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grandes qualités lui avaient d’abord acquis, s’était refroidi dans ses dernières années, et la longueur de son règne semblait avoir fatigué la patience de Constantinople. Il mourut, l’an 1118, de la goutte qu’un froid très-vif fit remonter dans la poitrine. À ses derniers moments, l’impératrice et sa fille Anne Comnène le sollicitèrent vivement d’exclure du trône son fils Jean Comnène, et de mettre la couronne sur la tête de Bryenne, mari d’Anne ; il le refusa constamment. Son règne avait duré 37 ans. Les historiens qui ont parlé de ce prince l’ont peint sous des couleurs bien différentes ; sa fille, Anne Comnène, qui a écrit sa vie, divisée en 15 livres, cherche à justifier toute sa conduite : il est certain néanmoins qu’il eut trop souvent recours aux artifices d’une politique insidieuse ; mais la faiblesse de ses États et la difficulté des circonstances dans lesquelles il se trouva peuvent servir à justifier cette conduite tortueuse. Les histoires de Zonare et de Glycas tinssent au règne de ce prince. L-S-e.


ALEXIS Il (Comnène), empereur de Constantinople, naquit dans cette ville en 1168 ; il était fils de Manuel Comnène et de Marie, fille de Raimond, prince d’Antioche. Cette princesse, qui avait pris dans un couvent le nom de Xéna, se fit proclamer régente à la mort de Manuel, et se disposa à gouverner l’empire sous le nom du jeune Alexis, qui se trouvait alors dans sa douzième année. Ce prince annonçait un caractère sans énergie, et les ambitieux qui remplirent de troubles les courts moments de son apparition sur le trône eurent soin de l’abrutir, en l’excitant au vice et à l’indolence. L’impératrice mère partagea bientôt l’autorité avec la protosebaste Alexis, son amant ; mais il se forma des partis contre la régente et contre le favori ; tous s’appuyaient du nom du jeune empereur. Marie, sa sœur, femme de César Jean, excita un grand tumulte dans Constantinople ; Andronic Comnène profita de ces désordres pour s’ouvrir un chemin au trône ; il s’avança vers la capitale, y fut reçu comme un dieu tutélaire, s’empara de l’autorité, et cependant fit couronner solennellement le jeune Alexis, auquel il ne laissa que la liberté de chasser, et de se livrer à tous les excès. Le malheureux enfant vit périr successivement tous ceux qui lui étaient attachés, et enfin sa sœur et sa mère, dont il fut contraint de signer l’arrêt. C’était un crime impardonnable lui parler des affaires de l’État. Alexis avait été fiancé à Agnès de France ; mais le mariage ne fut pas consommé, et Andronic lui fit épouser sa fille Irène. Bientôt le jeune empereur entendit tout le peuple, excité par des manœuvres secrètes, lui demander d’associer à l’empire son perfide beau-père. Alexis avait trop peu d’expérience pour ne pas croire à cet enthousiasme apparent, et, le lendemain, il reçut, au pied des autels ; le serment d’Andronic. Cette cérémonie était à peine achevée, que ce dangereux collègue le fit déclarer incapable de régner, et tout le conseil fut bientôt d’accord sur le danger qu’il y aurait à lui laisser la vie. Trois assassins entrèrent la nuit dans son appartement, et l’étranglèrent avec la corde d’un arc ; sa tête fut jetée dans une fosse destinée aux criminels, et son corps, mis dans un cercueil de plomb, fut conduit en pleine mer, où on le précipita ; la barque chargée du dépôt sanglant portait des musiciens, dont les chants et les instruments semblaient célébrer un triomphe. Ainsi périt ce malheureux prince, en 1483. Il avait porté 3 ans le nom d’empereur. L-S-e.


ALEXIS III (l’Ange), empereur d’Orient, usurpa le sceptre, en 1195, sur son frère Isaac l’Ange, que ses vices, sa faiblesse, ses imprudences, et les revers dont l’empire était accablé, avaient fait détester des Grecs. Isaac avait comblé son frère d’honneurs et de richesses ; mais l’ambitieux Alexis convoitait le trône, et ses manœuvres secrètes aigrissaient les esprits contre un prince qui les avait tous aliénés par son odieux caractère. Pendant qu’Isaac était occupé d’une partie de chasse, ses officiers et les chefs de l’armée, d’accord avec Alexis, proclamèrent ce dernier empereur. Isaac s’enfuit à Stagyre, où il fut arrêté ; le nouvel empereur lui fit crever les yeux, et le retint dans la captivité la plus dure. Alexis, maître du trône par un crime, voulut s’y affermir par des largesses ; les trésors de l’État furent dilapidés ; les militaires obtinrent des congés, et l’Empire se trouva sans défense contre les irruptions des barbares. Cependant les dispositions du peuple de Constantinople étaient incertaines ; en vain l’impératrice Euphrosine prodiguait toutes les ressources que lui fournissaient sa beauté, son éloquence et son adresse : le nom de l’Ange était méprisé ; on tirait contre Alexis des présages d’un accident ; on favorisait secrètement quiconque proclamait la révolte ; un faux Alexis, qui se disait fils de Manuel, et que le sultan d’Ancyre appuyait, fit des progrès inquiétants ; un assassinat domestique délivra l’empereur grec de ce compétiteur ; mais les Turcs continuèrent de ravager l’empire, que les Bulgares attaquaient d’un autre côté. Les pirates infestaient les côtes, et le désordre intérieur était à son comble ; l’intrigue et la vénalité disposaient des places. Euphrosine voulut empêcher ces abus ; on irrita l’empereur contre elle, au point qu’il fit massacrer Vatace, favori de cette princesse. L’impératice, après une disgrâce momentanée, recouvra son crédit, et s’efforça de suppléer à la faiblesse de son époux ; mais les invasions et les révoltes se multipliaient ; les Bulgares et les Valaques désolaient la Macédoine et la Thrace ; Alexis n’opposait à ses ennemis que des tentatives incomplètes, et bientôt abandonnées lâchement. Cependant un orage plus violent s’amoncelait sur sa tête. En 1202, les princes d’Occident se rassemblèrent à Venise pour une nouvelle croisade ; un jeune fils d’Isaac l’Ange, Alexis, implora leur secours contre son oncle ; il promit de, faire cesser le schisme d’Orient, si les croisés l’aidaient à remonter sur le trône. Cet espoir chimérique, dont les princes chrétiens s’étaient laissé berner tant de fois, les détermina à prendre la route de Constantinople, au lieu d’attaquer, d’abord l’Égypte, comme ils en avaient formé le plan. Au mois de juin 1203, les croisés et le jeune Alexis partirent devant Constantinople. L’empereur, livré aux plaisirs et à