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ALI

sous les traits d’un despote terrible, et n’exprimant que la soif des vengeances et du sang. On se trompe : les personnes qui voient ce pacha pour la première fois sont frappées d’étonnement en voyant une petite figure ramassée, d’une contenance calme et paisible, avec des yeux bleus fort tendres, une vénérable barbe blanche qui lui descend jusqu’à la ceinture et une physionomie pleine d’agrément, de douceur et d’affection. J’observai surtout le jeu de ses traits avec une attention particulière le jour où il était occupé à payer une forte somme aux Parganiotes, pour les dédommager de leurs oliviers et de leurs jardins. Quel effort pour un Turc !… Eh bien, je vous assure que je ne pus remarquer sur son front calme et serein le moindre indice de ce qui devait se passer dans son âme. Je ne pus me défendre de penser que l’hypocrite le plus profond et le plus consommé était assis devant moi comme pour confondre tous les physionomistes, quand je me rappelai que cet homme d’un extérieur si engageant, avec des manières si douces, si polies, si affectueuses, tout plein d’attentions les plus recherchées et les plus délicates envers ses convives, était l’exterminateur de toute la population de Cardiki, le conquérant cruel de l’Albanie, et le tyran le plus exécrable que la terre eût jamais porté. » Cependant, de quelques crimes dont Ali se soit couvert, comme tant de monstres de l’Orient, on peut dire qu’il ne s’y est jamais livré pour le seul plaisir de se baigner dans le sang. Sa férocité naturelle paraissait même suspendue lorsqu’il s’agissait de ses proches et de ses amis. Il a montré constamment le plus vif et le plus sincère attachement pour sa mère, pour sa sœur, pour ses fils et ses petits-fils, pour Esmineh, sa première femme, et pour Reine Vasilika, dernier objet de sa tendresse. Il traita de même avec les plus grands égards l’esclave circassienne qui le rendit père de son troisième fils. On ne l’a pas moins accusé de parricide, et du meurtre d’un de ses neveux. Ce n’était assurément ni un insensé ni un furieux ; il a conservé jusqu’au dernier moment cette jeunesse d’esprit, cette inquiétude turbulente qui donne à toute sa vie une couleur particulière d’agitation romanesque. Quant à la guerre ou à la révolte dans laquelle il a succombé, le récit abrégé que nous en avons présenté peut servir d’introduction à l’histoire de l’insurrection de la Grèce. L’auteur de cette notice a publié une Vie d’Ali-Pacha, vizir de Janina, surnommé Arslan ou le Lion, 2° édition, Paris, 1822, 1 vol. in-8o. T. Smart Hughes, dans ses Travels through Sicily, Greece and Albania[1], a donné sur Ali-Pacha des détails qui ont été traduits en français dans la Bibliothèque universelle de Genève, section de littérat., t. 15, p. 88-98 ; le même recueil ; t. 3, p. 264-286, avait déjà donné une Vie et caractère d’Ali-Pacha, extraite des mémoires inédits du général Vaudoncourt, d’après la traduction anglaise de ces mémoires, publiée sous ce titre : Memoirs of the Ionian Island, including the life and character of Ali-Pacha, by gen. de Vaudoncourt, translates front the original inedited mss., by W. Walton, Londres, 1818, in-8o. Les voyages de John-Cam. Hobhouse (Some account of a journey into Albania and other provinces of Turkey in 1808-1809), Londres, 1812, in-4o, 2° édition, 1813 ; les voyages de Henri Holland (Travels in the Ionian isles, Albany, Thessaly, Macedonia, etc., during the years 1812 and 1813), Londres, 1815, in-4o, renferment aussi des particularités sur le tyran de l’Épire. Maltebrun a inséré, dans le 6e volume de ses Nouvelles Annales des voyages, un tableau historique et politique de la vie d’Ali-Pacha ; mais les ouvrages les plus riches en renseignements de tout genre sur la vie entière d’Ali-Pacha sont ceux de M. F.-C.-H.-L. Pouqueville, intitulés : 1° Voyages dans la Grèce, comprenant la description ancienne et moderne de l’Èpire, de l’Illyrie grecque, de la Macédoine cisaxienne, etc., Paris, 1820, 4 vol. in-8o ; 2° Histoire de la régénération de la Grèce contenant le précis des événements depuis 1740 jusqu’en 1824, Paris, 1824, 4 vol. in-8o ; 3° Mémoires sur la vie et la puissance d’Ali-Pacha, vizir de Janina, Paris, 1820, in-8o de 50 pages ; 4° Notices sur la fin tragique d’Ali-Pacha, Paris, 1822, brochure in-8o. ─ Un autre Ali-Pacha, beglier-bey de Roumélie, combattit victorieusement, en 1802, Osman, pacha rebelle. — Enfin, Ali-Aga, ayant méconnu, à la fin de 1804, l’autorité de la Porte en Syrie, et s’étant emparé du port de Latakieh, fut fait prisonnier par le gouverneur de Giebal, et mis à mort. B-p.


ALIADEULET, fils de Zunlcadir, et prince d’Arménie, régnait l’an de l’hégire 920 (1514), sur le vaste pays qui s’étend depuis Amasie jusqu’aux confins de la Caramanie, et qui traverse le mont Taurus. Sélim Ier, en voulant combattre Schah-Ismaél, sophi de Perse, recherche l’alliance d’Aliadeulet ; et, sur la foi de ce prince, s’engagea avec son armée dans les déserts qui séparent la Perse de l’empire ottoman ; mais Aliadeulet craignait également ses deux redoutables voisins ; il désirait que leur querelle les affaiblit mutuellement, et que les succès se’balançassent. Aussi, malgré sa parole, loin de fournir des vivres à Sélim, qui était le plus puissant des deux rivaux, il empêcha tous les convois d’arriver au camp ottoman. Aliadeulet ne recueillit pas le fruit de sa perfidie : Sélim, après la victoire de Schaldiran, revint sur ses pas punir le crime de son allié. Aliadeulet se défendit dans ses montagnes avec autant de courage que d’habileté : la difficulté du terrain ne permettait pas à Sélim de développer sa nombreuse armée ; mais, malgré quelques succès et une longue résistance, le prince arménien fut vaincu, chassé de montagne eu montagne, et abandonné de tous les siens. Réduit à se cacher au fond d’une caverne, avec tous ses enfants, il y fut découvert par suite d’une trahison ; et, conduit devant Sélim, il fut envoyé à la mort, avec toute sa famille, après avoir essuyé les plus cruels reproches de son ennemi. S-y.

  1. Cet ouvrage a été traduit en français sous ce titre : Voyage à Janina, en Albanie, par la Sicile et la Grèce, trad. de l’anglais de Thomas Smart Hughes, par l’auteur de Londres en 1819 (M. A-J.-B. Defauconpret), Paris, 1821. 2 vol. in-8o. avec le d’Ali-Pacha.