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appel véhément, tous les souverains alliés et tributaires de Napoléon conçurent l’espoir d’une prochaine délivrance ; mais la timidité, fruit d’une longue soumission et de tant de vaines tentatives, retenait encore la manifestation de ces espérances. Le premier qu’Alexandre détacha de l’alliance des Français fut le roi de Prusse. Les troupes de ce monarque. commandées par le général York (voy. ce nom), quittèrent, le 29 décembre 1812, le corps de l’armée française dont elles faisaient partie, et se joignirent au général russe Diebitsch. Frédéric-Guillaume, qui était alors dans sa capitale au pouvoir des Français, parut blâmer la conduite de son général ; mais dans le même temps il négociait secrètement avec Alexandre une alliance dont le but immédiat et commun fut la guerre contre Bonaparte. Par cette alliance qui fut conclue à Kalich le 8 mars 1813, la Russie s’engagea à fournir 150,000 hommes, et la Prusse 80.000. Frédéric-Guillaume et l’empereur Alexandre, après une longue séparation, se revirent enfin à Breslau le 15 mai 1813. Ces deux monarques s’étaient toujours beaucoup aimés ; ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, et le roi de Prusse ne put retenir ses pleurs : « Courage, mon frère ! lui dit Alexandre, ce sont les dernières larmes que vous fera verser, Napoléon. » Bientôt l’empereur de Russie parvint définitivement à faire entrer la Suède dans cette ligue contre la France (voy. Charles XIII) ; ALE 455 et cette puissance promit un secours de 20,000 hommes. Lorsqu’ils virent le moment de le faire sans danger, d’autres princes se déclarèrent également contre la France ; et, à compter de ce jour, la fameuse confédération du Rhin, sous le protectorat de Napoléon, dut être considérée comme dissoute. Mais de son côté le rival d’Alexandre n’était point abattu par tant de revers. Redoublant d’activité et de vigueur, il avait en quelques semaines créé de nouvelles armées, et dès les premiers jours de mai on le vit dans les plaines de la Saxe à la tête de 200,000 hommes. C’était pour la plus grande partie des recrues et de jeunes soldats, et il manquait presque entièrement de cavalerie ; mais ses troupes étaient conduites par des chefs aussi expérimentés que courageux. et, malgré les revers de Moscou, la présence du héros français inspirait toujours une grande confiance. Les deux monarques du Nord, Alexandre et Frédéric-Guillaume, se montraient aussi courageusement à la tête de leurs armées ; mais pour l’expérience et l’habileté, pour la force et l’unité d’action que donne seule l’unité de pouvoir, on ne peut nier que Napoléon ne réunit de grands avantages. Les premiers combats ne furent point en faveur de la coalition : vaincu aux journées de Lutzen et de Bautzen. dans lesquelles il courut des dangers personnels, Alexandre refusa un armistice ; mais, après la défaite de Wurtschen, ce fut lui qui à son tour demanda une suspension d’armes devenue nécessaire aux troupes alliées. Cette trêve leur fut très-profitable ; elle donna aux secours promis par la Suède et l’Angleterre le temps de débarquer, et à l’empereur de Russie celui de déterminer François Ier à se joindre aux ennemis de la France. Cette réunion et celle de la Bavière et du Wurtemberg, qui suivirent de près, porteront les forces de la coalition à plus de 500,000 hommes. Des le 15 juin l’empereur Alexandre avait conclu avec la Grande-Bretagne un nouveau traité de subsides, par lequel il s’était engagé à ne recevoir séparément aucune proposition. Alors une grande difficulté se présenta aux souverains alliés, ce fut de savoir à qui serait confie le commandement de forces aussi nombreuses. On sait que l’empereur Alexandre désirait vivement en être chargé[1]. Ses éminents services, sa conduite personnelle dans toute cette guerre, c’étaient là sans doute des titres incontestables ; mais l’Autriche s’y montra fort opposa, et, comme on avait un extrême besoin de son assistance, Alexandre céda avec une modération digne de tous les éloges. Peut-être fit-il plus en ce moment pour la coalition, par cette rare flexibilité, qu’il n’avait fait jusqu’alors par toute la puissance de ses armes. Schwarzenberg reçut le titre de généralissime, mais Alexandre resta constamment à la tête des troupes ; et ce fut réellement, encore lui qui, par son ascendant et la supériorité de ses vues et de son caractère, continua a donner

  1. Ces renseignements, tout à fait neufs, et si importants pour l’histoire, ont été puisés dans le curieux ouvrage de lord Londonderry, alors commissaire anglais puis des armées confédérées, que l’on vient de publier en français sous le titre d’Histoire de la guerre de 1813 et 1814 en Allemagne et en France, 2 vol., in-8o