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Les circonstances prétendues de la mort d’Alexandre n’ont pas excité moins de doutes. Voltaire lui-même, qu’on ne soupçonnera point de partialité en faveur d’un pape, réclame contre cette assertion avec la plus grande véhémence dans sa dissertation sur la mort de Henri IV : « J’ose dire à Guicchardin, s’écrie-t-il, l’Europe est trompée par vous, et vous l’avez été par votre passion ; vous étiez l’ennemi du pape, vous en avez trop cru votre haine et les actions de sa vie. Il avait, à la vérité, exercé des vengeances cruelles et perfides contre des ennemis aussi cruels et aussi perfides que lui, etc. » Ce peu de mots d’une discussion historique qu’il est inutile de citer tout entière, parce que chaque lecteur est à même de la vérifier, contient le jugement impartial qu’on peut porter sur Alexandre. Terminons d’un seul trait ce qui le concerne. Les faits prouvés contre lui suffisent pour faire haïr sa mémoire, sans y joindre des inculpations dont l’incertitude élèverait des soupçons sur des points non contestés. L’historien peut bien louer ou absoudre sur la foi de témoignages imposants ; mais il ne doit condamner qu’à l’unanimité des suffrages, ou d’après des monuments authentiques. Les historiens principaux qui ont écrit sur Alexandre VI sont Guicchardin, Burçhard, Tomas-Tomasi, Paul Jove et Gordon. Il eut pour successeur Pie III. D-s.


ALEXANDRE VII, né à Sienne le 12 février 1599, appelé Fabio Chigi, et de l’illustre famille de ce nom, fut d’abord nonce en Allemagne, inquisiteur à Malte, puis vice-légat à Ferrare, évêque d’Imola, et enfin cardinal. Il avait fait concevoir quelques idées heureuses de ses talents et de son caractère, particulièrement pendant les négociations relatives à la paix de Munster, et on lui croyait une grande sévérité de principes, parce qu’il déclamait contre les abus. Le cardinal de Retz, qui parle de lui dans ses Mémoires, ne contribua pas peu à l’élever à la tiare, après la mort d’Innocent X, le 7 avril 1655, La querelle élevée au sujet du livre de Jansénius avait occupé les deux prédécesseurs d’Alexandre VII : cette affaire eut aussi ses premiers soins. Il confirma d’abord, par une huile de 1656, celle d’innocent X, qui condamnait les cinq propositions. On s’était occupé ensuite de faire constater, par un acte particulier, que ces cinq propositions étaient contenues dans le libre de Jansenius. Cet acte, appelé le Formulaire, devait être signé individuellement par chaque ecclésiastique séculier ou régulier. Il avait été proposé et rédigé par une assemblée du clergé de France, en 1656 ; Alexandre le prescrivit par une bulle de 1665, qui change quelques termes à ce formulaire, mais qui en conserve l’essence. Louis XIV fit enregistrer ces deux bulles au parlement. Une affaire d’un autre genre, l’insulte faite par la garde corse au duc de Créquy, ambassadeur de France, donna beaucoup de chagrin à Alexandre ; Louis XIV exigea des réparations proportionnées à l’outrage ; le cardinal Chigi, neveu du pape, vint faire des excuses au roi ; les Corses furent chassés de Rome, et cette punition fut attestée par une pyramide élevée devant leur ancien corps de garde. Louis XIV consentit que ce monument fut abattu, sous le pontificat de Clément IX, à qui il rendit aussi Avignon, dont il s’était emparé ; après avoir obtenu des restitutions pour ses alliés, les ducs de Parme et de Modène. Alexandre VII rendit, en 1665, une bulle contre les censures, faites par la faculté de théologie de Paris, des erreurs de Vernant et de Guillaume de Moya ; en 1667, il donna une autre bulle au sujet de l’attrition. Il reçut à Rome la fameuse Christine, reine de Suède, qui avait précédemment abjuré le luthéranisme, pour embrasser la religion catholique. Il canonisa St. François de Sales et St. Thomas de Villeneuve, archevêque de Valence ; embellit Rome par des édifices, dépensa beaucoup pour achever le collège de la Sapience, qu’il orna d’une belle bibliothèque, et nomma le savant-Allaci (voy. Allacci) bibliothécaire du Vatican. Il aima les lettres, et les cultiva lui-même avec quelque succès. On a de lui un volume de poésies imprimées au Louvre, 1656, in-fol., intitulé : Philomathi Musæ Juveniles ; il les avait composées dans sa jeunesse, lorsqu’il était membre de l’académie des Philomati de Sienne. Alexandre eut des ennemis qui l’accusèrent de peu de sincérité, ce qui tenait peut-être moins à un vice de cœur qu’à la versatilité de sa conduite ; en effet, il démentit sur la fin de sa vie la grande austérité qu’il avait d’abord affichée. Il avait fait mettre un cercueil sous son lit, pour s’habituer aux images de la mort, ce qui ne l’empêcha point de se livrer ensuite à une sorte de luxe. Le népotisme obtint de lui de grandes faveurs, après n’en avoir essuyé que des refus. Le cardinal de Retz, à son second voyage à Rome, prétend qu’il trouva les choses bien changées. Ce prélat, dans ses Mémoires, a tracé le portrait d’Alexandre VII avec son style ordinaire, souvent léger et mordant. Ce fut, à la vérité, un homme minutieux, trop confiant dans ses forces, et bien au-dessous du rôle dont il s’était chargé ; mais sa conduite morale et religieuse ne le rend pas indigne d’estime. Alexandre VII mourut le 16 mars 1667, après 42 ans de pontifiât. Il eut pour successeur Clément IX. D-s.


ALEXANDRE VIII était Vénitien et fils du grand chancelier de la république ; son nom était Pierre Ottoboni. Né le 10 avril 1610, ses premières études avaient été brillantes ; tous les papes, depuis Urbain VIII, avaient contribué à son élévation, et l’avaient employé dans les affaires les plus importantes. Il succéda, le 16 octobre 1689, à Innocent XI, sous le pontificat duquel le marquis de Lavardin, ambassadeur de Louis XIV, avait soutenu avec tant de fermeté le droit de franchise. La discussion s’étant envenimée, le roi s’était emparé d’Avignon. Il le rendit au nouveau pape, espérant obtenir de lui plus de complaisance sur ce point, sur celui de la régale, et sur les quatre articles de la fameuse assemblée du clergé, en 1682. Innocent XI avait refusé des bulles aux prélats qui avaient assisté à cette assemblée ; un grand nombre d’évêchés étaient vacants ; Louis XIV menaçait de rétablir la pragmatique sanction. Il espérait qu’Alexandre VIII