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ALI

L’instruction du procès fut conduite avec une grande rapidité ; les individus qui avaient eu quelques rapports avec le coupable furent recherches, interrogés, et on ne lui trouvait point de complices, bien qu’un certain Corbières, son ami, connu par l’exaltation de ses idées, parût avoir eu connaissance de ses projets, mais sans les approuver. Dans sa prison, Alibaud crut devoir rédiger une théorie de l’assassinat politique, prévoyant bien que la défense de son avocat se placerait sur un autre terrain. Il commença devant la cour la lecture de ce plaidoyer : il s’y posait fièrement en Romain, en Brutus ! La répulsion énergique, universelle, qu’il ne, pouvait manquer de soulever en développant de pareils principes, l’empêcha de continuer ; la parole lui fut retirée. Il voulait remettre le manuscrit à son défenseur ; le président exigea qu’il fut déposé au greffe comme pièce du procès. Cependant, après une réponse du procureur-général à la défense, Alibaud obtint l’autorisation de reprendre sa lecture, à la condition qu’il omettrait le passage consacré à l’apologie du régicide : mais la suite de ce mémoire était tout entière inspiré par les mêmes doctrines, et la cour ne pouvait consentir à l’entendre. Elle entra immédiatement en délibération, et prononça la peine du parricide. L’attitude que le condamné avait prise dans les débats ne lui permettait pas d’user du droit de recours en grâce ; il repoussa les conseils qui lui furent adressés à ce sujet par les personnes qui l’approchèrent. Seulement, au nom de sa famille, son défenseur avait rédigé une demande en commutation de peine qui avait peu de chances de succès, et fut, en effet, rejetée. Le 9 juillet au soir, l’aumônier de la chambre des pairs se présenta au condamné et fut accueilli assez froidement. Néanmoins, suivant la version des principaux organes de la presse, contestée par un seul journal, Alibaud consentit à se confesser. Le jour de l’exécution, de grand matin, l’aumônier était à ses côtés. Pendant la toilette funèbre, le condamné ne perdit point la fermeté qu’il avait jusqu’alors montrée. Ayant demandé à boire, il craignait, disait-il, qu’on n’eût glisse dans son verre quelque drogue narcotique, pour lui ôter l’apparence du courage : son confesseur le rassura. Alors Alibaud, se jetant dans les lans du prêtre, lui recommande, s’il passait dans le pays de ses parents, de leur déclarer qu’il mourait pour la liberté. « Oui, je meurs pour la république, ajouta-t-il ; je répète que je n’avais point de complices ; je démens tout ce que le procureur général a débité sur ma vie privée, mes habitudes et mes mœurs ; je suis aussi pur que Brutus et Sand ! comme eux, j’ai voulu la liberté de mon pays. » En présence de l’échafaud, pendant les préparatifs suprêmes, sa fermeté ne faiblit point. « Faut-il donc, dit-il, tant de cérémonies pour conduire un homme à l’échafaud ? » Lorsqu’on lui ôta le voile noir, il répéta qu’il mourait pour la liberté, pour le peuple et pour l’extinction de la monarchie. Ce furent ces dernières paroles. Alibaud avait été poussé au crime par une nature pervertie et par de fausses notions politiques. Dans son orgueil, il avait ensuite élevé sur la théorie de l’assassinat un piédestal d’où il espérait attirer les regards ; mais il ne put exciter qu’une profonde horreur, et ne parvint pas même à se faire accepter comme lunatique. — On peut consulter les journaux du temps, et l’annuaire historique universel pour 1836. H. D-z.


ALIBERT (Jean-Louis), médecin célèbre, né à Villefranche, dans l’Aveyron, le 12 mai 1766, fut élevé sous les yeux de son père, conseiller du roi au présidial du Rouergue. Après avoir terminé ses humanités, il entra, avec son compatriote et condisciple Laromiguière, chez les pères de la doctrine chrétienne. Lorsque la révolution détruisit cette congrégation, il demeura quelque temps incertain de toute qu’il devait prendre ; du reste, se tenant à l’écart du grand mouvement qui changeait la face des institutions de la France, il continua d’étudier les belles-lettres, qui n’avaient plus pour se faire entendre que quelques voix mourantes. La création de l’école normale sembla devoir décider de nouveau sa carrière. Il y fut envoyé, avec son ami Laromiguière : mais la clôture prématurée de cette brillante école dérangea encore ses projets. Toutefois, il s’y était lié avec deux médecins, honneur de la philosophie et des lettres, Cabanis et Roussel, dont la fréquentation lui inspira un goût très-vif pour l’art de guérir. Il suivit donc les cours de l’école de santé, obtint le titre de docteur en 1799, et, de concert avec son ami Bichat, fonda la société médicale d’émulation, dont il devint presque aussitôt le secrétaire général. Divers articles insérez dans les Mémoires de cette société, des éloges historiques qui lui valurent l’estime et l’amitié de Bernardin de St-Pierre, une traduction du traité italien de Pasta sur les pertes de sang chez les femmes enceintes, une nouvelle édition du traité de Roussel sur le système physique et moral de la femme, enfin quelques bluettes littéraires, assez faibles d’ailleurs, et dont, plus tard, il n’aimait pas qu’en rappelât le souvenir, lui valurent une certaine réputation, qu’il accrut bientôt par des ouvrages d’une plus haute portée. Sous le directoire et l’Empire, il ne remplit d’autres fonctions publiques que celles de médecin à l’hôpital St-Louis ; mais à l’époque des revers de la France, l’occasion s’étant présentée d’entrer à la cour, il la saisit avec empressement, et devint médecin ordinaire de Louis XVIII, après la mort duquel il conserva le même titre auprès de son successeur. La faculté de médecine lui confia aussi une chaire de matière médicale. Les conséquences des journées de juillet, qui froissaient ses intérêts et surtout sa vanité, furent mal accueillies de lui ; cependant il paraissait avoir pris enfin son parti du renversement de sa plus chère espérance, celle de devenir premier médecin du chef de l’État, lorsqu’une mort inattendue l’enleva le 6 novembre 1837. On prétend, mais le fait est resté enveloppe de mystère, qu’une violence qui l’aurait amené, sous peine de la vie, à signer des engagements pécuniaires assez considérables, violence venant de la part d’une femme qu’il avait-aimée autrefois, aurait fait tant d’impression sur lui, qu’il n’y put survivre que quelques