frontières de son royaume ; et, s’étant retiré dans un couvent d’Olivetains, à Mazara, en Sicile, il y mourut le 19 novembre de la même année, à l’âge de 47 ans. On dit que, dans ce couvent, il fut tout occupé d’œuvres de piété et de pénitence. Cependant il y avait porté son trésor, montant à 350,000 écus, qui lui était peu nécessaire pour une pareille vie, mais qui aurait peut-être suffi pour mettre son fils en état de résister aux Français. S. S-i.


ALPHONSE Ier, surnommé Henriquez, premier roi de Portugal, de la maison de France, naquit en 1094, à Guimarens, et fut confié, dès l’âge le plus tendre, à sa mère, Thérèse de Castille, qui avait été nommé régente à la mort de son époux. Cette princesse ambitieuse, et de mœurs déréglées, livra l’État à de méprisables favoris ; Alphonse, devenu majeur, et excité par le mécontentement public, la dépouilla du gouvernement, et se fit proclamer comte de Portugal, en 1128. Thérèse excita un soulèvement contre son fils ; et Alphonse, obligé de marcher contre les insurgés, les mit en fuite, arrêta sa mère, et la confina dans une prison. Le roi de Castille, neveu de Thérèse, étant venu pour la secourir, Alphonse marcha contre lui, sans craindre de se mesurer avec un prince consommé dans l’art de la guerre. Il le combattit, lui arracha la victoire, s’affranchit de l’hommage auquel le Portugal était soumis, et força le royaume de Léon à reconnaître son indépendance. Le roi d’Aragon s’était porté pour médiateur entre ces deux princes, les engagea de s’unir avec lui pour reprendre la guerre contre les musulmans. Ceux-ci, alarmes de l’ardeur du jeune Alphonse, vinrent au-devant de lui avec des forces supérieures, pour l’écraser avant qu’il pût recevoir aucun secours de ses alliés ; mais, loin d’être abattu par le danger, le comte de Portugal ranima le courage de ses troupes, en supposant que, dans une vision céleste, il venait de lui être ordonné de combattre, et que la victoire lui avait été promise. Il se retrancha prés de Castro-Verde, dans la province d’Ourique, et, par d’habiles dispositions, força les Maures à venir l’attaquer dans une position formidable. La bataille eut lieu le 26 juillet 1159. Alphonse défit cinq gouverneurs maures, et fut proclamé roi par ses troupes, sur le champ de bataille. Le nouveau monarque convoqua aussitôt les évêques de son royaume, et attesta, sous serment, que Jésus-Christ lui était apparu la veille de la bataille, pour lui promettre sa protection divine, et pour lui ordonner de se faire proclamer roi après la victoire. Cette journée d’Ourique, si célèbre dans les annales du Portugal, valut à Alphonse la conquête des principales villes situées sur les deux rives du Tage. Ce fut en vain que le roi de Léon et de Castille refusa de reconnaître son nouveau titre ; Alphonse se déclara, en 1142, vassal et tributaire du saint-siége, et le pape sanctionna aussitôt son titre de roi. Alphonse ne s’en tint pas à cette légitimation ; il convoqua, en 1145, les états du royaume à Lamégo. Cette assemblée, composée de prélats, de seigneurs et des députés des villes, confirma encore sa dignité. L’archevêque de Dragance mit la couronne sur la tête du roi, qui, tenant son épée nue à la main, dit : « Béni soit Dieu qui m’a toujours assisté quand je vous ai délivrés de vos ennemis avec cette épée, que je porte pour votre défense ; vous m’avez fait roi, et je dois partager avec vous les soins du gouvernement. Faisons maintenant des lois qui établissent l’ordre et la tranquillité dans le royaume. » Assisté des prélats et de la noblesse, Alphonse délibéra ensuite sur les lois fondamentales du royaume. La constitution fut dressée en dix-huit statuts, soumise à l’approbation du peuple, et agréée. On déclara le trône héréditaire ; les étrangers en furent exclus. La grande question du tribut et de l’hommage au roi de Castille et de Léon ayant été ensuite proposée, tous les députés se levèrent, et, mettant l’épée à la main, s’écrièrent : ¤ Nous sommes libres, et notre roi l’est comme nous ; cette liberté, nous la devons à notre courage, et, si le roi lui-même se rendait dépendant, il serait indigne de régner. » Alphonse manifesta son approbation, et le peuple applaudit avec enthousiasme. Telle fut la célèbre assemblée de lamégo, où furent posées les lois fondamentales de la monarchie portugaise. Jaloux de justifier son élévation, Alphonse Henriquez s’avança vers Lisbonne, occupée par les Maures, et que sa situation rendait d’une extrême importance. Après un siége où l’un et l’autre parti firent éclater la plus héroïque valeur, le roi, aidé par des croisés flamands, français et anglais, qui se rendaient par mer en Palestine, et que le vent contraire avait forcé de relâcher à l’embouchure du Tage, prit Lisbonne en 1147. Il accorda des terres et des villes, à titre de récompense, aux chevaliers croisés. Ulm fut fondée par les Allemands, et Alçambaja fut accordée aux croisés français. La guerre s’étant allumée entre l’Aragon et la Navarre, Alphonse Henriquez combattit