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de le détourner des affaires publiques. Il lui fit épouser la fille d’un noble peu riche qui dépendait de lui, et prit lui-même pour femme la sœur de sa souveraine. La mauvaise administration de ce favori tout-puissant et de ses agents subalternes occasionna une insurrection dans Moscou. Les mécontents obtinrent la punition de plusieurs des coupables, et ce fut avec peine que le czar parvint à sauver Morosou, en intercédant lui-même en sa faveur. Alexis, ayant ensuite pris les rênes du gouvernement, donna de grandes preuves de vigueur et de capacité. Il fit la guerre aux Polonais, et recouvra les places et les provinces qui leur avaient été cédées à la dernière paix. Lorsque Charles Gustave, roi de Suède, fit une invasion en Pologne, Alexis conclut une trêve avec le souverain de ce royaume, en 1656, et, peu de temps après, tourna ses armes contre Charles qui s’était emparé de la Lithuanie. Les succès furent balancés, et la guerre se termina, en 1661 par le traité de Carlis. Pendant le cours de ces guerres, le czar porta la plus grande attention à l’amélioration et à la prospérité de ses États ; et, quoique privé des avantages d’une bonne éducation, il montra un esprit vraiment éclairé ; il fit traduire en russe un abrégé de diverses sciences, et prit un grand plaisir à étudier cet ouvrage ; il rassembla en un seul corps toutes les lois des différentes provinces de son empire, et les fit imprimer ensemble dans la langue russe ; idée heureuse en législation, mais qui, vu l’état encore a demi barbare du pays que gouvernait Alexis, pouvait à peine rien produire de mieux qu’une compilation imparfaite et mal digérée. Il introduisit plusieurs nouvelles manufactures dans son pays, particulièrement pour la soie et la toile ; ajouta deux faubourgs à Moscou, et bâtit, dans divers districts, des villes à marchés, qu’il peupla de Polonais et de Lithuaniens. Il fit défricher plusieurs vastes déserts par des prisonniers de guerre qu’il y établit. Il forma aussi le dessein d’introduire des flottes sur la mer Noire et sur la mer Caspienne, et envoya chercher des constructeurs de vaisseaux en Hollande. Il reçut des ambassadeurs de la Perse, de la Chine, et d’autres pays de l’Asie, et fut le premier czar qui entretint une correspondance suivie avec les principales puissances de l’Europe. Désirant augmenter le pouvoir de la couronne, il suivit ce projet avec la circonspection nécessaire dans un pays ou dominait une aristocratie puissante. Il institua une chambre particulière pour juger des offenses commises contre lui, et fit presque toujours exécuter la justice en secret. Ses revenus n’étaient pas considérables ; cependant, par son économie, il parvint à avoir une cour magnifique, une armée nombreuse, et a laisser un riche trésor. Une rébellion formidable vint mettre des obstacles à ses plans de prospérité publique. Cette révolte, excitée en 1669 par Stenko Razin, chef des cosaques du Don, fut d’abord mouillé par de grands actes de barbarie, et longtemps soutenue par la fortune. Stenko s’assura d’Astracan ; et, secondé par une multitude de paysans qui avaient massacré leurs seigneurs, il réunit jusqu’à 200,000 rebelles sous les armes. Alexis se montra aussi violent et aussi cruel que les révoltés ; mais la sédition ne fut entièrement apaisée qu’en 1671 ; Stenko fut alors livré au czar et mis à mort. Les affaires de Pologne donnèrent lieu à quelques différends entre leczar et le Grand Seigneur. Celui-ci, dans sa correspondance, donnait à Alexis le titre de hospodor chrétien, tandis qu’il se donnait à lui-même celui de roi de tout l’univers Le czar, irrité, répondit « qu’il n’était pas fait pour se soumettre à un chien de mahométan, et que son sabre valait bien le cimeterre du Grand Seigneur. » Telles étaient les relations diplomatiques de ce temps-là dans ces contrées. Cependant Alexis, qui désirait engager tous les princes chrétiens dans une ligue contre les Turcs, fit porter à Rome des paroles plus dignes de lui ; mais son ambassadeur refusa de baiser la mule du pape. Malgré ce refus, il fut parfaitement accueilli, et obtint de grandes promesses, mais rien de plus. Alexis s’unit ensuite aux Polonais, et, par la division qu’il opéra contre les musulmans, contribua beaucoup à la mémorable victoire que Jean Sobieski remporta sur eux près de Vienne. Quand la couronne de Pologne devint vacante, Alexis proposa son fils pour roi, ainsi qu’une union entre la Pologne, la Lithuanie et la Russie ; mais son offre ne fut point acceptée. Durant la guerre contre les Turcs, il s’éleva entre les Russes et les Polonais différents sujets de jalousie, et les Polonais s’emparèrent de toute l’Ukraine. Alexis mourut en 1677, âgé de 47 ans, laissant, de sa première femme, deux fils et quatre filles, et de la seconde, une fille et un fils. Ce dernier fut Pierre le Grand, dont la gloire surpassa celle de son père, sans la faire oublier. D-t.


ALEXIS (Pétrowitz), fils du czar Pierre le Grand et d’Eudoxie Lapouskin, naquit à Moscou en 1693, et fut marié, à l’âge de seize ans, à Charlotte de Brunswick-Wolfenbutel, sœur de l’impératrice d’Allemagne, épouse de Charles VI. La manière odieuse et barbare dont il traita cette princesse affaiblit l’intérêt qu’inspirent sa propres malheurs. Alexis, né avec un caractère dur et sauvage, élevé par sa mère dans un attachement superstitieux pour les anciens usages de sa nation, et dans un mépris absurde pour les arts des peuples civilisés, montra, dans ses desseins et dans ses discours, une opposition constante aux réformes entreprises par Pierre le Grand. Ce monarque, craignant qu’un pareil successeur ne détruisit son ouvrage, résolut de le déshériter ; et le czarowitz, soit lâcheté, soit dissimulation, parut lui-même renoncer à l’espérance du trône. Cependant, à peine Pierre le Grand eut-il commencé le second de ses glorieux voyages. que son fils quitta secrètement la Russie, et se retira d’abord à Vienne, ensuite à Inspruck et à Naples. Cette imprudence fut regardée comme un crime par le sévère réformateur des Moscovites ; mais l’histoire n’y découvre pas la plus légère preuve du projet vague dont Alexis fut accusé. Rappelé par le czar, il obéit sas hésiter, et vint se remettre entre les mains d’un père inflexible. Arrêté à son arrivée, il fut obligé de renoncer solennellement à l’empire, devant les principaux membres de la noblesse et du clergé russe. Pierre