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ALI

le 6 juin 1771, aux forces réunies des pachas turcs, et remporta la victoire. Damas se rendit, et le château venait de capituler, lorsque Mohammed retourna tout à coup en Égypte. Il s’était laissé gagner par le pacha de Damas. Ali-Bey, déçu dans son espoir, songea cependant à renouveler cette expédition ; mais ses efforts furent sans succès. Il voulut en vain se saisir de Mohammed, qui s’enfuit dans le Saïd, d’où il revint bientôt avec un fort parti. Ali-Bey, défait dans une escarmouche, aux portes du Caire, s’enfuit vers son ancien allié, le cheik Daher. Ayant réuni ses forces à celles de ce chef, il alla faire lever le siége de Sidon, alors investie par le général turc, Osman ; et, dans une bataille qui eut lieu en juin 1772, les deux alliés défirent complétement l’armée turque, quoiqu’elle fut trois fois plus nombreuse que la leur. Ils prirent ensuite Jaffa, après un siége de huit mois. Ali-Bey nourrissait toujours l’espérance de dominer.de nouveau, et de se venger. Les instances pressantes que ses amis du Caire lui faisaient de reparaître ; l’indignation publique, excitée par l’ingratitude de son esclave ; l’impatience où il était lui-même de cesser de vivre exilé et proscrit, le portèrent à marcher sur le Caire avec ses mamelucks, restés fidèles, et 1500 Jaffadiens, commandés par un fils de Daher. Mais le malheureux Ali-Bey courait à sa perte, et tombait dans un piège : il était attendu, dans le désert qui sépare Gaza de l’Égypte, par un corps de 1000 cavaliers d’élite. Mourad-Bey avait juré à Mohammed de lui livrer Ali-Bey ; et c’était à cette condition que Mohammed avait donné d’avance la femme d’Ali à ce jeune et fougueux Mourad. Il fondit avec sa troupe sur le bey, qui ne s’attendait pas à être attaqué : Mourad le rencontra dans la mêlée, le blessa d’un coup de sabre à la tête, le prit, et le conduisit à Mohammed. Celui-ci reçut son ancien maître avec toutes les marques du respect, se disant son esclave, baisant la poussière de ses pieds, parce qu’il avait mangé son pain et son sel ; mais, le troisième jour, Ali-Bey mourut de poison, ou des suites de sa blessure. Ainsi périt ce mameluck fameux, qui fixa quelque temps les yeux de l’Europe, sans avoir eu ni conduite, ni moyens. Ce fut une grande idée dans Ali-Bey, souverain de l’Égypte, que d’essayer de faire de Djedda l’entrepôt du commerce de l’Inde, de faire abandonner la voie du cap de Bonne-Espérance, et de rappeler le commerce européen à l’ancienne route de la mer Rouge et de la Méditerranée ; mais ; avant les richesses, il avait à introduire les lois dans l’Égypte : il devait assurer le nécessaire aux Égyptiens, avant de leur promettre le superflu. Aussi les peuples ont-ils beaucoup moins rendu justice à quelques grandes pensées qui n’ont pas eu d’exécution, qu’ils n’ont détesté les impôts, les vexations, les folles dépenses, et les prodigalités déréglées de l’ambitieux Ali-Bey. C’est parce que expédition de Djedda lui avait coûté 26 millions de France, et que la poignée de son candjiar était estimée 225,000 francs, que la famine désolait le Caire en 1770 et 1771. Aussi le mameluck Ali-Bey, moins juste, moins grand qu’ambitieux et vain, ne fut pas un maître plus regretté des Égyptiens, que ceux qui l’avaient précédé ou que ceux qui le suivirent. S-y.


ALI-BEY, ou ALI-BEIGH, premier drogman du sultan Mahomet IV, naquit à Léopold, en Pologne, et fut baptisé, au commencement du 17e siècle, sous le nom de Robrowski. Enlevé très-jeune par les Tatars, il fut vendu aux Turcs, qui l’élevèrent dans le sérail jusqu’à l’âge de vingt ans. Il accompagna alors un seigneur turc, qui se rendait en Égypte, fut mis par lui liberté, et revint à ’onstantinople, où il fut nommé interprète du Grand, Seigneur. Il se voua des lors à l’étude des langues. On prétend qu’il en apprit dix-sept, et qu’il connaissait surtout à fond le français, l’anglais et l’allemand. Force de professer la religion des musulmans, il resta toujours dévoué aux chrétiens, et il avait même pris la résolution de retourner au christianisme. Il voulait, pour cet effet, passer en Angleterre, où il avait des relations ; mais la mort l’empêcha d’exécuter son rejet ; il mourut à Constantinople, en 1673. On a d’Ali-Bey des mémoires en latin, sur la liturgie des Turcs, sur les pèlerinages à la Mecque, etc., rédiges à la demande de Thomas Smith, et publiés par Thomas Hyde, dans son édition de Péristol, Oxford, 1691, avec des notes : une grammaire turque, un dictionnaire turc, une traduction, en livre, du Catéchisme anglais, une traduction de la Bible, dans la même langue, restée manuscrite, et déposée à la bibliothèque de Leyde. Ses Dialogi Turcici, et sa traduction, en turc, du Janua linguarum de Commenius, furent envoyés manuscrits à la bibliothèque royal de Paris. On croit qu’Ali-Bey fournit des mémoires à Ricaut pour son État de l’empire ottoman, et qu’il fut le principal auteur de la traduction en langue turque du traité de Grotius, de Veritate religionis christianæ. C-au.


ALI, surnommé Coumourgui, parce qu’il était fils d’un vendeur de charbon. l’empereur Achmet II l’ayant rencontré, encore enfant, dans un bois près d’Andrinople, fut frappé de sa beauté, et le fit conduire dans le sérail. Il était devenu sélictar aga, lorsque la faveur d’Achmet III vint mettre le comble à sa fortune. Coumourgi élevait et déposait presque à son gré les grands vizirs, avant que l’âge permit qu’il le devint lui-même. Élevé, en 1714, à cette dignité, Charles XII enfin lui l’ennemi le plus nuisible à ses intrigues et ses intérêts : Ali refusa constamment de servir le roi de Suède, et le força, par son obstination, à quitter le territoire ottoman. Ce fut lui qui décida, en 1715, la guerre contre les Vénitiens, dont le résultat, pour leur république, fut la perte de la Morée. Cette infraction au traite de Carlowitz amena la guerre de 1716, entre la Porte et l’empire d’Allemagne. Coumourgi, fier de commander 150,000 hommes, et croyant que son bonheur suppléerait à son inexpérience, entra dans la Hongrie pour y combattre le prince Eugène. « Je deviendrai un plus grand général que lui, et à ses dépens, » disait le présomptueux grand vizir. Les deux armées se rencontrèrent à Peterwaradin :