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que dans l’histoire ottomane, tourna à la gloire du souverain comme du sujet. Abaza, pacha de Bosnie, devint sur toute cette frontière le bouclier de l’empire : il en repoussa constamment les chrétiens ; et comme il avait fait excuser sa révolte par ses motifs, il la fit oublier par sa fidélité. Amurath IV l’employa avec succès contre tous ses ennemis, et le fit passer du pachalik de Bosnie au commandement de Van, ville asiatique que les Persans menaçaient. Abaza s’y défendit quatre mois ; mais il vint à mourir, et sa perte entraîna celle de la place, en 1656. S-y.


ABBADIE (Jacques). naquit à Nay, dans le Béarn, en 1654, et fit ses premières études sous la direction de Laplacette, ministre de cette petite ville. L’indigence de ses parents ne lui aurait pas permis de développer ses talents, si les chefs du protestantisme de la province, instruits de ses heureuses dispositions, ne se fussent chargés des frais de son éducation scolastique. Les secours qu’il en reçut le mirent en état d’aller continuer ses études à Puy-Laurens, ai Saumur et à Sedan, où il prit le degré de docteur en théologie. Le comte d’Espence, premier écuyer de Frédéric-Guillaume, électeur de Brandebourg, l’engagea à faire le voyage de Berlin ; il y devint pasteur de l’Église française réformée. Les devoirs de sa place ne l’empêchèrent pas de faire des voyages en Hollande, dans les années 1684, 86 et 88, pour y veiller à l’impression de divers ouvrages. Le maréchal de Sohomberg. qui avait accompagné le prince d’Orange en Angleterre, l’y attira en 1688, et l’emmena l’année suivante en Irlande, ou il lui procura le doyenné de Killalow. Après la mort du maréchal en 1690, Abbadie revint à Londres. Il fut attaché à l’Église de Savoie, en qualité de ministre ; mais la difficulté qu’il avait d’apprendre ses sermons, et les fréquentes infidélités que lui faisait sa mémoire en les débitant, le dégoûtèrent du ministère. Il se retira à Sainte-Mary-le-Bone, aujourd’hui renfermée dans l’enceinte de Londres. C’est là qu’il termina ses jours, le 6 octobre 1727. Nous avons suivi, pour sa naissance et sa mort, les biographes anglais qui nous ont paru plus à portée d’être instruits de ces deux dates que le P. Nicéron, qui place la première en 1638 et la dernière au 2 octobre 1727. Abbadie a composé un grand nombre d’ouvrage ; mais il est principalement connu par son Traité de la religion chrétienne, publié à Rotterdam en 1684. et réimprimé dans la même ville, en 1688. avec des additions considérables, 2 vol. in-8o. Il y joignit, l’année d’après, le Traité de la Divinité de Jésus-Christ qui en forme la troisième partie. L’ouvrage entier a eu un grand nombre d’éditions, tant en Hollande qu’en France, 4 vol. in-12. Il a été traduit en anglais par Lambert, évêque de Dromore en Irlande, Londres, 1694 ; et en allemand par Bilderbeck. Cette traduction a eu trois éditions, dont la dernière est de Leipsick, 1748. Peu de livres ont été reçus du public avec plus d’enthousiasme que le traité d’Abbadie catholiques et protestants s’accordèrent a le combler d’éloges, et le temps n’a point affaibli sa réputation ; Bussy-Rabutin, qui ne passait pas pour très-croyant, écrivait à madame de Sévigné : « Jusqu’ici je n’ai point été touché de tous les autres livres qui parlent de Dieu, et j’en vois bien aujourd’hui la raison, c’est que la source m’en paraissait douteuse ; mais la voyant claire et nette dans le livre d’Abbadie, il me fait valoir ce que je n’estimais pas. Encore une fois, c’est un livre admirable ; il me peint tout ce qu’il me dit, et il force ma raison de ne pas douter de ce qui lui paraissait incroyable. » L’auteur a, sur tous ceux qui avaient jusque-là traité les mêmes matières, l’avantage de réunir toutes les controverses avec les incrédules. Il combat les athées dans la première partie, les déistes dans la seconde, et les sociniens dans la troisième. « Philosophe et théologien tout ensemble, dit l’abbé Houteville, sa manière de composer est de plus sur le vrai ton, je veux dire, intéressante, pure, animée. » Personne ne lui conteste le mérite éminent d’avoir donné aux preuves morales qui ne dépendent que de la réflexion et du raisonnement tout le développement convenable. Son ouvrage ne laisse presque rien à désirer sur cet article, et doit servir de modèle. Les questions de fait n’y sont pas traitées avec la même étendue ; mais ceux qui lui reprochent sa brièveté à cet égard devraient faire attention que de son temps on n’avait pas mis à contribution, avec autant de succès qu’on l’a fait depuis, les règles de la grammaire, les langues anciennes, l’histoire, la chronologie, pour faire sortir de l’obscurité des siècles tout ce que ces diverses sources peuvent fournir de difficultés contre les manuscrits sacrés de la révélation. Les éloges presque sans bornes donnés à cet excellent ouvrage souffrent cependant quelques modifications pour la troisième partie ; où l’on croit apercevoir plus de sécheresse, moins de force et de vivacité. La Vérité de la religion chrétienne réformée n’eut pas à beaucoup près le même succès. C’est une controverse contre les catholiques, qui ne pouvait avoir d’intérêt que pour les calvinistes. Le tome 1er, publié à Rotterdam en 1717, in-8o, contient la table des chapitres du second volume, qui n’a point paru. L’Art de se connaître soi-même, imprimé dans la même ville, en 1692, in-8o, a été traduit en différentes langues, et réimprimé plusieurs fois en France. L’édition de Lyon, en 1693, subit quelques altérations sous la plume de l’éditeur (Cohade). Ce que l’auteur y dit du principe des actions vertueuses, qu’il fait consister dans l’amour de soi, fut attaqué par D. Lami, qui prit cet amour pour l’amour-propre. Abbadie fut défendu victorieusement par Malehranche dans son Traité de l’amour de Dieu, et il s’expliqua lui-même d’une manière satisfaisante par une lettre qui a été insérée dans le Recueil de pièces de l’abbé Archimbaud. Les autres ouvrages d’Abbadie, moins connus, sont : les Caractères du Chrétien et du Christianisme, avec des réflexions sur les afflictions de l’Église, la Haye, 1685, in-12 ; 2o  le Triomphe de la Providence et de la Religion, où l’Ouverture des sept sceaux par le fils de Dieu, ou l’on trouvera la première partie de l’Apocalypse clairement expliquée par ce qu’il y a de plus connu dans l’histoire, et de moins-contesté dans la parole de Dieu, avec une nouvelle et très-sensible démonstration de la vérité de la religion chrétienne ;