Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
ABB

politique et condamné à une peine infamante ; mais l’assemblé des états provinciaux, dont il était membre, obtint la cassation de l’arrêt, et Abbatucci fut acquitté au parlement de Provence, devant lequel il avait été renvoyé. Non seulement Louis XVI le réintégra dans son grade, mais il lui donna encore la croix de Saint-Louis et le nomma ensuite maréchal de camp. En 1798, lorsque Paoli, devenu chef des mécontents, appela les Anglais dans l’ile de Corse, Abbatucci combattit courageusement, mais sans succès, en faveur de la cause française. Obligé de se retirer sur le continent, il fut récompensé de son dévouement par le grade de général de division, et employé a l’armée d’Italie sous les ordres de Bonaparte ; mais celui-ci en avait fort mauvaise opinion. Il écrivit au Directoire, le 15 août 1796 : « Abbatucci n’est pas bon à commander cinquante hommes. » On juge qu’avec une pareille recommandation, ce général fut bientôt obligé de quitter l’armée. Il retourna en Corse, ou il mourut en 1812. Trois de ses fils sont morts au service de France : le plus connu est Charles Abbatucci. (Voy. l’article suivant.) M-d j.


ABBATUCCI (Charles), fils du précédent, naquit en 1770. Après avoir suivi les cours de l’école militaire de Metz, il fut promu, en 1747, à l’âge de seize ans, au grade de lieutenant d’artillerie. Il était capitaine en 1792 ; sa belle conduite lui valut, avant la fin de la même année, le grade de lieutenant-colonel. En 1795, il passa dans l’artillerie à cheval. Pichegru le choisit pour aide de camp, en 1794. Il fit la campagne de Hollande avec le grade d’adjudant général, qu’il avait refusé trois fois, parce qu’il ne voulait pas se séparer d’un de ses frères d’armes, dont l’amitié lui était chère. Abbatucci fut nommé général de brigade après le premier passage du Rhin, où il avait déployé la plus rare valeur, et fut employé en cette qualité à l’avant-garde de l’armée de Rhin et Moselle dans la campagne de 1796. Moreau le chargea de préparer le passage du Rhin, le 24 juin 1796, et de prendre part a l’attaque contre le fort de Kehl, ou il signala de nouveau son courage. Le 27 il franchit intrépidement le Lech en présence de l’ennemi, et mit deux fois les Autrichiens en déroute. Le 20 octobre suivante fut encore lui qui protégea la retraite des Français près de Neubourg ; il eut dans cette journée un brillant engagement avec le corps du prince de Condé, et Savary rapporte, dans ses mémoires, qu’Abbatucci traita les émigrés en ennemi généreux. Ces éclatants faits d’armes valurent à ce jeune officier les épaulettes de lieutenant général. Lorsque Moreau fut forcé de repasser le Rhin, après la défaite du corps de Jourdan, il confia a Abbatucci la défense d’Huningue, qui était devenu le boulevard de l’Alsace. La place fut bientôt attaquée par les Autrichiens. Abbatucci se défendit vigoureusement, mais il fut mortellement blesse, le 2 décembre, dans une sortie qu’il dirigeait avec son intrépidité ordinaire. Sa mort fut suivie de la reddition de la forteresse. Moreau voulut honorer la mémoire de ce guerrier malheureux en lui faisant élever un monument-au lieu ou il était tombé. En 1845, les Autrichiens crurent effacer le survenir de leur défaite en détruisant ce tombeau ; mais, en 1849, le général Rapp ouvrit une souscription pour le rétablir ; le général Foy s’inscrivit un des premiers. Toutefois le monument d’Abbatucci ne fut reconstruit qu’après 1850. C. W-r.


ABBON, surnommé Le Courbe (en latin Abbo Cernuus), né dans la Normandie, vers le milieu du 9e siècle, vint étudier a Paris sous Aimoin l’ancien, qui était alors en grande réputation. Après avoir fait profession, à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, il devint diacre et prêtre dans ce même monastère, où il mourut, vers l’an 923. Nous avons de cet écrivain un poëme épique, divisé en trois livres sur le siége de Paris par les Normands (de Bello Parisiacœ urbis), qui dura depuis le mois d’octobre 886 jusqu’à celui de février 887. L’auteur publia cet ouvrage en 896, et le dédia à Gozlin, diacre, et non à Gozeliu, évêque de Paris. Abbon avait été témoin des événements qu’il rapporte. Sa piété lui fait attribuer la délivrance de la capitale et les succès-de l’armée des Parisiens, aux reliques de St. Vincent, de St. Germain et de Ste. Geneviève. Il a réuni dans ses vers tous les défauts des poëtes de son siècle il écrit mal ; ses constructions sont toujours vicieuses, et ses métaphores tirées de si loin, qu’à peine la comparaison qu’elles renferment se laisse-t-elle entrevoir ; il a cependant souvent affecté d’employer les propres expressions de Virgile : c’est même le poëte qu’il s’était proposé pour modèle, lorsqu’il entreprit d’écrire en vers l’histoire du siége de Paris. Maronis, dit-il dans son épître dédicatoire, proscindebam eclogas. Comme il a été le témoin de la plus grande partie des événements qu’il raconte, son poème est précieux pour les détails et la certitude des faits. Le savant P. Pithou, à qui le seul manuscrit connu de cet ouvrage appartenait, le fit imprimer pour la première fois à Paris, en 1588, dans son recueil de divers annalistes, chroniqueurs ou historiens de France, et donna ensuite son manuscrit à l’abbaye St-Germain-des-Prés : il est à présent à la bibliothèque royale, sous le n° 1633, fonds de l’Abbaye. Ce poëme a encore été publie par dom Jacques du Breul, 1603, à la suite de l’édition d’Aimoin ; ensuite par André Duchesne, et par plusieurs autres. Mais la meilleure édition est la septième qui a été mise au jour par dom Toussaint Duplessis dans ses Nouvelles Annales de Paris, 1755, in-4°, p. 215. Des trois livres qui composent le poème d’Abbon, les divers éditeurs n’ont jugé à propos de publier que les deux premiers. Outre que le troisième ne contient rien d’intéressant et que le manuscrit est fort imparfait, l’auteur l’a rempli de digressions et d’allégories qu’il eu soin d’expliquer par des gloses ou scolies aussi peu intelligibles que le texte. En s’expliquant mal ; dom Rivet (Histoire littéraire de la France, t. 6, p. 192) ; a laissé penser qu’il existait, outre le texte latin d’Abbon, une ancienne glose ou traduction en vers français de ce poëte, qu’il cite d’après le président Fauchet (p. 524). Cette méprise du savant bénédictin a fait avancer par tous les dictionnaires historiques qu’on avait publié une traduction du poéme du Siège