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partisans, il fut arrêté et pendu, en 1163, par ordre de la reine Pétronille. B-p.


ALPHONSE II, roi d’Aragon, fils de Raymond, comte de Barcelone, et de la reine Pétronille, monta sur le trône en 1162, par l’abdication volontaire de cette princesse. Il se concilia tous les cœurs, en respectant les lois et les privilèges dont les Aragonais se montraient si jaloux, et ne négligea aucune occasion d’étendre sa puissance au dehors. Raymond Bérenger, comte de Provence, ayant été tué au siége de Nice, en 1167, Alphonse II s’empara de la Provence, en vertu de l’inféodation que l’empereur Frédéric Barberousse en avait faite en faveur de Raymond, comte de Barcelone, père d’Alphonse. Peu de temps après, le roi d’Aragon tourna ses armes contre les Maures, auxquels il prit plusieurs places sur les confins du royaume de Valence, dont il s’ouvrit l’entrée ; mais, attaqué, l’année suivante, par le roi de Navarre, il fut obligé d’abandonner ses conquêtes. Il prit bientôt l’offensive contre le roi de Navarre et le comte de Toulouse, et porta ses armes du côté de la France. Après s’être emparé du comté de Roussillon, il le réunit à la monarchie aragonaise, et reçut aussi l’hommage du vicomte de Nimes et d’autres seigneurs français, qui cherchaient un appui contre le comte de Toulouse. Alphonse passa lui-même en France en 1181, et porta la guerre en Languedoc. Le Béarn se rangea également sous sa protection ; mais ce prince, reportant ses regards sur l’Espagne, conclut une ligue pour balancer la puissance du roi de Castille. Il mourut à Perpignan, le 21 avril 1196, après un règne de 34 ans, et après avoir réuni deux provinces de France à l’Aragon. Alphonse II est regardé connue un des monarques les plus sages et les plus heureux du 12e siècle, si l’on s’en rapporte surtout au témoignage des troubadours qu’il protégeait ; cependant Bertrand de Born invective contre ce prince dans plusieurs sirventes, et lui fait des reproches honteux et humiliants ; il va même jusqu’à l’accuser de lâcheté. Ces injures peuvent, il est vrai, avoir été dictées par la haine et la jalousie ; car Alphonse II cultiva la gaie science, et est compté parmi les troubadours. Il nous reste de lui une seule chanson, où il dit qu’amour peut seul le réjouir. Il laissa le comté de Barcelone à son second fils, nommé Alphonse, comme lui ; et l’Aragon, le Roussillon et la Catalogne, à Pierre II, son fils aîné. B-p.


ALPHONSE III, roi d’Aragon, prit ce titre à la mort de son père, Pierre III, en 1285, sans s’être fait couronner solennellement à l’assemblée des états ; aussi les grands du royaume lui en témoignèrent leur mécontentement, et lui firent sentir que les rois d’Aragon ne pouvaient régner en sûreté avant d’avoir juré de maintenir les privilèges de la noblesse et du peuple. Des le 11e et le 12e siècle, la noblesse aragonaise, voulant se faire un rempart contre l’abus de l’autorité royale, avait fait accorder au peuple un grand nombre de privilèges, et s’était même unie d’intérêt avec lui. Alphonse crut pouvoir éluder les réclamations de ses sujets, en déclarant, à l’improviste, la guerre à son oncle Jacques, roi de Minorque, qu’il dépouilla de son royaume, pour s’être uni aux Français, contre son père, en Catalogne. De Majorque, le roi d’Aragon passa à Iviça, dont il s’empara ; ensuite il se rendit à Saragosse, pour se faire couronner. espérant calmer par cette démarche le mécontentement public ; mais les Aragonais exigèrent que leurs privilèges fussent maintenus, et fixèrent même des bornes à l’autorité royale. Les cortès, ou états d’Aragon, obligèrent le monarque à recevoir d’eux ses ministres et principaux officiers de sa maison. Alphonse, livré à de grandes inquiétudes du côté de la France, avec laquelle son père lui avait laissé une guerre à soutenir, ne put opposer aucune résistance à la noblesse de ses États, qui s’était confédérée, sous le titre d’union. Il céda à ses prétentions, et se fit couronner avec les cérémonies d’usage. Il se hâta néanmoins de conclure une trêve d’un an avec la France, par la médiation du roi d’Angleterre, Édouard IV, et, convoquant aussitôt les états, il y fit recevoir plusieurs règlements qui tendaient à diminuer la puissance des nobles ; mais il ne put dissiper que par un traité humiliant la ligue formée contre lui par les rois de France, de Naples et de Castille. Il prit part aux troubles qui divisaient ce dernier royaume, fut excommunié par le pape Nicolas IV, se réconcilia ensuite avec le saint-siége, et allait former une alliance avantageuse, en épousant Éléonore d’Angleterre, lorsqu’il mourut, le 18 juin 1291, âgé de 26 ans. Son règne ne dura que six années, mais il est remarquable par les barrières que la nation aragonaise éleva contre la royauté, par les précautions qu’elle prit pour assurer la vie et l’honneur des citoyens, et par l’autorité dont elle aema le grand justicier. Ce magistrat ne devait compte de ses actions qu’aux états assemblés ; il avait le droit de citer le roi lui-même devant les états généraux, et de le faire déposer, s’il manquait à son serment, c’est-à-dire s’il touchait aux privilèges de la nation. Alphonse III étant mort sans enfants, la couronne passa à son frère Jacques. B-p.


ALPHONSE IV, roi d’Aragon, succéda, en 1327, à son père Jacques II ; et, s’étant fait couronner l’année suivante à Saragosse, jura aux états ou cortès de n’aliéner aucun des domaines de la couronne, serment qu’on exigea de lui pour mettre des bornes à sa prodigalité. On le surnommait déjà le Débonnaire, à cause d’une bonté qui dégénérait souvent en faiblesse. Il épousa, en 1329, en secondes noces, Éléonore, sœur du roi de Castille. La donation que le pape lui avait faite de la Sardaigne, dont il voulait dépouiller la république de Gènes, occasionna une guerre aussi sanglante que ruineuse entre ces deux États. Cependant elle fut utile aux Aragonais et aux Catalans. Forcés de combattre les plus habiles navigateurs de leur siècle, ils se formèrent une marine qui fut l’un des principes de la grandeur espagnole. Des chagrins domestiques mêlèrent beaucoup d’amertume aux succès militaires d’Alphonse IV. Ce prince n’avait pas cru, par le serment qu’il avait fait, se priver du droit d’assurer à ses enfants un sort convenable ; et, après avoir apanagé son second