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men de la marine, et pour compléter les travaux du comité des finances : cette commission avait cru devoir accuser lord Melville relativement à sa conduite comme trésorier de la marine. La question de savoir si on le poursuivrait fut discuté avec beaucoup de chaleur dans la chambre des communes, et les partis étaient également divisés (216 de chaque côté), lorsque l’orateur, qui en toute autre circonstance doit s’abstenir de manifester son opinion personnelle, fut appelé à donner son vote. Considérant que dans cette affaire la chambre des communes était une sorte de jury, il prononça un vote dilatoire, qui en définitive devait faire déclarer l’accusé non coupable. Plus tard, l’opinion d’Abbot eut encore une influence remarquable. Depuis l’année 1803, la question catholiques avait été souvent agitée à la chambre des communes, et elle avait obtenu un succès tellement croissant, qu’en 1813, elle eut une majorité de quarante-deux voix pour la seconde lecture ; mais, dans le comité réuni au sujet de ce bill, l’orateur proposa que la clause de l’admission des catholiques dans la législature fût supprimée ; et il appuya si bien sa motion, qu’une majorité de quatre voix se prononça contre, et qu’en conséquence le bill fut abandonne. Abbot signale encore sa présidence par des règlements extrêmement utiles, et surtout par la création du bureau des bills privés, où la marche et le progrès de chaque bill sont notés et mis sous les yeux de quiconque désire en prendre connaissance. Tous les discours que cet orateur a prononcés dans les occasions solennelles sont emprunts du caractère de dignité et de noblesse qu’exigeaient ses graves fonctions. Celui qu’il adressa, le 1er juillet 1814, au duc de Wellington, peut être cité comme un modèle en ce genre. C’est encore par ses soins qu’a été formée une espèce d’école des chartres pour déchiffrer les vieux titres et les anciennes chroniques, établissement tout à fait nouveau en Angleterre. Tout annonçait qu’il fournirait une longue carrière parlementaire, lorsqu’il fut atteint, en 1817, d’un érésipèle qui le força de renoncer à ses fonctions d’orateur. Sa retraite causa de vifs regrets a la chambre des communes, qui sollicita et obtint pour son président un témoignage signalé de la faveur royale : Ahbot fut crée pair avec le titre de comte de Colchester. Le parlement vota une pension de 4000 livres sterling pour lui, et de 3000 livres pour l’héritier de son titre. Peu après, lord Colchester voyagea par motif de santé. Il passa trois ans en France et en Italie, et s’arrêta particulièrement à Rome, dont il étudia les lois et les règlements relatitfs aux arts. La il raconta un jour en ces termes dans une conversation familière, ce qu’il avait éprouvé en 1805, lorsqu’il s’était vu forcé de départager les votes dans la chambre des communes, au sujet du procès intenté à lord Melville : « Quand je reconnus par l’état des voix, 216 contre 216, que j’étais dans la nécessité de prononcer définitivement sur cette question, je ressentis un trouble inexprimable ; il y avait autour de moi un tumulte de voix : les unes suppliaient, les autres menaçaient. Ces dernières prenaient cependant quelquefois une inflexion caressante. Il y avait en moi un bouillonnement d’idée qui se choquaient et qui parlaient aussi toutes à la fois à la fois pour et contre. Je promenais quelques instants ma vu sur l’assemblé pour demander le temps de me recueillir, mais je ne distinguais plus rien bien distinctement. Je m’aperçus cependant, à l’immobilité d’un des des membres du parlement les plus habituellement agités, qu’il venait de s’établir un profond silence qui ramenait quelque calme dans mon esprit. Alors je levai les yeux au ciel, je priais sincèrement Dieu de m’éclairer ; enfin je prononçai, avec des accents altérés, une opinion de modération courageuse qu’on écouta avec une bienveillance qui me rendit mes forces et la faculté entière de la parole. Je sais depuis ce jour-là que, même à la suite des émotions politiques, un homme public peut tout à coup tomber évanoui. » Lord Colchester, après s’être montré content de son voyage en Italie, revint en Angleterre, où il partagea son séjour entre Londres et sa résidence de Kidbrooke, ne prenant plus d’autre soin que celui des plantations de bois de merrain qu’il aimait spécialement. En 1827, il fit un voyage dans les montagnes du nord de l’Écosse, qui avaient quelque droit a son attention particulière, puisque, en sa qualité d’orateur de la chambre des communes, il avait fortement contribué à l’exécution d’un grand canal et de plusieurs routes dans cette contrée. Il recueillit pendant ce voyage les expressions de la reconnaissance publique. Rentré au sein de sa famille, il ne s’occupa plus que de sa santé qui s’affaiblissait de jour en jour. Il mourut le 8 mai 1829, dans sa 72e année, laissant deux fils dont l’aîné a hérité de ses noms et de ses titres. En sa qualité d’orateur de la chambre des communes, Abbot était l’un des gouverneurs de l’hôpital de Greenwich, et conservateur du musée britannique. Cet établissement dut beaucoup à ses soins, à ses connaissances, à cet esprit d’ordre et d’analyse dont il a donné tant de preuves dans ses différentes fonctions. Il joignait à ces titres ceux de docteur en droit a l’université d’Oxford, d’archiviste de cette ville, de membre de la Société royale de Londres et de celle des antiquaires, enfin de garde des sceaux d’Irlande. On a imprimé de lui : 1o un Traité de la jurisprudence des Chester comparé à la jurisprudence du pays de Galles, avec une préface, 1795, in-8o ; 2o six de ses discours sur la question des catholiques, avec des observations préliminaires sur l’état où se trouvait cette question à l’époque de la publication, qui est de novembre 1828. On lui attribue une brochure anonyme sur l’usage et l’abus de la satire, Oxford, 1786, in-8o. L.


ABBOTT (Lord Charles), baron de Tenterden, né d’une famille obscure, le 7 octobre 1762, fut précepteur du fils de M. Buller, magistrat distingué, qui, reconnaissant son mérite, l’engagea à s’adonner a l’étude des lois. Devenu avocat, Abbot se lia avec M. Law, depuis lord Ellemborough, avocat comme lui, d’une amitié qui n’a jamais varié, et c’est à cette amitié qu’il dut sa première place de judicature. Il