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soutenue par des colonnes de l’ordre corinthien et de l’ordre composite. Comme sculpteur, l’Algarde a fait, dans la même ville, pour l’église de Santa-Maria in Vallicella, la statue de St. Philippe de Néri, et pour l’église de St-Nicolas de Telentin, un maître-autel qu’on regarde comme un chef-d’œuvre. Cette dernière église présente encore de statues sculptées sur les dessins de ce maître, par deux de ses élèves, Hercule Ferrata, et Dominique Guidi. Mais la plus belle composition de l’Algarde est à St-Pierre, sous l’autel de Léon le Grand. Entre deux colonnes de granit noir oriental, on voit son fameux bas-relief, représentant St. Léon qui défend à Attila de s’approcher de Rome, et qui lui montre St. Pierre et St. Paul, irrité contre lui. Il y a quelques années qu’un imprudent a cassé un morceau de ce bas-relief qui est posé trop bas, et à la portée des personnes qui veulent le toucher. Cette sculpture est d’une grande beauté ; cependant on peut y reprendre quelques incorrections. Le pape Innocent X pays très-généreusement cette production, et créa l’Algarde chevalier. Peu de temps après, on lui commanda la statue colossale, en bronze, qui représente ce pontife assis, et qu’on voit encore au musée du Capitole ; l’artiste fit cet ouvrage avec beaucoup de soin, et fut principalement animé du désir de montrer toute sa reconnaissance pour son bienfaiteur. L’Algarde mourut en 1654 ; il tient, parmi les sculpteurs, le rang que l’Albane tient parmi les peintres. Il n’a pas été maniéré comme le Bernin, mais il n’a pas atteint le grandiose de Jean de Bologne, et il semble, dans ses ouvrages soignés et finis, avoir particulièrement recherché le genre de réputation qu’avait dédaigné Michel-Ange. A-d.


ALGAROTTI (François), l’un des auteurs italiens du 18e siècle qui a réuni avec le plus de succès l’étude des sciences exactes à la culture des lettres et des arts. Il naquit à Venise, le 11 décembre 1712. Son père, riche négociant, eut deux autres fils et trois filles. L’un des deux fils mourut, encore enfant ; l’autre, Bonomo Algarotti, a vécu honorablement, chargé, depuis la mort du père, de tous les soins de la famille et a survécu à son frère, plus jeune que lui, dont il a été l’exécuteur testamentaire. Algarotti fit ses études d’abord à Rome, ensuite à Venise, et enfin à Bologne, sous les deux célèbres professeurs Eustache Manfredi et François Zanotti. Son heureux naturel leur inspira une affection particulière, et ils lui firent faire des progrès rapides dans les mathématiques, la géométrie, l’astronomie, la philosophie et la physique. Il se livra plus particulièrement à cette dernière science, et à l’analogie, sous d’autres habiles maîtres. Il n’en avait pas moins ardemment étudié le latin et le grec ; il avait aussi donne une attention particulière à la langue toscane, et il alla s’y perfectionna à Florence. Dès son premier voyage en France, il fut lié avec les savants les plus illustres, dont il était déjà connu par d’excellents mémoires insérés dans le Recueil de l’institut de Bologne. Il se retirait souvent à la campagne, et ce fut au mont Valérien qu’il écrivit, en 1733, son Newtonianismo per le dame, où il se proposa de mettre à la portée des dames et des gens du monde les découvertes et le système de Newton, comme Fontenelle y avait mis ceux de Descartes. Il n’avait alors que vingt et un ans. Ce livre, publié l’année suivante, fit beaucoup de bruit. Il a été fort mal traduit par Duperren de Castera, dont la version, mal écrite, et souvent infidèle, ne peut donner qu’une fausse idée de l’ouvrage ; et c’est sur cette version seule que plusieurs critiques français en ont jugé : c’est sur la même version qu’il fut traduit en allemand, et même en anglais. Algarotti avait cultivé la poésie des ses premières années ; après d’heureux essais dans le genre lyrique, il composa plusieurs épitres en vers libres (sciolti), sur différents sujets de science et de philosophie. Ces épitres furent recueillies, avec d’autres de Frugoni et de Bettinelli, et publiées avec de prétendues lettres de Virgile, où l’on critiquait inconsidérément le Dante et Pétrarque. Cette publication fit grand bruit en Italie, révolta les admirateurs de ces deux grands poëtes, et fournit des armes à leurs détracteurs. Algarotti protesta hautement contre ces lettres, dont il ignorait l’auteur : on a su depuis qu’elles étaient de Bettinelli. Les beaux-arts servaient de délassement à son esprit avide de tout savoir, il dessinait parfaitement, et gravait en taille-douce. Il parcourut l’Italie avec un peintre et dessinateur qu’il s’était attaché : tout ce qu’il a écrit sur les arts marque autant de connaissances que de goût. Frédéric le Grand, qui l’avait reçu à Rheinsberg, étant encore prince royal, lorsque Algarotti revenait de St-Pétersbourg, s’empressa de l’appeler auprès de lui dès qu’il fut monté sur le trône. Algarotti se rendit de Londres à Berlin. Il y resta plusieurs années, jouissant auprès du roi de la faveur la plus intime. Frédéric lui conféra le titre de comte du royaume de Prusse, pour lui, son frère et leurs descendants ; il le fit ensuite son chambellan, et chevalier de l’ordre du Mérite. Il le combla de présents, d’attentions, de témoignages de confiance. Lorsqu’Algarotti eut quitte Berlin, le roi correspondit avec lui pendant vingt-cinq ans, et conserva pour lui le même intérêt jusqu’à sa mort. L’électeur de Saxe, roi de Pologne, Auguste III, le retint aussi quelque temps à sa cour, et la décora du titre de son conseiller intime de guerre. Les souverains d’Italie, entre autres le pape-Benoit XIV, le duc de Savoie et l’infant, duc de Parme, lui prodiguèrent les distinctions les plus flatteuses. Partout la bonté de son caractère, la pureté de ses mœurs, l’élégance et la politesse de ses manières, et cette espèce de magnificence qui entoure un riche amateur des arts, contribuaient à ses succès, autant que la supériorité de ses talents et de ses lumières. Dans tous les pays ou il voyagea, il se fit aimer des grands, des savants, des gens de lettres, des artistes et des gens du monde. Le climat d’Allemagne ayant sensiblement altéré sa santé, il retourna d’abord à Venise ; il se fixa ensuite à Bologne ; mais la phthisie dont il était attaqué augmentant toujours, il y succomba enfin, à Pise, le 3 mars 1764. À l’âge de S2 ans. Il vit approcher la mort avec une résignation philosophique. Il passait les matinées avec le même artiste, nommé Maurino, qui