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nier qu’un tel projet, dont Alexandre fut le promoteur, n’atteste la pureté de ses intentions, mais on chercherait en vain dans ce pacte tant blâmé par les uns, tant loué par les autres, le plan ou l’organisation d’une confédération politique. Ce n’est qu’un traité d’alliance vague, établi sur des lieux communs de morale, ce ne sont enfin, de la part des souverains, que des promesses banales et dont on sait qu’ils ne sont jamais avares ; aussi aucun des contractants, si ce n’est Alexandre, ne crut avoir pris d’engagement bien sérieux. Celles des puissances qui ne l’avaient pas d’abord signé ne tardèrent point à y accéder ; et l’Angleterre, que ses formes constitutionnelles empêchaient d’y concourir, déclara qu’elle adhérait complètement aux principes qui en étaient la base. Cependant quelques réclamations s’élevèrent dès lors, et l’on pensa qu’un pacte auquel semblaient n’être appelées que les nations chrétiennes pourrait bien implicitement être une condamnation et un arrêt de mort pour celles qui ne l’étaient pas ; on désigna même l’empire turc, qui depuis longtemps était le but des vues ambitieuses de tous les prédécesseurs d’Alexandre. Ce monarque crut devoir réfuter ces allégations ; et, dans une circulaire, il fit connaître à toutes les cours que ce traité de paix et d’union entre les nations chrétiennes n’était point exclusif, et que les États qui ne reconnaissaient pas les doctrines de l’Évangile y étaient également appelés. Alexandre avait toujours eu du penchant pour les idées religieuses ; il était convaincu qu’en 1812 c’était à ces idées que son peuple et lui avaient du l’énergique persévérance qui sauva l’État ; et cette opinion, jointe peut-être à l’influence de certaines relations mystiques (voy. madame Krudner et Bergasse), avait produit en lui cette piété dont quelques-uns de ses actes ont porté l’empreinte. Il tenait beaucoup à son titre de chef du clergé, et se montra fort opposé à la réunion de l’Église russienne a l’Église romaine. (Voy. Arezzo.) — Le 10 septembre 1815, Alexandre passa en revue ses troupes dans les plaines de Vertus, en Champagne, et il invita à cette cérémonie tous les souverains alliés et les plus éminents personnages qui se trouvaient en France. Il assista peu après à la revue des armées autrichiennes que fit l’empereur François auprès de Dijon, et vers le même temps il se rendit à Bruxelles, où il fut témoin du mariage de la grande-duchesse Anne, sa sœur, avec le prince d’Orange. Accompagné du roi des Pays-Bas et de son fils, il visita la plaine de Waterloo. Arrive près de la ferme de la Belle-Alliance, il dit aux deux princes qui étaient près de lui : « Oui, c’est véritablement la belle alliance, aussi bien celle des États que celle des familles ; fasse le ciel qu’elle dure longtemps ! » Il partit bientôt pour Berlin, où il conclut le mariage de son frère Nicolas avec la princesse Charlotte de Prusse ; puis pour Varsovie, ou il établit un gouvernement constitutionnel à la tête duquel il mit le général Zaionezek (voy. ce nom), avec le titre de vice-roi. De retour à Pétersbourg le 13 décembre, il ne s’y arrêta que quelques mois, voulant s’assurer par lui-même de l’état des provinces qui avaient le plus souffert de l’invasion française, et hâter par sa présence l’exécution des mesures réparatrices qu’il avait ordonnées. Ce fut dans de pareilles vues qu’il visita Moscou vers la fin d’août 1816, et que par un manifeste il exprima la profonde douleur que lui avaient causée les désastres de cette cité fidèle. Au nombre des bienfaits qui signalèrent à cette époque le gouvernement d’Alexandre. on doit remarquer la reconstruction du pont de la Newa, imaginé par le général Béthancourt, et qui coûta 160,000 roubles ; l’établissement d’une marine proportionnée à la vaste étendue de l’empire ; la répartition de 1,500,000 roubles entre les entrepreneurs de constructions nouvelles ; l’achèvement du bâtiment de l’amirauté ; la création d’un institut pédagogique ; celle d’un lycée impérial, que le fondateur visita souvent dans la suite ; enfin de nouveaux règlements pour favoriser l’agriculture, la colonisation et le défrichement