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et les maximes pernicieuses de la cour, et pour inspirer au jeune Alexandre des pensées dignes de sa haute fortune. Héliogabale conçut alors contre lui une telle haine, qu’il essaya de le faire périr par poison. Trompé dans ce détestable projet par la vigilance de Mamæa, il l’attaqua, peu après, ouvertement ; mais le jeune Alexandre s’était tellement concilié la faveur de la garde prétorienne, qu’elle prit les armes pour le défendre. Ses menaces obligèrent l’empereur de venir au camp, et de se réconcilier, du moins en apparence, avec son fils adoptif. Ce rapprochement forcé ne pouvait être durable : Héliogabale complotait la mort d’Alexandre, lorsqu’il fut tué lui-même, ainsi que sa mère, dans une sédition de soldats prétoriens, qui élevèrent aussitôt Alexandre à la dignité, impériale, en 122. Il avait alors treize ans. Le sénat confirma ce choix. On offrit à Alexandre le nom d’Antonin ; mais il le refusa par modestie et la même défiance de ses forces, portée beaucoup trop loin, fit qu’il abandonna l’administration de l’État à sa mère et à son aïeule : toutefois, l’empire n’eut point à se plaindre de la manière dont elles exercèrent le pouvoir suprême. Les grandes places furent données à des hommes dignes de les occuper ; le célèbre jurisconsulte Ulpien fut préfet du prétoire. Mamæa veilla plus que jamais sur Alexandre, désirant que cet empereur fût en tous points le modèle des bons princes, et c’est dans le portrait qu’en a tracé Gibbon, d’après les historiens latins, que l’on peut voir à quel point elle y était parvenue. « Alexandre Sévère, dit cet excellent historien, se levait de bonne heure ; il consacrait les premiers moments du jour à des actes de piété. Le lieu ou il s’y livrait était rempli des images de ces grands hommes qui, en améliorant ou en réformant la vie humaine, ont mérité le respect et la reconnaissance de la postérité ; mais, regardant les services rendus à l’humanité comme ce qui est le plus agréable aux dieux, il passait dans son conseil la plus grande partie des heures de la matinée ; il y discutait et décidait les affaires publiques et particulières, avec une patience et une intelligence supérieures à son âge. Il charmait la sécheresse des affaires par les agréments de la littérature, et réservait toujours une portion de son temps pour ses études favorites de poésie, histoire et de philosophie. Les ouvrages de Virgile et d’Horace, la République de Platon et celle de Cicéron formaient son goût, étendaient ses connaissances, et lui donnaient les plus nobles idées sur les hommes et les gouvernements. Les exercices du corps succédaient à ceux de l’esprit, et Alexandre, qui était grand, actif et robuste, surpassait la plupart de ses compagnons dans la gymnastique. Après avoir renouvelé ses forces par l’usage du bain et par un léger diner, il reprenait avec vigueur les travaux de la journée, et jusqu’à l’heure du souper, repas principal des Romains, il avait près de lui ses secrétaires, lisait avec eux le grand nombre de lettres, de mémoires et de pétitions qu’on lui adressait de toutes les parties du monde soumises à ses lois, et y faisait réponse. Sa table était servie avec la simplicité la plus frugale ; et, toutes les fois qu’il était libre de consulter sa propre inclination, sa société consistait en un petit nombre d’amis choisis, hommes instruits et vertueux, parmi lesquels Ulpien avait constamment sa place. Leur conversation était familière et instructive, et, par intervalles, ils se faisaient réciter quelque ouvrage intéressant, au lieu d’appeler des danseurs, des comédiens, et même des gladiateurs, connue il arrivait si souvent dans les fêtes des Romains opulents et adonnés au luxe. L’habillement d’Alexandre était décent et modeste ; sa conduite polie et affable. Aux heures indiquées, son palais était ouvert à tous ses sujets ; mais un crieur public se faisait entendre, comme dans les mystères d’Eleusis, et prononçait la même observation salutaire : Que personne n’entre dans l’intérieur de ces saintes murailles, s’il n’est sûr d’avoir un cœur plein d’innocence et de pureté. » Une des images qui décoraient sa chapelle particulière était celle de Jésus-Christ, prés de laquelle on voyait celles d’Abraham, d’Orphée et d’Apollonius de Tyanes. Il faut observer, pour qu’on ne conçoive pas une trop haute idée de la dignité de caractère qu’Alexandre montra dans un âge si tendre, qu’un grand nombre de ses amusements était d’une espèce moins louable et plus enfantine, tels que des combats de petits chiens et de petits cochons, de coqs et de perdrix ; mais il est probable qu’il ne se délassait ainsi de ses travaux que dans les premières années de son règne. Son respect pour sa mère alla jusqu’à la faiblesse, et Hérodien en rapporte un trait remarquable. Mamæa lui avait donné pour femme Sulpicia Memnia, fils de Sulpicius, personnage consulaire ; mais, devenant jalouse de son influence sur lui, elle la fit chasser du palais. Le beau-père de l’empereur, s’étant plaint en termes énergiques, fut mis à mort par ordre de Mamæa, qui fit reléguer sa belle-fille en Afrique, sans qu’Alexandre s’y opposait. Hérodien accuse aussi Alexandre de timidité, et cette accusation n’est que trop justifiée par impunité des fréquentes mutineries des prétoriens, qui allèrent jusqu’à massacrer Ulpien dans le palais, en la présence même d’Alexandre, et forcèrent Dion, l’historien, à se réfugier en Bythinie. Cependant, un jour que la sédition était au comble, Alexandre se conduisit avec fermeté, et réduisit les mutins. Il est probable qu’avançant en age, il prit enfin cette force de caractère qui seule paraissait lui manquer. Il eut aussi la faiblesse de chercher à cacher son origine syrienne, en fabriquant une généalogie qui le faisait descendre de l’illustre famille des Métellus. Le principal événement public de son règne fut la guerre avec Artaxerce, roi de Perse. Ce prince s’était révolté contre son souverain Artaban, roi des Parthes, et avait rendu la suprématie à sa nation. Il succéda à l’inimitié invétérée des Parthes contre les Romains, et se disposa à envahir la Mésopotamie et la Syrie. Alexandre lui envoya une ambassade pour l’exhorter à cesser les hostilités. Le superbe Artaxerce la traita avec mépris, entra aussitôt en Mésopotamie, et étendit ses ravages jusqu’en Cappadoce. Alors Alexandre