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à sa mort tous ses États entre ses trois fils, Alphonse VI n’eut en partage, en 1065, que le royaume de Léon et des Asturies, et, trois ans après, il fut attaqué par son frère, Sanche II, roi de Castille. Les deux frères se livrèrent bataille, en 1068, à Volpellar, près de Carion. Alphonse fut vaincu, fut prisonnier, et relégué dans le monastère de Sahagun, après avoir été contraint d’abdiquer la couronne en faveur de Sanche ; mais, étant parvenu à s’échapper, il trouva un asile à la cour du roi maure de Tolède, et y resta jusqu’à la mort de son frère, Sanche, qui fut assassinée en 1072, sous les murs de Zamora. Alphonse rentra aussitôt dans ses États, et remonta sur le trône. Les Castillans, n’ayant plus de roi, le proclamèrent lui-même, après qu’il eut repoussé, par un serment solennel entre les mains du Cid, les soupçons qui s’étaient élevés contre lui, au sujet de l’assassinat de son frère. Après avoir succédé à Sanche II, Alphonse parut dirigé par la même perfidie et la même ambition que lui. Il attaqua son frère, Garcie, roi de Galice, et, après l’avoir défait, le fit charger de fers, s’empara de son royaume, et prit aussi une partie de la Navarre. L’ambition ne tarda pas non plus à l’emporter sur la reconnaissance, et il ne respects pas même les États de Hiaja, roi de Tolède, fils de son bienfaiteur. Alphonse fit sur ce prince différentes conquêtes, et, encouragé par ses succès, investit Tolède en 1085, suivi de l’illustre Cid, et d’une foule de prince et de chevaliers étrangers. Ce siége mémorable dura cinq ans. Il fit époque, en ce que, pour la première fois, on vit venir en Espagne, pour combattre les infidèles, des seigneurs étrangers, tels que le comte de Flandre Henri, de Bourgogne, et le comte de Toulouse et de St-Gilles, qui obtint en mariage une fille d’Alphonse. Le roi de Castille, s’étant enfin rendu maître de Tolède, que les musulmans possédaient depuis près de quatre siècles, en fit sa capitale, et y fixa sa résidence. Il conserva aux habitants leurs biens, leurs lois, et même leur grande mosquée. Cette conquête, la plus importante que les princes chrétiens eussent encore faite sur les musulmans, porta l’épouvante à la cour des rois maures de Séville et de Badajoz. Ces deux princes se liguèrent, dans la crainte d’éprouver le même sort, et ils appelèrent les Maures d’Afrique à leur secours. Alphonse, voulant les prévenir, pénétra, en 1086, dans l’Estramadure, et perdit, près de Médina, une grande bataille. Ce fut alors qu’il écrivit au roi de France, Philippe Ier, et aux principaux seigneurs français, pour en obtenir des secours. À l’arrivée des troupes françaises, les rois maures se hâtèrent de traiter avec Alphonse, et de se reconnaître ses vassaux. Le roi de Castille se lia depuis avec les musulmans, et, à l’étonnement de toute l’Espagne, il épousa, en 1096, la princesse Zaîde, fille du roi de Séville. Cette alliance déplut aux chrétien set aux musulmans, et entraina le roi de Castille dans une démarche contraire à toutes la règles de la politique. Aveuglé par l’ambition, il n’hésita point de se coaliser avec son beau-père pour soumettre et partager toute l’Espagne : il consentit même à ce que le roi de S2ville appelât les Maures d’Afrique comme auxiliaires. Introduits dans la péninsule, ces alliés dangereux tournèrent leurs armes comme ceux mêmes qui avaient favorisé leur invasion. Alphonse, ouvrant les yeux trop tard, perdit d’abord contre eux la bataille de Badajoz, puis celle d’Uclès, en 1108, ou don Sanche, son fils unique, fut tué. Mais le courage du roi de Castille ne brilla jamais avec plus d’éclat que dans les revers ; ce prince, alors infirme, et âgé de soixante-douze ans, communiquant son énergie à ses sujets, opposa aux ennemis toutes les ressources de la Castille, insulta les musulmans jusque sous les murs de leur capitale, et revint à Tolède, chargé de riches dépouilles. Il ne survécut pas longtemps à ces derniers triomphes, et mourut le 30 juin 1109, après un règne de 31 ans. Ce prince, qu’on représente comme un des plus grands rois qui aient régné en Espagne, eut de grands talents et point de vertus ; il persécuta le Cid, appui de son trône : ce fut lui qui démembra le Portugal de la couronne de Castille, en faveur de Henri de Bourgogne, son gendre, sous la condition qu’il serait son vassal. Alphonse n’ayant point laissé d’enfants mâles, le roi d’Aragon et de Navarre (Alphonse le Batailleur), qui venait d’épouser une de ses filles, fut quelque temps le maître du royaume de Castille et de Léon, et il est considéré comme le 7e roi de ce nom. (Voy. Alphonse Ier, roi d’Aragon.) B-p.


ALPHONSE VIII (Raymond), roi de Castille, de Léon et de Galice, fils d’Urraque, infante de Castille, et de Raymond de Bourgogne, comte de Galice, naquit en 1106. Son aïeul, Alphonse VI, l’ayant exclu du trône, lui laissa la Galice pour apanage, avec le titre de comte. Le jeune Alphonse fut élevé dans cette province ; et tandis que sa mère Urraque disputait la Castille, les armes à la main, à son second mari, Alphonse le Batailleur, les états de Galice, réunis à Compostelle, le proclamèrent leur souverain. Alphonse se couronna lui-même dans l’église d’Astorga. Sa mère Urraque, voulant s’en faire un appui, l’associa de bonne heure au trône de Castille : mais l’ambition et les déréglements de cette princesse (voy. Urraque) forcèrent le jeune Alphonse, ou du moins ses ministres, à prendre les armes contre sa mère. Une première réconciliation eut lieu, en 1116, par la médiation de l’évêque de St-Jacques, pendant la tenue des états du royaume, assemblés au monastère de Sahagun. Mais, deux fois encore, la guerre se ralluma entre la reine et son fils. On traita de nouveau de la paix aux assemblées ou conciles de Valladolid et de Compostelle. C’est dans cette dernière ville que furent promulgués les règlements relatifs à la trêve qu’on devait observer les jours de fêtes, règlements semblables à ceux que différents conciles de France publièrent à la même époque, sous le nom de trêves de Dieu. En Espagne comme en France, ils avaient pour objet d’arrêter les guerres intestines. Le premier soin d’A1phonse, lorsqu’il se vit seul possesseur du trône, par la mort de sa mère, en 1126, fut d’apaiser les troubles qu’avait occasionnés le mauvais