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Alphonse, qui était venu au secours de Rome, fut obligé de se retirer avec ses troupes pour défendre son propre territoire. Les conventions conclues entre Charles VIII et le pape furent, comme il arrive toujours dans de pareilles circonstances, dictées par la force, et consenties parla crainte. La principale fut l’investiture du royaume de Naples. Alexandre remit, entre les maints de Charles, Zizime, qui mourut huit jours après de la dyssenterie, et que beaucoup d’historiens croient avoir été empoisonné à l’avance ; César Borgia, alors évêque et cardinal, sous le nom de Valentin, suivit Charles en qualité d’otage. Mais, peu de jours après le départ de l’armée française pour Naples, il s’échappa du camp à la faveur d’un déguisement ignoble, et retourna à Rome, où le pape le reçut avec joie. Charles dissimulant son courroux, et remettant sa vengeance à des moments plus favorables, poursuivait rapidement rapidement ses avantages ; à son approche, Alphonse s’enfuit en Sicile, et laissa à Ferdinand, son fils, le soin de défendre Naples. Les efforts de celui-ci furent également inutiles ; la conquête fut achevée avec une inconcevable facilité. Alexandre disait « que les Français l’avaient faite avec des éperons de bois, et qu’ils n’avaient fait que marquer leurs logements à la craie. » Cependant Alexandre ne perdait pas de vue ses grands projets contre Charles. César le secondait, animé par les insultes que Vanozia, sa mère, avait reçues de quelques Français pendant leur séjour à Rome. Ceux qui y étaient restés, et leurs partisans, éprouvèrent des outrages, et plusieurs v perdirent la vie. Ce n’était que le prélude des grands orages politiques près d’éclater. Venise se repentait d’avoir laissé un étranger redoutable s’introduire en Italie. Ludovic, qui avait déjà donné de justes soupçons sur sa fidélité, commençait a craindre dans Charles un ami trop puissant. Alexandre se hâta de mettre à profit ses dispositions haineuses, et, dans une assemblée de quelques cardinaux, il proposa et fit résoudre une ligue composée du pape, de l’empereur Maximilien, de la république de Venise et du duc de Milan, avec faculté aux autres princes d’y accéder, sous les conditions qui seraient agrées par les premiers confédérés. Charles sentit le danger dont il était menace. Ses troupes affaiblies par le séjour de Naples, ne demandaient qu’a retourner en France ; il se hâta d’effectuer ce projet. En repassant à Rome, il ne trouva pas Alexandre, qui s’était retire à Orviette, suivi de ses partisans. Charles ne resta que trois jours à Rome ; il se porta rapidement en Toscane, et, de là, dans le duché de Parme, ou les contrastes. rassemblés à Fornoue, lui opposèrent des forces et des obstacles dont la valeur française pouvait seule triompher. Débarrassé de ce formidable ennemi, Alexandre ne songea plus qu’à l’accomplissement de ses projets contre les barons romains, dont la plupart avaient aussi favorisé les armés françaises. Plusieurs furent dépouillés sans résistance. Les premiers exposés à son ressentiment furent Prosper et Fabrice Colonne. Les Orsini lui opposèrent plus de vigueur. Malgré tous les efforts du duc de Gandie, qu’Alexandre avait fait nommer général de l’Église, ils échappèrent pour le moment à sa colère, et conclurent un accommodement avantageux. Dans ces circonstances, le duc de Gandie mourut assassiné ; son corps fut trouvé dans le Tibre. On soupçonna de ce meurtre César Borgia, devenu jaloux de l’élévation de son frère. Quoi qu’il en soit, Alexandre ne parut pas l’en accuser. Toute sa tendresse, au contraire, se tourna vers César. Il lui fit quitter la pourpre de cardinal et la dignité d’évêque, pour l’élever à de plus hautes destinées, se proposant de lui faire épouser la fille de Frédéric, alors roi de Naples. Cette princesse était en ce moment à la cour de France, sous la protection de Louis XII, qui venait de monter sur le tronc, après la mort de Charles VIII. Alexandre députa vers lui, pour obtenir sa coopération et sa bienveillance en faveur du mariage projeté. Louis parut y consentir avec joie, et fit à son tour au pape trois demandes auxquelles il attachait une grande importance. La première était de l’assister dans l’expédition qu’il méditait contre le duché de Milan, sur lequel il faisait valoir ses droits, du chef de Valentine, son aïeule ; la seconde était de consentir à son divorce avec Jeanne de France, pour qu’il pût épouser Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII ; la troisième, enfin, était un chapeau de cardinal pour George d’Amboise, son ministre favori, Ces demandes ayant été accordées par Alexandre, il en résulta une nouvelle liaison politique, qui changea toutes ses anciennes relations, même avec Frédéric, qu’il abandonna bientôt après, par les motifs que nous allons expliquer. Il ne manquait à cette alliance entre Louis XII et Alexandre que la solennité des cérémonies d’apparat. Elles eurent lieu avec le plus grand luxe. César, que Louis X, créa duc de Valentinois, fit son entrée publique, et fut reçu à la cour de France avec des honneurs extraordinaires. Cependant la fille de Frédéric le refusa avec mépris. Alexandre l’en vengea en prononçant la déchéance de Frédéric ; et Louis l’en consola en lui faisant épouser la fille d’Albret, roi de Navarre. Louis, qui venait de conclure un accord avec Ferdinand le Catholique pour le partage du royaume de Naples, avait besoin de l’amitié d’Alexandre pour accomplir ses desseins, et celui-ci jugeait très-bien qu’à la faveur des succès du roi de France, il achèverait aisément de détruire ou de dépouiller une multitude de princes ou de seigneurs particuliers, qui, sous le titre de vicaires de l’Église, s’étaient enrichis de ses anciens domaines. Ce projet d’Alexandre fut découvert par Ludovic Sforce, qui lit saisir le courrier et publier les dépêches. Tous ceux qui furent soupçonnés d’avoir coopéré à cette révélation furent en butte au ressentiment d’Alexandre. Ils se réfugièrent chez le cardinal Colonne, qui aima mieux s’enfuir avec eux que de les livrer. Toute la colère d’Alexandre tomba sur Capra, évêque de Pesaro, qui fut emprisonné, et mourut au bout de deux jours, de la frayeur dont il avait été saisi. Vers ce temps-la environ. un complot fut tramé contre les jours d’Alexandre par un certain Tomasino, qui devait l’empoisonner. Cet homme fut trahi par un de ses amis, et les conjurés