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gouvernement de cette princesse. Il soumit les rebelles, assura la paix intérieure, reprit Burgos et les autres places que son beau-père, le roi d’Aragon, possédait encore en Castille. Les états du royaume, assemblés à Palencia par son ordre, s’occupèrent de divers règlements sur la police et la sûreté intérieure. Après avoir ramené la paix en Castille, Alphonse envoya une armée contre les Maures d’Afrique, qui désolaient les environs de Tolède. Ils furent défaits, et Alphonse marcha ensuite en personne dans l’Andalousie, où il obtint de nouveaux succès, et reçut la soumission de plusieurs petits souverains mahométans, qui préféraient le joug des chrétiens au despotisme des rois de Maroc. En 1134, le roi de Castille marcha au secours de l’Aragon et de la Navarre, menacés d’une invasion par les musulmans ; mais la protection de ses armés ne fut pas désintéressée : il se fit donner Saragosse, et exigea du roi de Navarre qu’il lui fit hommage de ses États. Devenu l’arbitre de toute l’Espagne chrétienne, Alphonse assembla les états à Léon, et s’y fit couronner solennellement empereur des Espagnes, quoiqu’il possédât à peine un tiers de la péninsule. Ce prince est le quatrième et dernier roi de Castille qui se soit donné les titres fastueux d’Ildefonsus pius, felix, augustus, totius Hispaniæ imperator. Loin de se montrer l’oppresseur de ses sujets, il leur garantit, au contraire, dans les états assemblés à Léon, leurs lois et leurs privilèges. On régla aussi, dans ces mêmes états, que les alcaïdes ou gouverneurs des places frontières feraient, chaque année, des incursions sur le territoire des musulmans. Alphonse, voulant profiter des troubles qui agitaient leurs États d’Afrique et d’Espagne, étouffa tous les germes de discorde qui pouvaient exister entre les princes chrétiens, en se montrant généreux envers ses anciens alliés. Il restitua Saragosse au roi d’Aragon, et accorda la paix au roi de Navarre, qui s’était imprudemment ligue contre la Castille. Sûr alors de n’être plus inquiété, il marcha contre les infidèles ; et, après divers succès, il prit Calatrava, Almerie et plusieurs autres places. Il se confédéra ensuite avec les autres princes chrétiens, et couronna ses exploits par la victoire éclatante qu’il remporta, en 1157, prés de Jaën, sur les Maures d’Afrique. Alphonse mourut, au retour de cette glorieuse campagne, dans un village appelé Fresneda. Il avait alors 51 ans, et en avait passé 31 sur le trône. Les biographes qui nous ont précédés n’ont pas même indiqué le règne de ce prince, que les Espagnols placent, avec raison, au rang des rois qui ont le plus illustré l’Espagne. Il eut trop de penchant pour les titres fastueux, pour l’éclat de la représentation, pour la guerre et pour les plaisirs. Il fit une faute, en partageant son royaume entre ses deux fils, Sanche et Ferdinand ; mais cette faute était, en quelque sorte, héréditaire. Sanche eut la Castille ; Ferdinand fut roi de Léon, des Asturies et de Galice. Alphonse avait marié Constance, sa fille, à Louis VII, roi de France, et l’on avait vu, pour la prernière fois les deux couronnes s’unir par une alliance. B-p.


ALPHONSE IX, roi de Castille, surnommé le Noble, fils de Sanche II, n’avait pas encore trois ans lorsqu’il monta sur le trône en 1158. Sa longue minorité fut troublée par l’ambition des deux maisons puissantes de Castro et de Lara, qui se disputèrent la régence ; mais, à quinze ans, le roi fut déclaré majeur par les états du royaume assemblés à Burgos. Il aurait tourné aussitôt ses armes contre les Maures, s’il n’eut été forcé de défendre son propre royaume, menacé par les rois de Léon, d’Aragon et de Navarre, ligués contre lui. Alphonse parvint, non-seulement à dissiper cette coalition, mais à la transformer en une espèce de croisade contre les musulmans, croisade de laquelle il se déclara le chef. Il reprit d’abord tout ce que les Maures avaient usurpé pendant sa minorité orageuse, et, au moyen des secours que lui amena le roi d’Aragon, il se rendit maître de Cuença ; mais ses autres entreprises ne furent pas toutes également heureuses. Après avoir fait un appel aux chrétiens d’Espagne pour combattre les Maures, il passa la Sierra-Morena avec une armée considérable, et dévasta le territoire de Séville jusqu’à la mer. L’Andalousie se hâta d’implorer le secours du roi de Maroc, qui fit proclamer à son tour une levée générale contre les chrétiens, et vint les attaquer lui-même avec un armement formidable. Il occupa tout le midi de l’Espagne. Malgré l’inégalité des forces, l’imprudent Alphonse, sans attendre les rois de Léon et de Navarre, livra bataille au monarque africain, le 18 juillet 1195, prés d’Alarcos, et essuya une défaite complète. Grièvement blessé à la cuisse, il alla se mettre à couvert, avec les débris de son armée, sous les murs de Tolède ! 20,000 hommes d’infanterie et toute la cavalerie castillane avaient péri dans cette fatale journée. Pour comble de malheurs, les rois chrétiens confédérés voulurent se venger de l’espèce de mépris que leur avait témoigné Alphonse, en refusant de les attendre, pour avoir tout seul l’honneur de la victoire. Tandis que les musulmans reprenaient Alarcos, Calatrava et d’autres places, les rois de Navarre et de Léon pénétraient en Castille. Ce fut dans ce temps-là qu’un nouvel affront vint ajouter aux disgrâces d’Alphonse : il aimait éperdument une juive, d’une beauté rare, mais qui déplaisait aux grands de sa cour ; ceux-ci, déjà indignés de la passion du roi, et irrités du désastre d’Alarcos, imputèrent les malheurs publics à cette femme, et la poignardèrent en plein jour, sous les yeux et dans le palais du roi. Alphonse ne vit dans cette scène tragique qu’un châtiment de ses faiblesses et de ses fautes ; il ne chercha point a se venger ; et, réformant sa conduite, il s’efforça de recouvrer la confiance et l’amour de ses peuples. Forcé de tourner ses armes contre les princes chrétiens, il ne put empêcher les musulmans de ravager la Castille ; il brûlait cependant de réparer la défaite d’Alarcos. Uni enfin aux rois de Navarre et d’Arragon, il s’avança de nouveau vers les montagnes de la Sierra-Morena, et il sauva l’Espagne, en remportant sur les Maures la célèbre victoire de Muradad, ou de Tolosa, en 1212. Plusieurs historiens, et même