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l’avait accompagné dans ses voyages, à s’entretenir de peinture, d’architecture, et de tous les beaux-arts. L’après-diner, il se faisait lire ses ouvrages, qu’on réimprimait alors à Livourne, et dont il revoyait et corrigeait l’édition ; le soir, on faisait chez lui de la musique, qu’il écoutait avec attention et avec plaisir : c’est ainsi qu’il s’éteignit, sans éprouver, ni les ennuis de la maladie, ni les horreurs de la mort. Il avait fait lui-même le dessin de son tombeau et son épitaphe, plutôt par une suite de son goût pour les arts et pour la poésie, que par orgueil. L’épitaphe est remarquable par une heureuse application du non omnis moriar d’Horace : Hic jacet Fr. Algarottus non omnis. Le roi de Prusse voulut qu’il lui fût élevé un monument plus magnifique dans le Campo-Santo de Pise, et que l’on joignit à l’inscription ordonnée par Algrotti, cette seconde inscription latine : Algarotto, Ovidii œmulo, Neutoui discipulo, Fridericus rex ; à quoi les héritiers ne firent d’autre changement que de mettre Fridericus Magnus. Les Œuvres d’Algarotti, publiées d’abord à Livourne, en 1765, en 4 vol. in-8o, puis à Berlin, en 1772, 8 vol. in-8o, ont été réimprimées à Venise, en 17 vol., pareillement in-8o, de 1791 à 1794. Cette édition, complète et soignée, est ornée de vignettes, et de ce que nous appelons culs-de-lampe, dont le plus grand nombre est d’après les dessins de l’auteur. On n’en a parlé jusqu’à présent dans aucun dictionnaire historique ; c’est ce qui nous engage à donner ici l’aperçu de ce qu’elle contient. 1er volume, Mémoires sur la vie et les ouvrages d’Algarotti ; ses poésies ; 2e°, l’exposition du système de Newton, et tout ce qui a rapport au même sujet ; 3e, écrits sur l’architecture. sur la peinture et sur l’opéra en musique ; 4e, essais divers sur les langues, sur la rime, sur plusieurs points d’histoire et de philosophie, sur Descartes, sur Horace, etc. ; 5e, écrits sur l’art militaire, sur différentes questions qu’il présente, sur quelques auteurs qui en ont traité, sur quelques faits d’armes anciens et modernes, etc. ; 6e, Voyages en Russie, précédés d’un Essai sur l’histoire métallique de cet empire : le reste du volume est rempli par le joli opuscule intitulé le Congrès de Cythère, par la Vie de Pallavicini, poëte italien, et par une plaisanterie contre les abus de l’érudition, sous ce titre : Prospectus d’une introduction à la Néréidologie, ou à un traité sur les Néréides ; 7e,, pensées sur différents sujets de philosophie et de philologie ; 8e, Lettres sur la peinture et sur l’architecture ; 9e et 10e, Lettres sur les sciences et sur divers objets d’érudition. Les sept derniers volumes contiennent la suite inédite de cette correspondance avec des savants et des gens de lettres d’Italie, d’Angleterre et de France ; la dernière moitié du 17e est remplie par un Essai critique, aussi inédit, sur le triumvirat de Crassus, de Pompée et de César, ouvrage resté imparfait, mais où l’auteur montre beaucoup d’érudition, de saine politique, et de philosophie. Ses correspondants, dont on trouve ici les lettres, étaient, en Italie, Manfredi et Zanotti, ses premiers maîtres, Fabri de Bologne, Métastaste, Frugoni, Bettinelli, le célèbre mathématicien et physicien Frisi, Mazzuchelli, Paradisi, etc. ; en Prusse, le roi Frédéric II, plusieurs princes de sa famille, l’académicien Formey, etc. ; en Angleterre, lord Chesterfield, Hervey, Hollis, Taylor, milady Montaigu ; en France, Voltaire, Maupertuis, madame du Chastelet, madame du Boccage, etc. La plupart du lettres adressées à des Français ou des Françaises, sont écrites dans leur langue. La correspondance générale de Voltaire offre un grand nombre de ses lettres à Algarotti ; on trouve ici, dans les lettres ou les réponses d’Algarotti, le complément de cette partie de la correspondance. Voltaire aimait beaucoup celui qu’il appelait, à l’exemple de Frédéric II, son cher Cygne de Padoue, caro Cigno di Padova ; il fit, mais inutilement, tous ses efforts, quand il le sut attaqué d’une maladie de poitrine, pour l’engager à venir à Ferney prendre le lait de ses vaches, et se mettre entre les mains de Tronchin. Quelques voyageurs ont jugé peu favorablement le caractère d’Algarotti, après l’avoir vu à la cour de Prusse ; mais, quoiqu’il fut aimé du roi, autant que celui-ci pouvait aimer, ce n’est point à la cour des rois, et surtout à celle de Frédéric, que l’on peut juger les hommes. On a aussi prononcé un peu légèrement sur la prétendue légèreté de son esprit : quoiqu’il se moquât très-librement des pédants, il ne tenait qu’à lui de l’être : beaucoup le sont avec moins de savoir ; mais c’est dans sa langue qu’il faut le lire, et non dans de plates traductions. On peut souscrire alors à ce jugement qu’en a porté le dernier éditeur italien de ses œuvres : « Universalité et choix exquis de connaissances, fécondité d’imagination, vues lumineuses, pensées délicates et brillantes, traits ingénieux et originaux, philosophie sévère, ennoblie et adoucie par les grâces, élans poétiques soutenus par les forces d’un véritable savoir ; partout de la clarté, de la précision, de la justesse et de la propriété dans l’expression, de la décence dans les images, de la douceur, de la fraîcheur, de la variété dans le coloris : telles sont, en raccourci, les qualités qui constituent le vrai caractère de ses ouvrages ; aussi ont-ils justement obtenu le rare avantage d’occuper, avec un plaisir égal, les méditations sérieuses du philosophe, et les loisirs agréables de l’homme de goût. » Une partie des œuvres d’Algarotti a été traduite en français, et imprimée à Berlin, 1774, 8 vol. petit in-8o. On a imprimé à part : 1° le Newtonianisme des dames, trad. par Duperron de Castera, 1752, 2 vol. in 12 ; 2° le Congrès de Cythère, trad. par Duport du Tertre, 1749, in-12 ; et sous le titre d’Assemblée de Cythère, par mademoiselle Menon, 1748, in-12 ; 3° Essai sur l’opéra, trad. par de Chastellux, 1773, in-8o ; 4° Essai sur la Peinture, trad. par Pingeron, 1769, in-12. G-é.


ALGAZELI (Abou-Hamed-Mohammed), philosophe arabe, né à Thous en Perse, l’an 450 de l’hégire (1058-59 de J.-C.), acheva ses études dans le collège du célèbre Iman-al-Heremeïn, et y acquit en peu de temps de vastes connaissances. Ce docteur étant mort, Algazeli se rendit auprès du vizir Nedham El-mulk, qui le combla d’honneurs et de bienfaits, et lui donna la direction du collège qu’il avait fondé à Bagdad. Algazeli, après l’avoir