Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/532

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
516
ALP

ou plutôt de préparer son esprit à l’invasion de la Finlande, et de faire en sorte que ce prince se résignât ou se soumit à la nécessité. Il n’en fut pas ainsi : malgré toute l’éloquence et les précautions diplomatiques d’Alopeus, Gustave repoussa avec énergie ces ouvertures ; et, lorsque les troupes russes entrèrent en Finlande, le gouvernement suédois, ayant saisi une correspondance de l’ambassadeur russe, dans laquelle il ne s’agissait de rien moins que des moyens de corruption employés dans l’armée suédoise, Gustave le fit arrêter et le scellé fut mis sur ses papiers. Après l’abdication forcée du malheureux roi de Suède, Alopeus fut complètement dédommagé de sa petite disgrâce : l’empereur Alexandre le nomma chambellan et membre du conseil privé, en lui donnant une terre de 5,000 roubles de revenu, et le décora de l’ordre de Ste-Anne de première classe. Plus tard il lui conféra le titre de comte, et le chargea d’aller complimenter le nouveau roi Charles XIII. (Voy. ce nom.) Ce fut lui qui, en 1809, signa le traité d’alliance entre la Suède et la Russie. Enfin Alexandre l’envoya en qualité du ministre de Russie à la cour de Wurtemberg, et dans la campagne de Saxe, en IS15, il le créa commissaire général des armées alliées. Alopeus fut alors fixé par ses fonctions au quartier général des sont crains confédérés, et madame d’Alopeus, qui l’y accompagnait, se fit autant remarquer par sa beauté que par les grâces de son esprit. Le comte d’Alopeus fut gouverneur de la Lorraine, pour la Russie, en 1815, et il adressa aux habitants, en cette qualité, une proclamation remarquable par son esprit de modération. Nommé peu de temps après ministre plénipotentiaire de Russie à la cour de Berlin, il est mort dans cette ville, le 15 juin 1831. M-d j.


ALPAGO (André), médecin célèbre, né à Bellune, florissait en Italie, au commencement du 16e siècle. À cette époque, la doctrine des Arabes était enseignée dans toutes les écoles, et les ouvrages d’Avicenne, qu’on préférait aux immortels monuments de la médecine grecque, étaient considérés comme classiques. Alpago, dans son enthousiasme, eut le courage de passer en Orient, seulement pour réduire les livres d’Avicenne à leur véritable leçon. Il avait appris à fond, dans ce seul but, la langue arabe. La république de Venise venait de lui confier une chaire de médecine, lorsqu’il mourut subitement. L’édition d’Avicenne, traduite par Gérard de Crémone, Venise, 1544, in-fol., est enrichie de remarques d’Alpago, qui a encore traduit de l’arabe en latin le traité d’Avicenne de Syrupo acetoso. C. et A-n.


ALPAÏDE, dont la beauté a été célébrée par les anciens historiens français, donna le jour à Charles Martel, et se trouve ainsi l’aïeule de Pépin, premier roi de France de la seconde race. sans qu’on puisse affirmer qu’elle ait été l’épouse légitime de Pépin d’Héristal. Ce maire du palais, qui prépara avec tant d’habileté l’élévation de sa famille, était marié à Plectrude, dont il avait des enfants. La trouvant trop vieille, il s’en sépara, et prit avec lui Alpaïde, à laquelle les anciennes chroniques donnent le titre de concubine ; titre qui n’était pas alors déshonorant, puisqu’il désignait une femme d’une origine trop obscure pour l’associer publiquement aux dignités dont on était revêtu, mais que cependant on épousait à de certaines conditions, et dans des formes consacrées par l’usage. Luther a rendu aux princes protestants d’Allemagne cette faculté étrange dans les mœurs chrétiennes, d’avoir à la fois plusieurs épouses, et la réformation, sous ce rapport, tendait à ramener la civilisation aux temps que l’histoire regarde, avec raison, comme barbares. L’évêque de Liège, Lambert, ayant refusé de reconnaître l’union de Pepin et d’Alpaïde, on prétend que cette femme, le fit assassiner, et que le ciel vengea la mort de l’évêque par une maladie qui couvrit de vers le corps de l’assassin, et le força à se précipiter dans la Meuse, pour finir les tourments auxquels il était livré. Ce mal des vers était alors assez commun, et, en quelque façon, épidemique. À la mort de Pépin d’Héristal, Alpaïde, pour se soustraire au ressentiment de Plectrude, qui s’empara de l’autorité, se retira dans un monastère, près de Namur, où elle finit ses jours. Son fils, Charles Martel, échappa à Plectrude, et, par son courage, succéda bientôt aux dignités et au pouvoir de son père. F-e.


ALP-ARSLAN (Lhaz-Ed-Dyn-Abou-Chudjaa), 2e sultan de la dynastie des Seldjoucides de Perse, monta d’abord sur le trône du Khoraçan, après la mort de Daoud, son père, au mois de redjeb 451, et succéda ensuite à Thoghrol-Beyg, son père, suivant les uns ; son oncle, suivant d’autres. Ce dernier était mort sans enfants, à Rey. Le premier soin d’Alp-Arslan fut de renvoyer à Bagdad la femme de Thoghrol-Beyg, et de faire faire la prière publique en son nom. Le prince des fidèles, non-seulement lui accorda sa demande, mais encore lui décerna le titre de Adhad ed-dyn (soutien de la religion). Alp-Arslan s’occupa ensuite d’écarter différents compétiteurs, et de diriger quelques expéditions dans la Corasmie, la Transoxane et l’Asie Mineure. Une des plus mémorables fut celle contre l’empereur de Constantinople, Romain IV, surnommé Diogène, qui avait déjà fait trois expéditions contre les Turcs Seldjoucides, et qui fondait, pour la quatrième fois, sur la Perse, à la tête d’une nombreuse armée. Alp-Arslan alla à sa rencontre avec 40,000 chevaux, et essaya d’abord d’entrer en négociation ; mais le monarque grec exigea des conditions si injurieuses, que le sultan indigné résolut d’en tirer vengeance. Après avoir fait ses ablutions et s’être parfumé, il noua lui-même la queue de son cheval. L’armée entière fit de même, et suivit son souverain, qui la conduisit au combat, tenant d’une main son sabre et de l’autre sa massue. Il n’avait pas voulu prendre son arc ni ses flèches. Il s’écria, en piquant son cheval : « Si je suis vaincu, ce sera ici le lieu de ma sépulture. » L’action fut terrible ; on se battit jusqu’après la chute du jour. Les Grecs restaient maîtres du champ de bataille ; mais leur souverain, craignant que l’ennemi ne profitât de l’obscurité pour former une nouvelle attaque, fit sonner la retraite. Les corps placés à quelque distance du quartier impérial crurent que l’on donnait le signal de la défaite, et se